C’est d’abord l’envie d’entreprendre qui a poussé Cécile à créer sa société. L’idée de la bière en a été le déclencheur bien plus tard. Son cursus agroalimentaire lui permettait d’appréhender le process de fabrication. Après deux années d’exercice, elle a surmonté les quelques embûches en prenant les problèmes les uns après les autres. Elle est surtout heureuse de piloter sa petite entreprise comme elle l’entend.

A la sortie du collège, Cécile prend la direction de la maison familiale, BEP, Bac Pro, BTS puis une spécialisation en Qualité, tout ça en agroalimentaire. « L’alternance m’a mis très tôt en contact avec le milieu de l’entreprise, dès l’âge de 15 ans. L’envie de créer ma boîte me titillait déjà, sans avoir la moindre idée de l’activité ». C’est pourtant dans la formation professionnelle qu’elle va débuter. « Je formais des adultes en reconversion pour le CAP. Le sujet de la formation m’intéressait beaucoup. J’ai choisi de prendre la Fac pour me professionnaliser en sciences de l’éducation à la Catho d’Angers à raison d’une semaine par mois, en même temps que mon activité professionnelle ». Licence, Master 1 puis Master 2 en Ingénierie des Ressources Humaines, toujours en alternance.

« Après des postes et stages en grande distri et en banque, je suis rentrée dans un cabinet privé qui gérait des cellules de reclassement pour des personnes licenciées. Une fois le sentiment d’avoir fait le tour, au bout de 3 ans et demi, j’ai trouvé un poste à la Région, pour gérer l’offre en formation pour les demandeurs d’emploi ». Elle y rencontre sa future directrice qui lui propose de prendre la responsabilité du Sameth. « Je découvrais le monde du handicap. J’ai appris sur le tas, avec des équipes formidables ». Son boulot consiste à accompagner des salariés et des employeurs sur des adaptations de poste, sur l’aide au reclassement. Elle y restera près de 10 ans, après avoir managé une équipe de six personnes. « Les lourdeurs administratives, les décisions qui viennent du haut en déphasage avec le terrain devenaient trop prégnantes ». Cécile ne tergiverse pas longtemps. « Comme je l’ai fait pour d’autres métiers, quand j’en ai marre je pars. Je prends mes décisions très rapidement ».

Le moment était venu pour mettre en œuvre le projet qui ne s’est jamais éloigné de son esprit. « Mes parents étaient agriculteurs. Je les ai vu entreprendre, prendre des risques, avec une certaine idée d’être libre ». Cécile songe un premier temps à une entreprise de recyclage des huiles pour en faire du carburant. Elle ne lutte pas face à Véolia, déjà sur le coup. « Un matin, je dis à Christophe mon compagnon : pourquoi pas de la bière ? J’avais les bases du process et ce que je ne savais pas, je pouvais l’apprendre. Déguster de la bière plus qualitative était un plaisir que nous partagions. Cette idée ne m’a plus lâchée ». Le couple pose les règles. « Il ne m’a jamais mis de freins, bien au contraire. Et s’il me donne un coup de main à l’occasion, on garde chacun nos périmètres professionnels. Je ne suis pas sûre qu’on puisse bosser ensemble (rires) ». Cécile voit bien dans la presse que c’est le plein boom des bières artisanales. « Si les autres y arrivent, je dois y arriver ». Elle réalise en 2019 ses premiers investissements. « Pas facile de faire les bons choix en matériel quand on n’a jamais exercé. J’en assume la contrainte aujourd’hui sans problème. J’ai surtout remarqué que le milieu des brasseurs est très ouvert. J’ai rencontré plusieurs brasseurs en Vendée et Maine et Loire et ils m’ont guidée dans mes choix. J’ai trouvé ça chouette. Ici, les femmes sont bien accueillies dans la profession contrairement à d’autres régions ».

Cécile fait confiance à ses propres goûts pour développer sa gamme. « Je suis sur des bières à base de céréales, pas trop amères, plutôt rondes ». Brasser n’est pas exempt de risques. « Je ne fais pas de brassin d’essai. C’est tout de suite 1000 litres ». Le confinement n’a pas freiné son lancement d’activité. « Je n’ai pas subi la fermeture des restaurants et des bars. J’ai opté pour une stratégie de vente dans les magasins de proximité ou par la vente directe, sur les marchés ou à la brasserie ». Un souci de contamination a récemment freiné sa production. « J’ai balancé plusieurs brassins. Ça fait partie des aléas que je ne cache pas aux clients : ça rend le boulot plus humain ».

A aucun moment, elle ne regrette avoir fait le choix de la création. « J’avais tellement envie de me lancer ». Certains clients lui envoient des photos avec la bière débouchée. « C’est l’intérêt d’un produit plaisir ». Elle prévoit développer de nouveaux produits au printemps. « Des limonades avec des jus de fruits bio ; pas des arômes ». Elle étoffe ses ressources humaines. « J’ai accueilli Mathieu, d’abord comme stagiaire puis en apprentissage ». La création d’un emploi durable est d’actualité. Pas facile d’être à brasser et sur les marchés, tout en prenant le recul nécessaire sur l’activité. « J’apprécie d’avoir gardé le contact avec d’autres créateurs via la plateforme IVB (Initiative Vendée Bocage) ou d’autres réseaux professionnels. Avec des activités différentes, on peut avoir des problématiques similaires ».

La période qu’on traverse en ce moment est assez troublante. « Le vivre ensemble ne me parait pas top en ce moment. On entend des choses assez nauséabondes, notamment dans le milieu politique ». L’avenir de la planète ne la console pas. « à mon niveau je fais le choix du bio, du local, du verre plutôt que le plastique, de la consigne…ça ne suffira pas. C’est assez dérangeant de voir les dirigeants se congratuler à la sortie de la COP pour des résultats aussi maigres ». Elle n’est pourtant pas pessimiste. « On a les moyens et les ressources pour faire mieux. Il manque encore la volonté ».

Sa vie d’entrepreneuse empiète sur la vie familiale. « C’est le risque et c’est pour ça qu’on vient d’acquérir un fourgon aménagé pour s’échapper le weekend, souvent dans des lieux très au calme. La musique me permet aussi de m’évader, même au boulot quand je pousse le son. Avec ma fille de 10 ans et demi, je viens de découvrir les mangas et je la suis au basket, ça fait partie des choses qu’on partage ».

Les épreuves de la vie ont apporté une prise de conscience. « Ma maman est malade de Parkinson. C’est très dur pour elle qui a bossé très dur à la ferme. J’ai aussi perdu ma sœur et je me suis dit : tout ça pour ça ? La création de l’entreprise est palpitante ; il ne faut pas oublier de vivre à côté pour autant ». Ses parents lui ont inculqué l’audace. « Ils l’ont parfois payé cash, mais ils ne se sont jamais enfermés sur leurs difficultés. Se tromper fait partie de l’apprentissage ; ce n’est pas grave. Ça aide à avancer ». Autant de convictions qui forgent sa soif d’entreprendre. « Il faut ouvrir son esprit ; on peut se faire surprendre de manière hyper agréable ».