S’il y en a un qui est heureux derrière son comptoir, c’est Miguel. A 44 ans, il vient d’acquérir sa troisième affaire, un bistrot de village où chaque journée ne ressemble pas à la veille. Certes, le métier est exigeant, fatiguant parfois. C’est bien connu, « le comptoir d’un café est le parlement du peuple » comme disait Balzac.

Du haut de ses quinze ans, Miguel voulait travailler dans la restauration. « J’ai commencé aux Sorbets à Noirmoutier, puis à Jeanne Delanoue à Cholet. J’ai fait une mention complémentaire comme barman à Saint Nazaire ». Depuis 28 ans qu’il fait ce métier, les joies l’emportent sur les contraintes. « C’est un peu fatiguant. On marche beaucoup et les journées sont longues. Je me considère mieux loti que les personnes qui travaillent en extérieur dans des conditions difficiles. Et puis surtout, les journées sont truffées de bons moments. Je me marre tous les jours. J’écoute aussi les personnes qui ont besoin de parler. La solitude existe ; le café est parfois le moyen la briser, au moins momentanément ». S’il avait dû choisir un autre commerce ? « L’immobilier me plaisait bien, ou encore taxi. Mais la restauration revenait toujours dans mon esprit ».

C’est à Mayenne qu’il achète sa première affaire. « Nous y sommes restés 9 ans ; ça marchait bien ». Il choisit alors de s’implanter sur Nantes. « Ça a très bien démarré, puis coups sur coups, dans le quartier où nous étions, il y avait régulièrement des manifestations. J’ai pris de la lacrymo tous les mardis et les jeudis pendant 6 mois. J’ai cru que ça allait s’apaiser jusqu’à ce que la ville entreprenne des travaux. Il y a eu une tranchée pendant deux périodes de 3 mois. C’était trop ». Des raisons externes qui l’obligent à rendre le tablier. « Ça n’a pas été une bonne affaire financièrement, mais elle m’a beaucoup appris. Et surtout j’ai relativisé plein de choses. Il n’y a pas que l’argent dans la vie. Je n’ai pas perdu confiance en moi. Au contraire, j’ai appris. Ça m’a forgé un peu plus ».

Il revient comme responsable de la salle au Grand Café à Cholet. « C’est là que j’ai commencé en 1997 à l’ouverture ». C’est là aussi où il a rencontré sa future femme. « Dans notre profession, on rencontre souvent le conjoint dans le travail ». Il ne prévoyait pas reprendre une affaire jusqu’à ce qu’il tombe sur une petite annonce. « Sans vraiment y croire, je viens prendre un café ici, en curieux, au Maritou à Saint Malô du Bois. En entrant, j’ai tout de suite eu la sensation que c’était bon pour moi. Ma femme était d’accord ». Elle aussi travaille dans la restauration. « Ça nous oblige à trouver une organisation pour notre petite famille. On essaie de se garder nos lundis et mardis. Nos deux filles sont nées dans le commerce. Elles ont gagné rapidement en autonomie ».

Son regard sur la période actuelle est assez circonspect. « Je relativise à partir du moment où mes proches vont bien ». Miguel était réticent au vaccin. « Si je ne m’y étais pas soumis, aujourd’hui je ne pourrais plus bosser ». Le climat ambiant affecte-t-il ses clients ? « Je suis surpris de voir les jeunes appliquer les consignes à la lettre, en s’installant directement à une table. Quand les gens viennent ici, c’est pour passer un bon moment. Ils vivent et s’amusent entre eux malgré les contraintes ». Il pardonne aux dirigeants politiques leurs errements dans la gestion de la pandémie. « Je préfère être à ma place qu’à la leur. Quand ils changent d’avis, c’est l’évolution du virus qui l’impose ».

Miguel ne craint pas pour lui. « Je crains que ce soit trop contraignant pour les jeunes générations que l’on masque, que l’on vaccine ». Il s’interroge. « Peut-être sommes-nous trop nombreux sur la planète ? Des épidémies, il y en a eu à intervalles réguliers ». Son côté joyeux reprend vite le dessus. « Le bistrot dans le village, c’est le lieu de la convivialité. En particulier dans un endroit festif comme ici ! ».