Le ciel étoilé est son village. L’œil vissé sur l’oculaire de son télescope, il est comme à bord d’un vaisseau, déambulant dans un espace où tous nos repères spatio-temporels de bons terriens souffrent de démesure. L’astronomie ne lui donne pas le tournis. Lorsqu’il revient sur terre, Frank est responsable digital et design d’un service pôle images 3D qu’il a lui-même impulsé dans sa société. Entre passion et profession, l’image scientifique est le dénominateur commun de ce féru de technologies.

Lorsqu’il cherche un BTS pour travailler en bureau d’études, l’établissement Saint Gabriel est bien coté. « Moi qui ai grandi à Lorient, près de la mer, je découvrais le bocage. Ici, j’ai rencontré ma femme, j’ai trouvé du travail rapidement ; je suis donc resté ici et j’y suis bien ». Il intégrera une société du Choletais, tout juste créée. « J’étais le deuxième embauché, chargé d’affaire au sein du bureau d’études ». Il remarque que les plans CAO sont techniquement fiables, moins efficaces sur le plan commercial. « J’ai alors proposé de créer un service pour y développer l’image de synthèse avec des animations 3D. J’ai débuté seul ; aujourd’hui j’anime une équipe de 7 personnes ». Affilier l’image à la technique devient un réel atout. « Avec l’image de synthèse, le gain de temps et la qualité sont considérables. Etant issu d’un milieu mécanique, je me suis entouré d’infographistes 3D et de designers pour développer la partie artistique ». Un procédé qui séduit les plus grandes industries. « Nous comptons comme clients Manitou, Thalès ou encore Air France ».

Frank n’a que dix ans lorsque ses parents lui offrent une paire de jumelles. « J’aimais observer la nature ; une nuit, j’ai eu la bonne idée de les lever vers le ciel. Un choc ! ». Lorsqu’il entre au collège, il découvre la pratique de la photo argentique. « Je m’intéressais de plus en plus à ces deux activités. Je croise un jour un astronome qui me propose d’observer dans sa lunette. Je me souviendrai toute ma vie de ce croissant de Vénus découvert à cette occasion ». Il rêve alors d’un télescope. « J’ai bricolé pour gagner un peu d’argent et m’en acheter un ; depuis, je n’ai jamais arrêté ».

Il explore le ciel profond, bien au-delà de notre voie lactée, les nébuleuses, les autres galaxies situées à des milliards de kilomètres. « La technique photo permet de capter ce que l’œil humain ne peut pas voir. Avec la photo, tu peux cumuler des temps de pose quand notre cerveau ne retient que l’image instantanée. J’utilise des caméras « défiltrées » pour avoir une longueur d’ondes plus large, capter des détails ». Il utilise aussi son appareil photo avec une monture équatoriale pour la Voie Lactée. « L’astronomie reste le domaine de la photo où je m’éclate le plus. J’essaie de compléter depuis quelques années avec une vision plus créative, plus esthétique. Je suis entré il y a peu de temps dans le club photos de Mauléon pour développer une sensibilité plus artistique qui me fait défaut ».

Sa photo référence, c’est la nébuleuse de la tête de cheval. « Depuis que je suis tout petit, c’est le mythe, le Graal. La première fois que j’ai réussi avec mon appareil photo en argentique, j’étais hyper content ». Les avancées numériques permettent aujourd’hui un résultat plus rapide, plus sophistiqué. « C’est juste un miracle maintenant avec les nouvelles caméras, une vraie émotion ». Il détaille le cheminement. « Les petits grains de lumière émis par l’étoile ont traversé ce nuage de gaz qui lui va émettre des photons qui traverseront une bonne partie de la galaxie pour venir percuter ton appareil photo et le transformer en signal électronique. Tout ça pour que tu aies le plaisir d’avoir la photo ». Son émerveillement ne se borne pas à la photo. « L’observation visuelle reste encore le top ».

Dès que le ciel se dégage, il savoure l’instant à venir. « C’est mon yoga. Je prends l’air ; c’est relaxant. La nuit, tout est différent. Avoir l’univers rien que pour toi, c’est top, non ? ». Un moment privilégié pour laisser vagabonder l’imagination, sans le rendre philosophe pour autant. « Les atomes, les molécules qui forment le corps humain et tout le vivant d’une manière générale proviennent de la fusion d’étoiles, bien avant notre propre soleil. C’est pour cela qu’on dit que nous sommes des poussières d’étoiles. Savoir ce dont nous sommes composés est une chose ; comprendre le pourquoi en est une autre qui reste mystérieuse. Je me considère plutôt athée ; la religion ne permet pas d’élucider la question à mon sens ».

Lorsqu’il anime une soirée d’observation, il s’appuie sur la mythologie. « C’est merveilleux de penser que c’est comme un grand bouquin, accessible à tout le monde, qui n’a pas varié depuis des milliers d’années. Observer la grande Ourse en pensant à une histoire derrière ne date pas d’hier. Le mythe persiste ». La spectroscopie permet de « voir » les constituants des étoiles, ce qui est très intéressant. « Quand le ciel est couvert, je fais de la radio météores pour écouter les étoiles filantes tomber. Début janvier, il y avait un pic d’étoiles filantes qui est bien connu. Quand tu arrives à en démontrer la survenance avec ta simple antenne radio, c’est sympa ».

Pas surprenant qu’avec autant de connaissances, mêlées à la passion, Frank fût pendant 10 ans le président du club d’astronomie « Village du Ciel » à Réaumur. « Nous sommes une vingtaine, dont une petite moitié de passionnés et au final que quelques mordus ». Il fait parfois froid, l’heure souvent tardive. Tout ça n’est pas forcément compatible avec un travail. « Les nuits de cinq heures, ça allait quand j’étais plus jeune. Aujourd’hui, je compense avec mon télescope installé dans un abri de jardin que je peux programmer pour des prises de vues que je récupère le lendemain ». Le club de Réaumur est doté d’un télescope à la pointe. « Un instrument exceptionnel, que pour le plaisir des yeux ».

Ses voyages sont souvent guidés par de potentielles observations. « Nous avons observé les aurores boréales il y a deux ans en Islande. On y retourne prochainement. C’est un paradis pour qui aime la photo, comme Tromso en Norvège, les Iles Lofoten… ». Frank a programmé un voyage en Namibie. « Nous allons découvrir l’hémisphère sud ; j’ai vérifié, nous devrions avoir le bulbe de la Voie Lactée qui sera pile au zénith ».

Frank est optimiste, confiant dans la jeunesse. « Les jeunes avec qui je bosse sont extras. La créativité 3D y est peut-être pour quelque chose mais pas seulement. Il faut les motiver, donner du sens à ce que l’on fait ». Il les considère très conscients des enjeux. « C’est eux qui vont éviter qu’on aille dans le mur, alors que c’est nos générations qui ont dégradé l’environnement, simplement parce qu’à notre époque, on ne nous parlait pas de réchauffement. On a un peu mis le bazar et on leur demande de rectifier le tir… ».

Pour prendre un peu de recul, Frank invite à lever le nez. « Si tu veux avoir une vision globale, ce n’est pas en regardant tes chaussures que tu l’auras ! ».

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