Virginie est une maman heureuse. Elle partage sa vie avec une autre maman, Coralie. Depuis longtemps le projet de monter une famille leur tenait à cœur. Elles n’ont pas attendu que le projet de Loi bioéthique autorise les couples de femmes à faire appel à la procréation médicale assistée (PMA). En France, la Loi a été votée mi 2021.
Elle qui a un sens du contact particulièrement développé, c’est tout naturellement qu’elle choisit une filière commerciale. « J’ai d’abord fait un BEP vente au Lycée Atlantique de Luçon d’où je suis originaire, puis un Bac Pro. J’ai voulu poursuivre par un BTS en Management des Unités Commerciales, à Nantes. L’encadrement scolaire m’a déçue. Le weekend je me faisais un peu d’argent de poche en travaillant au cinéma Gaumont. Ils m’ont proposé un contrat, sur trente heures seulement ».
Une de ses amies travaille à l’époque chez K-Line aux Herbiers. « Elle s’y plaisait bien. De mon côté, l’éloignement de la famille me pesait un peu ; j’ai voulu me rapprocher ». Avant de pousser la curiosité du côté de la menuiserie, elle ira vers le commerce qu’elle a étudié. « J’ai commencé chez Décathlon, mais jamais je n’avais la perspective d’un CDI à temps plein. Je me suis dit : c’est le moment d’aller voir ailleurs. J’ai testé l’agro-alimentaire et j’ai vite compris que ce n’était pas pour moi ». Puis une porte s’est ouverte dans l’entreprise leader en fenêtres.
D’emblée ce nouveau métier lui plaît. « Le monde de l’industrie était très différent de l’image que je m’en faisais. Les femmes y ont toute leur place, même si nous ne sommes pas encore à la parité. L’équilibre est une bonne chose : la sensibilité féminine est un atout sur le plan humain pour le management. À l’inverse s’il y a trop de femmes, l’équipe n’est pas plus facile à animer ». Virginie a été embauchée en 2014. « Moi qui avais choisi le management dans mes études, je suis passée cheffe d’équipe en 2016, puis j’ai évolué comme manager. Je m’épanouis aussi bien dans l’industrie que dans le commerce ».
Sa vie personnelle a pris une autre dimension il y a un peu plus de deux ans. « Avec Coralie, notre projet était de monter une famille. A l’époque, la loi PMA n’est pas passée en France. Nous ne savions pas quand est-ce qu’elle serait effective ; pendant ce temps-là, l’horloge biologique tourne… Début 2020, nous avons pris contact avec la clinique Eugin à Barcelone. Quelques semaines plus tard c’était le grand chambardement avec le Covid. Les démarches s’effectuent par visio. Ça restait un superbe accueil ». C’est la situation professionnelle plus stable de Virginie qui la désignera comme maman porteuse. « Coralie venait juste de changer d’emploi ».
Le protocole se met en place. « Nous avons complété le dossier phénotype pour que la clinique choisisse le donneur qui pour nous reste anonyme. Dès que j’ai mes règles, on me demande un contrôle folliculaire ovarien et une prise de sang, et cela plusieurs fois jusqu’à ce que un à trois follicules soient matures. La piqûre d’Ovitrelle déclenche l’ovulation 36 heures plus tard. L’insémination a lieu à ce moment-là ». Simple sur le papier ; plus complexe dans la réalité. « La première tentative en juillet a échoué, nous étions déçues. La seconde en septembre se présente mieux. Nous devons nous présenter à Barcelone sous 48 heures. Branle-bas de combat. Nous informons notre entourage au strict minimum, c’est-à-dire nos employeurs pour justifier de notre absence au travail ». Le test de grossesse quinze jours plus tard s’avèrera négatif, comme celui du mois de novembre. « Là on se décourage un peu ; nous venions en plus d’apprendre un heureux événement chez le frère de Coralie ». La tentative du mois de février suivant sera la bonne. « Une émotion indescriptible pour nous deux ».
L’entourage familial savait leur souhait de fonder une famille, sans s’y attendre aussi tôt. « En plein Covid, autant dire que ça été la grosse surprise ! Nous voulions garder nos démarches sous le secret pour ne pas amplifier une pression déjà importante sur nos épaules. Quand il y a déception, elle est accentuée si elle est partagée par les proches ». La pandémie ne facilitait pas les déplacements vers l’Espagne. « Les tests PCR de dernière minute avec le stress qui va avec, on connaît ! ». L’incidence financière n’est pas neutre non plus.
Le parcours des combattantes ne se termine pas avec la naissance du petit Jules le 5 novembre 2021. « Il y a la procédure de reconnaissance de Coralie comme maman qui a demandé sept mois. C’est d’abord une première démarche chez le notaire pour que l’acte de naissance précise nos deux noms. Et ce n’est qu’à partir de là qu’on peut demander la complétude du nom de famille pour Jules qui porte aujourd’hui nos deux noms ».
L’événement sera fêté comme il se doit. « Jamais nous n’avons eu de remarques désobligeantes sur notre choix de vie. Dès lors que tu assumes, que tu es heureuse telle que tu es. Souvent, c’est la méconnaissance qui suscite la peur. Quand ma grand-mère a su que j’aimais les femmes, elle m’a dit : c’est bien ma petite fille. C’était pour elle une source de joie au regard des difficultés qu’elle a connues dans sa vie. Bon, elle était un peu plus intriguée quand je suis tombée enceinte. Comme mes petits neveux. Au final l’acte médical n’est pas plus compliqué à expliquer. Peut-être moins d’ailleurs ? Les gens de notre entourage ont toujours été super bienveillants ».
Maman, un métier à temps plein. « Je souhaite quand même me remettre au sport. Petite, je jouais au foot avec les garçons, puis j’ai arrêté pour faire un peu de boxe et du tennis. Ce n’est qu’en revenant aux Herbiers que j’ai repris le foot. Nous sommes passées de départemental en régional 1 ». (Virginie précise que leur relation n’est pas liée au foot). Leur évasion principale se fait à bord d’un fourgon aménagé. « Sans aller très loin, il y a beaucoup à faire : la balade, la randonnée, se planter simplement devant un beau paysage. Certes notre temps libre a diminué avec Jules ; c’était notre choix ». Elles sont bénévoles dans un festival bien connu. « Moi qui adore papoter, je suis heureuse quand je suis dans cette ambiance ».
La façon dont va le monde la préoccupe. « C’est même désastreux entre le climat et la guerre ! On a beau agir à notre petite échelle, ça semble démesuré par rapport à la gravité de la situation. J’ai pourtant envie de garder espoir. Si on a une famille, c’est bien qu’in fine on espère s’en sortir ». Elle passe moins de temps devant sa TV. « J’ai moins le temps avec ce nouveau métier de maman ; et puis le flot d’informations anxiogènes, je m’en passe. Bon, une petite série de temps en temps, je ne dis pas non. Et puis un coup d’œil rapide sur l’actualité me permet de rester informée ».
Son mot de conclusion tourne autour de la liberté. « Faire ses choix, les assumer. Respecter l’autre. Comme la transidentité IEL. Je conçois que c’est perturbant. Il faut faire très attention au jugement ».
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