Difficile de ne pas croiser Alexandre en flânant dans les rues de Luçon : soit il accompagne un apprenti automobiliste au volant de sa voiture-école, soit il se promène lui-même dans sa ville de toujours. Une tendresse pour son ‘chez lui’, incarné par la maison de ses grands-parents auprès de qui il a grandi. Ils lui ont consacré beaucoup de temps. Il se fait un devoir de les accompagner sur leurs vieux jours (son papy s’en est allé l’an dernier).

Enseigner l’apprentissage à la conduite est pour lui quelque chose de très concret. « L’élève arrive sans le moindre savoir-faire, parfois stressé, et il repart avec le permis de conduire qui rime souvent avec une autonomie nouvelle ». Une reconnaissance qu’il savoure. « J’ai passé mon BEPECASER en 2009 (Brevet pour l’Exercice de la Profession d’Enseignant de la Conduite Automobile et de la Sécurité Routière). Il m’a fallu attendre l’âge de 21 ans pour faire ce stage intense qui se déroule sur neuf mois. Je l’ai fait à Belleville sur Vie. Auparavant j’ai passé un Bac pro commerce, mais j’ai un peu lâché car je savais depuis longtemps ce que je voulais faire ». Il ne s’imagine pas faire un autre métier. « C’est très agréable de voir les jeunes s’épanouir ; ils sont le plus souvent très motivés ».

Dans sa voiture école, tout est prévu pour prévenir les maladresses de l’apprenti. « Les frayeurs sont rares, mais j’ai quand même le souvenir d’un rond-point pris à l’envers quand je lui ai demandé de tourner à gauche, ou encore cet engagement sur une voie ferrée alors que j’avais demandé de tourner à droite dans la rue qui suivait immédiatement. Et là, l’alarme du passage à niveau se met en route… On s’en est sortis ! ».

Alexandre travaillera dans 3 auto-écoles notamment pour l’auto-école historique de Luçon où il passe son permis a ses 18 ans, avant de tenter l’aventure entrepreneuriale à Sainte Hermine. « Le Covid, mais aussi les difficultés liées aux places d’examen souvent lointaines freinent les formations. Du coup, j’ai levé le pied ».

Quand il n’est pas au volant de sa voiture école, il est aussi vendeur à domicile indépendant pour des produits ménagers. « Je fais ça depuis 2019 ». Son volant ‘passion’ est celui de ses Peugeot. « 205 cabriolet, 205 berline, sans oublier celle qui m’est chère, la 505 de mes grands-parents, de 1985, 140 000 kms, avec un gros moteur diésel qui s’entend à 15 kms à la ronde. C’est mon plaisir égoïste, celui où je suis dans mon petit monde ». Autre passion plus inattendue : la couture. « J’ai trois machines à coudre, une surjeteuse, principalement pour de la maroquinerie (portefeuille, porte-monnaie…) ».

Il consacre beaucoup de son temps pour les siens. « J’ai été élevé par ma maman, près de chez mes grands-parents. Elle m’a donné et me donne encore tout son amour. En l’absence de mon père elle travaillait dur, une femme remarquable. Je passais tout mon temps en garde chez mes grands-parents ; ils m’ont beaucoup appris. Comme ils se sont beaucoup occupés de moi, je ne m’imaginais pas les laisser vieillir sans leur redonner un peu de cette bienveillance qu’ils m’ont apporté. Je souhaite un jour récupérer cette maison qui est celle de mon enfance, où j’ai fait mes premiers pas, mes premiers tours de vélo… ».

Sans jamais s’éloigner trop de sa ville de cœur, Alexandre a choisi y revenir après quelques désillusions. « En peu de temps j’ai vécu l’arrêt de l’auto-école, la séparation d’avec mon mari, la perte de mon grand-père. Le retour aux sources m’a permis de ne pas m’effondrer ».

Ce n’est pas sans un brin de nostalgie qu’il arpente les rues de sa ville. « Mes souvenirs et mon activité s’y entrecroisent. J’ai parfois le sentiment de ne pas être né à la bonne époque. J’aime bien les années 60 et 70 ». Il est aussi tiraillé par la géographie. « Le pays qui m’attirerait, ce sont les Pays-bas. C’est rare qu’on entende parler de quelque chose de grave là-bas ». Mais l’attachement à ses racines est plus fort. « En fait, je suis peut-être comme une majorité de Français : je râle, mais j’apprécie les atouts de notre pays ».

La société actuelle le questionne. « La jeunesse ne va pas super bien, comme le monde d’une façon générale. Elle est en mal de repères ». Quand il a envie de se détendre, il s’arrête en terrasse ou file vers une boite pour danser avec ses amis. « Le seul endroit où je suis complètement moi-même, ça reste chez mes grands-parents ». Le décès de son grand-père dont il était si proche a bouleversé les choses. « Je veux croire qu’il est toujours là pour m’aider à tracer mon chemin. Ce n’est pas une croyance d’ordre religieux ; c’est juste le lien du cœur. Et puis il y a ma mamie, ma confidente ; elle sait tout de ma vie ».

Avant qu’il ne poursuive sa promenade dans le jardin Dumaine, Alexandre relativise. « Il y a toujours pire histoire que la sienne, mais il faut aussi s’inspirer de ceux qui vont bien. C’est cet équilibre qui permet d’apprécier la vie ».