Après avoir travaillé sur Paris et Los Angeles, Zarpo a posé sa ‘rateaumobile’ du côté de Brétignolles et des Sables il y a cinq ans. Il tire le sable avec son râteau, comme on exécute une chorégraphie. Sa toile est l’estran, là où la marée balance, effaçant l’œuvre éphémère que les passants ne manqueront pas d’immortaliser en la diffusant sur les réseaux. Le jardinier de la plage cultive différentes passions, sème des émotions furtives, récolte des instants de vie…

Difficile d’échapper à ses magnifiques dessins, tant ils inondent une autre toile, informatique celle-ci : une naissance, une demande en mariage, un hommage à une personne disparue…autant de commandes qui viennent s’ajouter à celles des entreprises. Son atelier est vaste, ouvert. « Cette activité qui est mon métier, réunit les ingrédients de l’art : la création, l’exposition, la rencontre. Le dessin grand format, c’est très physique. Si tu n’as pas le rythme, la courbe tirée dans le sable ne sera pas parfaite ».

Zarpo court sur la plage comme le hamster dans sa roue. « Quand il fait beau, que le dessin est beau, je n’ai pas envie de m’arrêter ». Des journées un peu sportives. « Il m’est arrivé de passer plus de dix heures. Je prends le recul pour observer ma création, puis je me détache. Il arrive que des gens ou des enfants marchent dessus, ça fait partie de la vie de la plage ». Quoi qu’il en soit, la marée effacera le tableau. Son travail artistique est un spectacle en soi, qui attire l’œil du passant. « Dès que j’en ai la possibilité, le temps surtout, j’aime échanger ». L’expérience du « waouh » ne se fait pas attendre chez les badauds. Son nom ‘Jardinier de la plage’ est particulièrement bien senti quand il dit : « chaque photo de mes tableaux est une graine qui part au vent ». Une autre toile, informatique en l’occurrence, ouvre les plus grands espaces pour que la graine se pose au bon endroit.

Ses dessins grand format renvoient aux mystérieuses lignes de Nazca au Pérou. « Je sais toujours où je suis dans mon dessin s’il est gigantesque. Pour le figuratif, la technique est différente, et ce n’est pas ce que je préfère car cela limite l’exposition pour le public ». Les perspectives, les lignes de fuite, se retrouvent dans plusieurs disciplines qui l’inspirent. « Le Nôtre et les jardins de Versailles, la géométrie des édifices sacrés, l’architecture, c’est le même esprit. Moi je travaille sur un espace plat, qui nécessite une technique pour faire ressortir du volume, des reliefs ». Zarpo puise son inspiration également dans l’art ancien. « La peinture rupestre comme à Lascaux, l’art africain… ».

Ses origines sont plutôt Centre Ouest de la France. Pendant dix ans, il a fréquenté le centre japonais de Los Angeles. « C’est un centre de très haut niveau avec un très vaste rayonnement dans le monde. Une école de la rigueur. Quand on vit à l’étranger on aperçoit notre culture profonde. Avec les Japonais, nos cultures se ressemblent ».

Le négatif n’a pas sa place dans son jardin. « Je n’utilise jamais la négation. Il y a les messages drôles, spirituels, poétiques. Je m’assure que ça ne heurte personne. On ne va pas à la plage pour se faire polluer par des choses négatives ». Il pousse plus loin sa réflexion. « Nous sommes assaillis par les projections alarmistes des bourreurs de crâne que sont les médias. Autant se laisser gagner par l’étonnement visuel d’une œuvre, là ou ailleurs. Je perçois le plaisir des passants lorsqu’ils photographient ». Pas besoin d’y ajouter un filtre avec des oreilles de chat pour sensibiliser le destinataire.

Il travaille le sable comme ses ancêtres travaillaient la terre. Une pratique que le jardinier partagera cet été en ouvrant des ateliers pour des jeunes pousses. « Cela permet de mettre différents points du corps en action : les yeux pour l’espace, les pieds et les mains en contact avec le râteau et le sable ». Il aime aussi s’évader vers des coins plus tranquilles. « Je prévois acheter un kayak pour aller en mer ou sur les rivières. Le glissement sur l’eau ne fait pas de bruit ». Une paisibilité propice au ressourcement. « Quand sur la plage il y a des bruits ou de la musique forte, au-delà de l’ambiance sonore habituelle, j’ai l’impression d’une agression ».

Il s’étonne quand il entend un enfant dire : « On a le droit de faire ça ? ». « On lui a déjà bourriné le crâne. Plus on demande l’autorisation, moins on s’autorise ». Il fait la différence entre la richesse humaine et le mensonge culturel des médias. « On instille des stéréotypes pour que ton expérience soit biaisée, contrôlée. Il ne faut surtout pas que ça change pour les dominants qui dirigent le jeu ». Zarpo est de ceux qui pensent qu’on doit sortir du cadre, tout en étant dans le respectable.

Lui encourage à pratiquer n’importe quelle forme de création ou d’expression. Et pourquoi pas du râteau ? « L’important est de ne pas laisser son cerveau programmé par les autres. Il faut nourrir son intérieur de ses propres choix. C’est aussi important que respirer ou boire de l’eau. L’âme humaine a besoin de beauté, de création. Si tu n’alimentes pas toi-même, le risque c’est que d’autres le fassent pour toi. Quand tu commences à éprouver cette sensation de liberté, ce détachement, c’est la grande respiration, moins captive à l’angoisse ». L’artiste jardinier est aussi philosophe.

Il livre en conclusion ce clin d’œil qui ravit son public : « Vive la mogette libre ! ». Un pet à l’air libre en guise de sourire.

Instagram : le_jardinier_de_la_plage @lejardinierdelaplage tel : 0609551482