Flâner entre les vieux murs de la poterie de Nesmy permet de découvrir un art ancestral. Concentrée sur le dessin de la Fleur de Nesmy, la signature de la maison, Raphaëlle donne vie au ‘poulpican’, sorte de farfadet aux vertus bénéfiques. Elle représente la cinquième génération de cette institution au cœur de la Vendée.

Il y avait dans le coin une terre propice à la fabrication des tuiles. « Près d’ici se trouve un lieu-dit dénommé ‘La Vergne’ où, au Moyen Âge, le seigneur du lieu était entouré de potiers. Pierre Boisson a déplacé la poterie pour la mettre au cœur du village en 1857. Mon aïeul l’a reprise 10 ans plus tard, et depuis, c’est toujours resté l’affaire de notre famille. » Au fil du temps, l’activité évolue. « Dans les années 60, mon grand-père qui travaillait principalement pour les jardineries s’est trouvé face à un dilemme quand les pots ont été fabriqués en plastique. Pour que l’activité perdure, il s’est diversifié dans la vaisselle, en créant cette petite fleur de Nesmy, devenue la marque de fabrique. » Aujourd’hui, les collections évoluent, et la fleur du Papy est toujours présente dans les créations.

Pour Raphaëlle, travailler à l’atelier n’était pas d’emblée une évidence. « Mes parents nous ont laissé, mes deux frères et moi, choisir notre voie. J’aimais regarder mon père travailler. Ce n’est qu’à mes 17 ou 18 ans que c’est devenu une évidence. C’était là que je me sentais bien. » Elle fera son lycée en arts appliqués et poursuivra cette discipline à l’atelier Guist’Hau de Nantes. « J’ai complété cette formation en travaillant ici avec mon père. C’est lui qui m’a appris le travail sur l’émail cru, à optimiser le travail au four, etc… » Une formation maison qui laisse éclore sa créativité. « Les tendances du moment ou les commandes spécifiques des clients peuvent avoir une influence sur mes créations. Je lance régulièrement de nouvelles séries, avec une constante : la fleur de Papy qui, elle, ne fane pas. » Raphaëlle est si bien dans son atelier qu’elle n’éprouve pas le besoin de s’échapper. « Ou alors c’est pour aller me balader dans la nature ou faire de la rando. »

Quand elle dessine, son esprit vagabonde. « Ma crainte aujourd’hui, c’est que les gens perdent leur humanité. Depuis deux ans, entre la pandémie et la guerre, ils sont plongés dans la peur et ils en oublient de vivre. Cela alimente toutes les conversations. A quel moment va-t-on nous montrer les belles choses ? Elles existent toujours, mais elles sont occultées par l’anxiété ambiante. » Elle est attentive aux gestes du quotidien pour la planète. « J’ai cette notion du respect et je me sens en harmonie. »

Travailler en famille n’est pas pour lui déplaire. « J’ai cette chance d’être entourée par une famille formidable. On est très soudés, et quand il le faut, on s’envoie bouler ; ça ne dure jamais plus de cinq minutes. Nos caractères s’accordent à merveille. Les décisions de l’entreprise sont prises le plus souvent ensemble. » Et puis, l’atelier accueille des artistes extérieurs à la famille. « Déjà mon grand-père ouvrait son atelier aux artistes. C’est propice aux échanges et à titre personnel, je trouve ça très stimulant quand je vois à mes côtés Annette van Riesen ou Fabrice Hybert. » L’atelier devient alors un creuset en ébullition, dans une atmosphère chaleureuse et colorée. « Quand on est ici, on fait un véritable bond dans le temps. »

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