Quand l’ingénieur décide de tout plaquer pour se consacrer à l’expédition polaire, il est aussi heureux qu’un manchot sur la banquise. Voilà bientôt 25 ans qu’une sorte de magnétisme attire Jean-Marc vers le grand Nord, au-delà du cercle polaire où il passe la plus grande partie de son temps. Au sein de l’agence qu’il a créée avec son épouse, il propose des expéditions sur mesure. Sa spécialité ? Traquer les aurores boréales. Voyage au pays du rêve.

Cet amateur d’espaces infinis est né à Paris. « Je m’en suis bien sorti parce que j’en suis parti ». Il suit à la lettre les recommandations de ses parents. « Faire des études et commencer à travailler, pour faire ensuite ce dont j’avais envie ». Il met à profit ses études en mécanique et gestion de production pour occuper des postes de responsables qualité en électronique, ou d’audit en automobile. Histoire de mettre un peu d’argent de côté pour s’offrir une première expédition en Alaska en 1995, un rêve nourri par ses lectures d’ado comme ‘Dix chiens pour un rêve’ de François Vérigas. « C’est ma première expédition sur la Chaîne de Brooks, une chaîne de montagnes au-delà du cercle polaire. Trois semaines de marche, zéro chemin, 35 kilos sur le dos. J’ai embarqué deux gars qui décomptaient les jours avec une motivation inverse à la mienne : ils avaient hâte d’en finir, quand moi je voyais que ça allait se terminer trop vite ».

Rebelote l’année suivante au Groenland. « Là, j’ai découvert le kayak que je n’avais jamais pratiqué : 150 kilomètres au milieu des icebergs ». Sa soif de découvrir ne s’accorde plus avec seulement cinq semaines de vacances. « J’ai quitté mon boulot pour trouver un job en agence de voyages. On a essayé de me dissuader : métier ingrat pour revenu faible… Au départ, j’étais un peu le bouche-trou. On m’envoyait en Grèce, Californie Mexicaine, Turquie…puis en 1997, j’ai eu la possibilité de faire une virée dans le Yukon, au nord-ouest du Canada. J’ai vite compris que pour proposer ce qui me plaisait, il fallait que je crée moi-même les voyages. J’ai créé des séjours au Canada avec l’esprit trappeur ; on partait deux ou trois semaines avec les vivres, on faisait le feu, on grillait le poisson qu’on avait pêché… »

Ado, Jean-Marc était fasciné par les récits de Jean-Louis Etienne. « J’ai fait mon apprentissage par moi-même, en allant découvrir ces régions du Grand Nord. En 1999, j’ai traversé l’Ile Ellesmere en solitaire : 800 kilomètres à ski avec des températures pouvant atteindre -40°, sur près de quatre mois. J’ai pu observer tout le cycle de l’été qui là-haut dure très peu de temps. J’y ai vu les fleurs pousser, les loups, les bœufs musqués, le caribou de Peary (en voie de disparition), les oiseaux migrateurs. Ça été mon école de vie ». À ce jour, il est le seul homme à avoir traversé l’île en solitaire. « Je voulais vivre cette expérience, observer le haut arctique canadien, la faune, la flore. Je n’ai pas fait ça pour la performance ». En 2001, il guide une expédition pour atteindre le Pôle Nord magnétique. Depuis il guide, il forme, près de sept mois par an.

L’expérience acquise au sein de l’agence ‘Grand Nord, Grand Large’, et surtout la rencontre avec Sigrid qui deviendra sa femme, les poussent à créer leur propre agence. « Elle a fait une école de commerce et dispose de toutes les capacités pour la gestion d’une boîte. Moins sportive que moi, elle a l’œil des clients lambdas et perçoit très bien leurs attentes. Elle y est pour beaucoup dans les séjours adaptés ». Le couple s’installe en Suède en 2013. « La famille de Sigrid, la France, les légumes et les fruits lui manquent. Chaque printemps, on revient à Brétignolles, mais parfois les dates de disponibilité de la maison se télescopent. Il y a 3 ans, on a trouvé quelque chose qui nous plaisait à Notre-Dame de Riez. Et puis là, on est sur le point de revendre pour réduire un peu la voilure des charges et trouver un rythme de travail plus adapté. On a trouvé à Jard sur mer, un chalet finlandais ». Comme un bout de Laponie en sud-Vendée.

Il ne se sent jamais seul avec sa solitude pour paraphraser Moustaki. « J’ai cette capacité à me programmer. Que ce soit pour partir quatre mois tout seul, que ce soit pour reprendre ma voiture sur le périph’ quatre mois plus tard ». L’enfant timide qu’il était est devenu un précieux accompagnateur. « Je me suis surpris à être plus à l’aise dans une conférence de 500 personnes que lors des réunions que j’avais à animer au boulot auparavant. Quand on est tellement loin du quotidien de tout le monde, le rapport aux autres devient tout autre. Tout ça m’a finalement rendu très à l’aise ».

Photographe naturaliste chevronné, il s’est pris de passion pour les aurores boréales. Il est devenu le spécialiste des couleurs arctiques. « Le spectacle est la combinaison d’une tempête géomagnétique solaire et d’un ciel dégagé ». Ses photos, parfois reprises par les plus beaux magazines, se comptent par centaines de milliers. Scroller sa page Insta est une balade aussi lumineuse que judicieuse. « J’attache une importance à mes premiers plans pour rendre l’aurore encore plus belle ». Une chorégraphie céleste dont il s’émerveille et qu’il aime partager. Son plaisir à lui c’est la traque, presque une addiction. « Je peux parcourir beaucoup de kilomètres tout au long de la nuit pour trouver la bonne trouée ».

Observateur privilégié du réchauffement, il s’interroge, assez peu optimiste. « Je suis témoin des conséquences de la fonte du permafrost (sol perpétuellement gelé), des glissements de terrain que cela provoque. Le tourisme de masse engendre par sa surfréquentation des détériorations du milieu liées au piétinement et au harcèlement de la faune ». Jean-Marc déplore cette course effrénée. « On ne visite pas la Finlande en un weekend ! » Pour autant, il sait les vertus du voyage. « Aucune image ne peut remplacer l’odeur, le vent, les sensations, le fait d’ouvrir sa tente devant les icebergs au Groenland… ». Il dénonce les faux prétextes environnementaux qui servent le marketing de certaines compagnies. « Les bateaux cinq étoiles avec piscine chauffée sur le dernier pont, au pôle Nord ou ailleurs, c’est insupportable ». Il se fait l’apôtre du voyager moins/voyager mieux. « Prendre l’avion pour un weekend à Venise ou à St Petersbourg, manger des fraises en décembre, acheter des panneaux solaires chinois ou tout autres produits qui traversent le monde en porte-containers…les paradoxes ne manquent pas ».

Les explorateurs modernes qui ne pensent qu’à battre des records ne l’attirent pas. « On n’est plus dans la soif de découvrir, d’explorer, d’apprendre…on est plus dans la recherche de la performance ». Ses influences sont le fruit de ses lectures. « Shackleton, Peary, Cook, Halles, Franklin, McClure… lire leurs comptes-rendus d’expédition me fait rêver et me donne plein d’idées de futures expéditions ».

Il est possible de se procurer son livre « Traqueur d’aurores » sur son site. Il sera réédité aux Editions Magellan & Cie début 2023. Un dictionnaire polaire devrait sortir chez le même éditeur d’ici juin 2022.

 

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