La rigueur d’un comptable est-elle compatible avec une production tournée vers le rire ? Benoît Agoyer, le nantais implanté aux Sables d’Olonne en fait la démonstration. De façon assez magistrale. Voilà 10 ans qu’il a décidé de tourner la page, embarquant depuis peu dans son aventure entrepreneuriale sa compagne, avocate.

Longtemps il a travaillé dans une grosse entreprise du bâtiment. « En parallèle, j’étais bénévole dans une structure associative, la Bouche d’air. Plus tard, nous avons monté une association pour promouvoir des artistes locaux. Ces artistes n’avaient pas forcément les moyens de se faire accompagner par une structure pour vendre leur spectacle. J’ai commencé comme ça ».

C’est aussi l’époque où il rencontre Claire, sur un festival d’humour, le souffleur d’Arundel, du côté de la Chaume. « J’ai fait le choix de venir aux Sables pour créer ma boite de production, Kalmia Production, en partant de zéro, si ce n’est les quelques noms que je connaissais sur Nantes, bien trop peu pour en faire un métier ». Un choix aventureux ? « J’étais vraiment lassé de mon travail. Je n’avais pas encore la quarantaine. C’était le moment ». Il constitue son book, va de salle en salle défendre ses artistes. « J’ai à cœur de faire grandir chaque projet dès lors que je signe avec un artiste. Je veux lui donner l’occasion de rencontrer le public le plus large ».

Vaste projet qui nécessite plusieurs mois pour la mise en place. « D’autant que je n’étais pas connu dans le milieu. Au bout de deux ans, j’ai rencontré Elodie Poux. En huit ans, on est passé du café-théâtre de 20 personnes à trois Casino de Paris ». Bonne pioche. Benoît a pourtant ses exigences. « Je choisis les artistes dont j’aime le travail artistique, principalement dans l’humour, également dans la chanson. J’ai dix spectacles en ce moment ». La bonne entente est primordiale. « Je n’ai pas lâché la compta pour m’embêter ailleurs. Je défends les spectacles qui me plaisent ».

Benoît connait le travail d’Elodie Poux qu’il a vu par bribes. « Lorsqu’elle a joué son spectacle en intégralité au théâtre ‘100 Noms’ à Nantes, la salle cherchait une production pour héberger le contrat. Je lui ai dit que j’aimerais poursuivre avec elle, ce que visiblement elle attendait ». Arnaud Demanche, autre pointure du catalogue Kalmia, est lui venu vers Benoit à Avignon. « J’ai tout de suite senti chez lui une vraie volonté de travail. Il changeait de spectacle. C’était un pari. Comme il est très sympathique, je n’ai pas hésité longtemps… ».

Il respecte le travail des programmateurs. « Ce sont eux qui défendent leur saison. Je ne vais pas jouer les gros bras en imposant un artiste inconnu en complément d’Elodie par exemple ». S’il y a une profession exposée par la pandémie, c’est bien le milieu du spectacle. « Il y aura forcément un avant et un après. Le public achète ses places à la dernière minute. Pour le spectacle émergent, c’est plus compliqué en ce moment, surtout à Paris. On a l’impression que les gens ne veulent plus sortir ». Le Covid n’est pas la seule explication. « Les gens consomment de plus en plus sur les plateformes, comme pour la musique ou les séries. Il y en a toujours qui réclameront du spectacle vivant. Je garde bon espoir. Et puis, les gens oublient vite ».

Benoît revient sur ces dix dernières années et son implantation dans une ville certes agréable, mais pas la mieux dotée en offre artistique, pas plus que le département d’ailleurs. « Il y a 10 ans les gens m’ont dit : tu ne t’installes pas à Paris ? Tu n’as pas peur ? Il y a 6 ou 7 ans, on commençait à me dire : tu as de la chance avec le bord de mer. Et aujourd’hui, ils me disent : tu as tout compris. Je préfère prendre le train 3 ou 4 fois par mois pour monter sur Paris plutôt que griller mon temps dans les transports parisiens ».

Dans un milieu qu’on prétend surfait, lui apprécie les relations avec les professionnels. « Tu vois rapidement les gens envers qui tu peux avoir confiance. Au départ, j’étais le petit inconnu. Il me semble qu’aujourd’hui, je suis un peu plus considéré ».

Son challenge est double : faire émerger les artistes, régaler le public. « Les gens en ont besoin plus que jamais ». Les projets variés le stimulent. « Il y a tant de belles choses artistiques à défendre ». Bien qu’il le contraigne, le virus ne plombe pas plus que ça sa nature optimiste. « Il faut relativiser. Même quand on reste à la maison pendant un confinement, il n’y a pas non plus la menace de l’obus qui nous tombe sur la tête ». Il regarde de près les décisions sur les jauges de spectacles. « Souhaitons que les petites jauges soient préservées. Le milieu du spectacle est touché, mais aussi beaucoup d’entreprises. Ça ne doit pas être simple pour celles qui ont démarré en 2018 ou 2019 ».

Quand le temps lui en donne la possibilité, il aime aller sur des gros concerts. « Revoir Tryo, Catherine Ringer ou Philippe Katerine cet été, ça m’a fait du bien ». Il aime les salles obscures pour une toile, dit rarement non à un bon restau. « Pour le sport, je préfère regarder ! ».  Il encourage les handballeurs nantais aussi souvent qu’il le peut.

La rivalité sympathique entre le 44 et le 85 ? « Ce n’est pas non plus celle entre St Etienne et Lyon. Là-bas, on ne joue pas avec ça ». Il reconnait qu’il a fallu faire sa place lorsqu’il est arrivé en terre vendéenne. « Aujourd’hui ce n’est plus un problème ». Pas plus que les recommandations excessivement prudentes lors de son installation. « Il y a toujours quelqu’un pour te dire qu’il ne faut pas faire comme ça… » Lui, fais confiance à son instinct. « Dès qu’on sent la possibilité de réaliser des choses, à titre pro ou privé, il faut se donner les moyens pour ne pas regretter de ne pas l’avoir fait. Facile à dire au bout de 10 ans. Ce dont je suis sûr, c’est que si je n’avais pas essayé, aujourd’hui je m’en mordrais les doigts ».