Il a la tête dans les étoiles et les pieds bien sur terre dans son village de la Chapelle aux Lys. Son nom est reconnu dans l’astrophotographie depuis qu’il a photographié la comète de Halley à tout juste vingt ans.  Dans l’histoire des sciences également, avec ses travaux sur les observatoires de la Marine. Olivier Sauzereau a le don de la vulgarisation. L’écouter, c’est faire un saut dans l’univers, contempler un ciel étoilé, relativiser le temps et la condition humaine.

Ce nantais de souche cherchait le meilleur spot, pas trop éloigné de sa ville de cœur, offrant les meilleures conditions d’observation nocturnes, et accessoirement des vieilles pierres à restaurer. « Il y a rapidement eu une espèce d’alchimie ici à la Chapelle aux Lys, épargnée par la pollution lumineuse. J’étais sur une démarche privée et rapidement j’ai vu que la chose publique me rattrapait ». À commencer par le maire Philippe Boisson. « Nous sommes voisins. Deux ans après mon arrivée, je l’invite avec son épouse pour une observation. Il prévoyait rester un bon quart d’heure ; à 3 heures du matin, ils étaient encore là. Le ver était dans le fruit ». Quelques mois plus tard, début 2007, le maire revient vers lui. « On parle de plus en plus de vous dans le village et je sais que vous donnez des conférences, me dit-il. Est-ce que vous accepteriez d’en faire une ici, histoire de vous présenter ? ». Dans ce village de 250 habitants, on n’a pas l’habitude des conférences. « 80 sont venus. Le maire était scotché. Il me demande de remettre ça l’année suivante. C’est l’époque où je préparais « le Voyage vers le soleil noir de Sibérie » en allant observer 2 minutes 18 de l’éclipse totale du soleil près de Novossibirsk. Banco, je ferai ma première ici. La salle était comble avec les personnalités locales. Et là, sans vraiment me prévenir, il annonce à l’assistance qu’un festival d’astronomie se tiendrait ici, ignorant totalement les moyens d’organiser pareil événement ». L’acte fondateur d’Astrolys en somme, le rendez-vous incontournable qui attire un public qui vient de loin. Le village se pare de photos et de divers instruments astronomiques qui justifient à eux seuls la visite tout au long de l’année. Sans compter que c’est la plus petite commune de France à disposer depuis 2019 d’un planétarium.

Quelle mouche a donc piqué ce jeune Nantais pour se vouer à cette passion ? « Ma mère m’a sensibilisé très jeune à la contemplation et au respect de la nature, à l’émerveillement. Sans être dans le domaine scientifique, elle travaillait à une époque au Muséum de Nantes. J’y allais souvent après l’école, et parfois j’allais jouer dans les réserves ». Il ne manquait plus que le véritable déclic. « Hubert Reeves vient tenir une conférence à Nantes. J’étais émerveillé par cette manière de rendre le monde intelligible, sa poésie, la beauté incroyable de ses images ».

Depuis plus de trente ans, il parcourt le monde, de la Finlande à la Turquie, d’Indonésie en Amérique du Sud pour réaliser des clichés à la fois esthétiques et scientifiques. Impossible de distinguer un moment marquant tant ils sont nombreux. « J’ai la chance d’entraîner ma famille dans les projets ; tout le monde est enchanté. Le 21 août 2017 on a vécu une éclipse extraordinaire aux USA. Nous avons poursuivi le voyage d’un mois et demi sur la route de l’ombre de la lune ». L’astro fait partie de l’ADN familial. « J’ai une épouse passionnée de voyages et des enfants qui s’échappent parfois du lit en pleine nuit l’été, pour aller à l’observatoire ».

Depuis une petite dizaine d’années, Olivier Sauzereau est Docteur en Histoire des Sciences de l’Université de Nantes. « J’ai eu un véritable ressenti affectif pour l’ancien observatoire de la Marine de Nantes. Il est à l’origine de mon travail de recherches historiques sur les observatoires de la Marine en France ». Comme celui de Lorient. « Deux bâtiments comme le nez rouge sur le clown que plus personne ne voyait ». Un travail d’accès aux archives qui sera l’objet de sa thèse en doctorat, et un travail de médiation qui se concrétise par l’ouverture de ces bâtiments à l’occasion de la Journée du Patrimoine.  Par ailleurs, il contribue à la revue Jules Verne, son compatriote Nantais, écrivain et féru des sciences. Explorer une telle œuvre est forcément enrichissant.

Parmi les épisodes malheureux auxquels il a été confronté, il y a le naufrage du cargo Grande América sur l’Atlantique en 2019 qui transportait son Land Rover fraîchement équipé. « L’expédition pour l’Amérique du Sud, pour observer une éclipse, aura nécessité plus d’un an de préparation. J’ai fait un choix de vie où on ne roule pas sur l’or. On avait tout mis là-dedans. On a fait marcher les assurances et surtout il y a eu une belle solidarité qui nous a permis de nous rééquiper en partie ». Dépité un premier temps, il devient philosophe en citant Jules Verne. « Le naufrage vous laisse d’impérissables impressions ».

On ne peut pas s’intéresser profondément à l’astronomie sans avoir des questions qui restent sans réponses. « Qui sommes-nous ? d’où venons-nous ? où allons-nous ? Avec l’astronomie on prend un recul hallucinant. C’est une réflexion intense ». La notion d’immensément grand, voire d’infini, peut effrayer. « C’est le cas de cette dame que son papa ne voulait pas emmener au planétarium quand elle était petite parce qu’il avait peur. Comme d’autres ne peuvent regarder le fond d’un précipice ou une opération ». Le chemin aux étoiles, un sentier de randonnée à travers la Chapelle aux Lys, permet de mesurer le rapport au temps. « C’est comme si on marchait sur une frise chronologique. Un mètre représente trois millions d’années ».

Des dimensions spatio-temporelles qui poussent à relativiser beaucoup de choses. « On n’est qu’une infime moisissure sur une bille insignifiante, dans un espace totalement gigantesque. Qu’on soit un papillon, une fleur, ou un être humain, on demeure pourtant infiniment plus complexe que l’étoile la plus fantastique qui puisse exister dans l’univers. L’astronomie nous permet d’avoir un recul incroyable, de prendre acte de notre petitesse, de notre fragilité, et en même temps de notre prix. On a été créé à l’intérieur des étoiles, de poussières d’étoiles comme le dit merveilleusement bien Hubert Reeves ».

En guise de conclusion, Olivier suggère une expérience à la portée de chacun. « Il suffit de s’allonger dans l’herbe ou sur une plage par une nuit sans lune. Il s’agit d’une véritable expérience métaphysique où à travers nos yeux, c’est l’univers lui-même qui se regarde, puisqu’on est le fruit de cet univers… ».

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