Il était candidat aux dernières élections législatives. L’action est son carburant, un exutoire pour échapper à ses interrogations. Quand ses potes s’éloignent des urnes, lui essaie de les raccrocher en les questionnant sur la chose publique, derrière son micro du groupe Origine Club ou pendant la campagne qu’il a menée. Théodore a mis à profit une année de césure pour s’interroger, et interroger celles et ceux qui poussaient la curiosité sur sa démarche politique.
Sa famille a des origines lointaines sur Treize-Vents, mais c’est de la Flocellière que vient sa famille proche, là où il se produit en concert ce soir-là, salle de la Guiche Tour. « J’ai fait mon lycée aux Herbiers, puis je suis parti étudier le Droit et l’économie pour préparer l’Ecole Normale Supérieure. Je n’ai pas eu le concours ; j’ai donc entrepris une licence et j’ai commencé un Master 1 en Droit de l’Environnement à Paris Saclay qui s’est bien passé ».
Une année de césure lui permettra cette année de vivre un projet politique. « Je voulais rompre avec mes études pour vivre ce projet qui nous animait depuis longtemps avec Benjamin André : un vrai parti politique. Une des finalités était de rencontrer beaucoup de gens ; c’est ce qui s’est produit ». L’inaction n’est pas sa musique. « On fait les mêmes constats que tout le monde, l’abstention, le désintérêt pour la chose publique. On se dit qu’il est possible de débattre en dehors d’une logique politicienne, à travers les enjeux locaux ». Déjà, avec Benjamin, Théodore avait concrétisé des idées solidaires. « Nous avons créé des associations de distribution alimentaire à destination des étudiants comme la ‘surpreNantes épicerie’. Nous avons voulu agir différemment en allant de l’associatif vers le politique. Nous étions trois candidats en Vendée pour représenter notre parti ».
En dehors de toute tutelle, il n’est pas aisé de se démarquer politiquement. « On a dépassé la fameuse barre des 5% qui nous ouvre des financements sur les cinq ans à venir ; 15000€ par an qui faciliteront nos futures prises de parole ». Dans le projet, il y a une part de naïveté, assumée et motrice. « Il faut y croire un minimum pour trouver l’énergie, quitte à se faire quelques illusions. La nouvelle Assemblée compte deux jeunes de 21 ans, portés par la Nupes. Nous, on voulait rester indépendants pour parler à tout le monde et rassembler les générations ». Le besoin de se sentir représenté par des jeunes a fonctionné sur une partie de l’électorat. « Insuffisamment, mais c’est déjà ça. Les idées sont importantes ; ceux qui les incarnent aussi ».
Théodore s’appuie sur une phrase de Karl Marx pour expliquer son engagement : « Je n’y crois pas, mais ça soulage mon âme ». « Je suis désespéré devant certaines situations. Si je ne fais rien, je meurs. C’est ce qui me gouverne et me pousse à entreprendre ». Il admet une forme de vulnérabilité. « Parfois je me demande pourquoi je me bats. Il m’arrive d’être pessimiste quand je réfléchis ; l’action est nécessaire pour que je retrouve les raisons d’y croire ». C’est le cas sur le plan climatique. « Je doute de notre capacité à faire le retour en arrière qui corrigerait nos excès. Nous allons devoir consommer différemment mais ce ne sera pas la fin de l’humanité. Je suis persuadé de la capacité de résilience de l’homme qui saura se réinventer. L’enjeu est intéressant : on peut trouver d’autres sources de bonheur ailleurs que dans la consommation. Quand les ressources de matières premières seront taries, on s’adaptera. Et le changement sera moins brutal si on s’y prépare ».
Ce jeune adepte de la politique est aussi artiste, chanteur et guitariste au sein de la formation Origine Club. « C’est un projet local qui nous permet de promouvoir notre vision de la musique. C’est une formation qui évolue avec son public ». Le sens de la scène, Théodore le duplique sur la place publique. « C’est pour moi une façon d’amener un peu de fraîcheur. J’ai créé un personnage, utilisé la 2CV… ». Des œillades aux possibles électeurs pour expliquer sa singularité. « Je n’ai pas envie d’être un cliché ou d’être un activiste de plus qui répète ce que l’on entend déjà. Ce n’est pas facile de se faire comprendre quand on a cinq secondes pour dire qui on est, comme l’imposent les médias ou les réseaux sociaux. C’est important de creuser plus loin ». Un constat qu’il aimerait voir se généraliser. « Beaucoup de gens ont des choses à dire mais ils s’autocensurent. On peut continuer à s’enrichir les uns les autres ». La frontière entre la culture et la politique est un fil ténu. « Je trouve dommage que la politique ne soit l’affaire que de carriéristes. L’art est aussi un vecteur pour faire passer des messages, y compris politiques. Relier l’un à l’autre me semble une évidence ».
Son année de césure ne sera pas une année pour rien. « J’en ai profité pour me remettre en question au niveau de mes études. Ce qui me rend heureux, c’est la musique, et j’ai la chance d’être accepté dans un Master à la Sorbonne en administration et gestion de la musique. Je souhaite travailler dans l’industrie musicale, dans des labels, chez des distributeurs ou des Institutions comme la SACEM ou le Ministère de la Culture ». Une vie remplie de musique et de lecture. « Je m’informe beaucoup sur la politique, les nouveautés en matière d’environnement. Je n’ai plus le temps de jouer au foot ; j’ai pourtant adoré ça ».
Bien qu’il essaie de s’en détacher sur scène, des groupes comme ‘La Femme’ ou ‘Feu Chatterton’ nourrissent son imaginaire. « J’essaie de trouver ma propre personnalité, une sorte de dédoublement entre moi sur scène et moi dans la vie, un peu différent, un peu le même. Pas encore comme Matthieu Chedid et M ». Les grands auteurs ne sont pas en reste. « En ce moment, je lis Pagnol. Ses descriptions sont telles qu’on a le sentiment d’être dans l’image avec lui. J’apprécie chez Camus sa façon de me faire réfléchir sur les questions existentielles. Je suis attiré par les penseurs économiques comme Keynes ou encore Bentham et l’utilitarisme ». Des lectures qui le poussent à l’écriture. « Adolescent, j’ai écrit beaucoup de chansons d’amour. J’essaie aujourd’hui d’avoir des textes plus travaillés, plus littéraires ».
Il redit en conclusion la nécessité de retrouver le goût du collectif. « L’entre-soi, l’individualisme, sont des comportements qui prennent trop de place, alors qu’à côté, il y a beaucoup d’initiatives pour recréer du lien entre les hommes de toutes les générations. Je suis plutôt heureux et tout le monde n’a pas cette chance. Alors je profite de cette solidité précieuse pour pouvoir agir ».
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