Melvin a vécu une enfance heureuse et confortable dans son petit village du bocage. Alors qu’il n’est pas dépourvu de réelles capacités scolaires, le collège sera un calvaire pour lui. Rien de ce dont il a envie ne semble être dessiné pour lui dans le schéma formaté du système scolaire. Il traîne son mal-être la boule au ventre, jusqu’à ce qu’il voie le film ‘En Quête de Sens’ et le témoignage de Satish Kumar qui préconise de choisir son mode de vie avant de choisir un emploi. Un révélateur pour Melvin.

Le foot occupe une place importante chez les Grelier. « Mon père en plus de son travail était arbitre de foot pro ; de mon côté, je prends plaisir sur le terrain. Jusqu’à la fin du primaire, je coule une enfance paisible, heureuse ». La partie s’emballe au collège. « Je suis passé d’une structure scolaire de 250 enfants à 1200 jeunes. Redoutable. La cour de récré est une arène à lions, où le jugement et l’agressivité prévalent. L’ambiance générale était ultra violente ». Son entourage tente de le rassurer. « On est passé par là, t’inquiète, c’est une étape à franchir… ». Lui qui a une sensibilité à fleur de peau ne le perçoit pas comme ça. « Je me souviens m’être dit : si tu souffres maintenant, tu vas souffrir tout le temps, car l’école est à l’image de la société… ». Le lycée l’agresse moins, ou plutôt différemment. « Je n’étais pas satisfait intellectuellement en cours. J’avais l’impression que les connaissances qu’on essayait de me transmettre n’étaient absolument pas adaptées au monde de demain. Mes notes n’étaient pourtant pas mauvaises ».

Lui  se considère à contre-courant du système scolaire. « On est bien formaté pour être un bon maillon de cet immense engrenage qu’est la société. Ce n’était pas conforme à ce qui se déroulait sous mes yeux, à ce monde qui change, à ce qu’il est nécessaire d’apprendre pour que l’humanité puisse perdurer ». Arrivé au bac, Melvin sature au bout de 14 ans passés sur les bancs de l’école. Il renonce à faire des études supérieures, au désespoir de ses parents. « Eux deux ont fait Bac + 4 pour trouver de la satisfaction dans leur métier et avoir des revenus suffisants pour offrir une situation confortable à leurs enfants. C’était difficile pour moi de leur dire que je ne me retrouvais pas dans ce schéma ». Son avenir était pourtant tracé ; les portes des écoles supérieures s’ouvraient. « Un jour mon père m’a posé la question cruciale de mon avenir. Il n’avait pas envie d’engager des frais très importants si je n’étais pas motivé. Du coup, il m’ouvrait une première porte me laissant entrevoir autre chose que des études supérieures… Mes parents avaient bien vu que je souffrais dans ce système ».

Melvin est encore au lycée lorsqu’il s’engage dans l’équipe de Demain Vendée, un réseau et un journal dédiés aux initiatives locales positives. Il a 17 ans lorsqu’il voit le film ‘En Quête de Sens’, un détonateur pour lui. « Prioriser son mode de vie plutôt que son emploi inverse totalement le raisonnement. Embrasser la vie dans toutes ses composantes m’enthousiasmait ». Sensible aux tendances proches de la nature, il se lance dans un tour de France en mode ‘woofing’ (travail en ferme bio en échange du gîte et du couvert) pour se former à la permaculture. « J’y ai fait des rencontres extraordinaires ». Dont certaines qui lui donnent des ailes pour voyager. « J’ai fait une virée de la France au Maroc en auto-stop et sans argent durant l’été 2019, l’occasion de découvrir une belle humanité ». En revenant, il travaille un an dans le bâtiment “conventionnel” même si c’est l’éco-construction qui l’intéresse. Toujours dans cette continuité d’apprendre à savoir faire le plus de choses par lui-même, lui le profil intellectuel qui ne savait rien faire de ses mains.

Dans l’univers de Melvin, les planètes s’alignent. « Frédéric David du média Demain Vendée me fait connaître Corinne Daigre, pionnière en permaculture en Vendée chez qui je ferai mon premier woofing. Les rencontres de personnes qui sans cesse savent se remettre en question m’animent ». Marc de la Ménardière, l’auteur du film ‘En Quête de Sens’ implante un éco-lieu dénommé la Kambrousse en Deux-Sèvres. « Comme je suis fan, je vais à sa rencontre et lui propose mes services. J’y passe mon été ; j’apprends énormément dans ce lieu où sont déclinées sous forme d’expériences les valeurs énoncées dans le film, avec des intervenants passionnants ». Melvin et Marc sont en phase. « En septembre, il m’a proposé un contrat d’un an. Je prête main forte au maraîcher qui vient de s’installer dans ce bel endroit ». L’éco-lieu est à l’image de ses instigateurs. « Nous recevons des particuliers et des entreprises sensibles à la démarche, et ils sont de plus en plus nombreux. La période est propice aux remises en question, y compris dans les entreprises ».

La prise de conscience remonte loin chez lui. « C’est ma chance et ma malchance de m’être posé des questions très jeune, notamment sur le plan environnemental ». Une période marquée par une sorte de pessimisme, où il essayait de convaincre autour de lui. « En entreprenant des choses, en étant dans l’action je suis devenu beaucoup plus optimiste, tout en restant très lucide devant les enjeux. L’action permet de balayer l’éco anxiété. Je me sens à ma place ; j’apprends beaucoup de mes rencontres. Je me sens utile ; ça me nourrit ». Des convictions chevillées au corps que Melvin explique dans le film ‘Ruptures’ réalisé par Arthur Gosset où des jeunes, le plus souvent diplômés, témoignent de leur engagement environnemental.

Ses convictions ne l’empêchent pas de pointer certains paradoxes. « Il n’y a jamais eu autant de jeunes sensibilisés à l’état du monde et par ailleurs il n’y a jamais eu autant d’outils pour endormir cette génération avec la technologie et les réseaux sociaux. L’élan des belles innovations comme internet ou les réseaux sociaux est souvent rattrapé par une force destructrice ».  Il éprouve cependant une forme de plénitude réaliste. « Que demander de plus que d’être dans un beau lieu, entouré de personnes intelligentes et bienveillantes, plus proches de la réflexion permanente que des certitudes ? ».

Melvin encourage à réapprendre la discussion avec ses voisins ou son entourage. « La question des relations humaines n’est pas la plus simple à résoudre. Ça peut bloquer de beaux projets ». Ce qui l’enchante lui, c’est le message de la nature. « Ce n’est pas forcément la loi de la jungle. Les composantes sont étroitement liées, parfois de façon complexe, avec une solidarité insoupçonnée. Une alchimie qui doit nous inspirer. La nature c’est notre professeur. On a énormément à apprendre d’elle ».