C‘est au sein de l’Institut Musical de Vendée qu’il écrit sa partition, mais pas seulement. Côté cour, il dirige un centre qui accueille un chœur d’enfants ; côté cœur, il s’investit dans de nombreuses associations. Il a sous le coude un projet prometteur, une synthèse des actions qu’il met en musique depuis plusieurs années.

L’IMV a bientôt un quart de siècle. « C’est un institut ouvert pour les jeunes scolarisés à Saint Gab qui veulent découvrir le chant choral ». Formation musicale, technique vocale. « Ils chantent 4h30 par semaine. C’est ouvert à tous les collégiens ; à celles et ceux qui veulent davantage qu’une scolarité basique. Le lycée y est intégré, de même que depuis peu, un chœur de jeunes adultes composé d’anciens élèves. Ils sont une cinquantaine au total ». La voix c’est la rencontre, d’abord avec soi. « C’est s’ouvrir à son intériorité, exprimer une sensibilité, apprécier sa voix pour une meilleure estime de soi ».

Lorsqu’il était élève dans ce même établissement, Gervais ne comptait pas parmi les meilleurs élèves. « J’avais du mal à m’investir dans mon travail sans savoir où j’allais. Je peinais à trouver un intérêt. Je suis allé jusqu’au Bac, sans le décrocher. J’ai aussi fait une année de séminaire, sans y trouver le sens que je recherchais ». C’est au retour de l’armée qu’il verra cette offre d’emploi pour un poste de surveillant éducateur. « Je suis revenu à mes premières non-amours ».

Le service militaire le bouscule tout en lui offrant un cadre. « Comme je jouais dans l’Harmonie de Saint Laurent sur Sèvre, j’aspirais à faire de la musique militaire. En plus du saxo et de la clarinette, j’avais une formation d’organiste. Le bagad de Châteaulin en cherchait un. J’ai été intégré sur le champ mais je ne savais pas que c’était un camp semi disciplinaire. J’en ai bavé comme pas possible pendant six mois avec des stages commandos. Puis j’ai connu six mois de bonheur avec la musique. On est allé jouer à Berlin après la chute du Mur. J’étais sergent, en responsabilité de troupes. Au final, ça a été une école qui m’a recadré et reboosté ».

Lorsqu’il débute à Saint Gab’, en plus de la surveillance, le directeur adjoint le sollicite pour organiser les cours d’instruments pour les élèves de l’internat. « Il n’y avait pas de crédits d’heures pour ça ; c’était du bonus, mais ça me plaisait ». L’idée de créer un chœur d’enfants germe dans la tête des dirigeants. « L’Institut a été créé en 1998. J’ai connu les premières heures de l’IMV avec comme premier bureau le coffre de ma voiture. Petit à petit, j’ai eu un quota d’heures pour assurer la régie, puis en 2006, lorsque Patrick Rabiller a pris la direction de l’établissement, il m’a donné les clés de l’IMV ». Colette Delerue, l’épouse du compositeur de musiques de films Georges Delerue en est la marraine.

De beaux souvenirs jalonnent le parcours de l’ensemble dirigé artistiquement par Odile Amossé. « Le directeur de radio Vatican appelle le maître de chapelle de la Basilique Saint Pierre de Rome pour nous faire chanter lors d’une célébration. Ce n’était pas prévu. Quel beau moment ! ». Moins fastueux mais tout autant gravé dans les mémoires, le cirque en 2007. « L’arrière-petit-fils d’Achille Zavatta était à l’IMV. Une rencontre avec son père a déclenché cette idée des Arts en Cirque. Nous accompagnions les numéros par le chant ». L’exercice choral se double d’une thématique : « Savoir donner. Il ne faut pas qu’attendre de recevoir ».

Bien qu’il n’ait pas cette vocation, l’Institut a été un tremplin pour quelques-uns de ses membres. « Une de nos élèves est aujourd’hui à l’AICOM (Académie Internationale de COmédie Musicale), un autre, sorti de nos rangs, est danseur professionnel international. Il y a des révélations moins prestigieuses, tout aussi importantes sur le plan de la construction individuelle. Je me souviens d’une jeune fille arrivée en troisième ; elle regardait ses pieds. En fin d’année, elle était soliste et assurait les visites pour les portes ouvertes. Elle était métamorphosée ».

Aux yeux de Gervais, le Covid a exacerbé l’individualisme. « Ça a révélé des choses étonnantes sur le plan du chacun pour soi. Des gens qui étaient amis se sont éloignés. Ce monde de plus en plus individuel m’inquiète ». Il voit un paradoxe avec des formes de solidarité plus lointaines. « On est plus solidaires loin de chez soi -et c’est heureux- que près de chez soi. Porter une attention à celui qui souffre à proximité semble déranger plus que celui qui est au loin ». Lui plaide pour des formes d’intelligence collective, plus locales. « Le milieu rural ne manque pas d’exemples d’aventures collectives. En ville, c’est plus difficile ».

Gervais est le papa de quatre grands enfants. « Constituer une famille, nous nous y sommes attelés avec mon épouse ; il n’y a pas d’école de parents pour ça. Nous participons à des rencontres autour du couple au sein des équipes Notre-Dame ». L’épreuve récente qui l’a marquée, c’est le drame du père Olivier Maire en août 2021. « Je jouais de l’orgue à sa messe, la veille au soir. Sans la Foi, j’aurais pu tout plaquer suite à ce geste incompréhensible. J’ai vite compris dans les jours qui ont suivi que son action allait rejaillir. Notre devoir est aujourd’hui de continuer son œuvre. Il y aura des fruits. Je pense souvent à lui ». Sa lecture quotidienne d’un texte de l’Evangile conforte ses convictions.

Un qui compte beaucoup à ses yeux, c’est Patrick Rabiller. « Il m’a sorti de l’ombre en me faisant confiance professionnellement. J’essaie de lui redonner un peu, avec tout ce qu’il m’a apporté ». Le projet d’un centre culturel dans l’enceinte de la communauté de la Sagesse à Saint Laurent rassemble les pièces d’un puzzle posées par l’un et l’autre depuis plus de vingt ans. « Cette ancienne ferme comprend des bâtiments à haut potentiel qui nous permettront d’accueillir des orchestres et des résidences d’artistes. Il y aura un dispositif pour rapprocher le monde du handicap à celui de la musique, de l’Art-thérapie, un espace coworking pour les associations, un livre sonore… Nous espérons que cela se concrétise d’ici quatre ou cinq ans. Ce sera un bel aboutissement. L’association est créée : ‘Voix de la Sagesse’ ». Un projet à dimension spirituelle ? « Oui, en ce sens que pour moi la spiritualité c’est donner le meilleur de soi ». Donner, un leitmotiv chez lui. « Retrouvez le sens du gratuit, le désintéressement, ça n’empêche pas de recevoir aussi ».