Il est devenu forain par passion, lui qui aime voir les gens avec des étoiles dans les yeux. Une récompense qui couronne un énorme travail depuis plus de trente ans. Thierry est le propriétaire de la Grande Roue qui a ravi petits et grands sur la Butte des Châtelliers. Une fête en réponse à la situation laissée par le Covid qui a éprouvé le monde de la restauration comme celui de l’évènementiel.

Il est né à Angoulême. « Je suis autodidacte, genre plutôt débrouille. Je suis devenu forain avec mon frère un peu avant nos 18 ans. Notre enfance n’avait pas été formidable, alors nous sommes partis, comme des vagabonds. Le hasard nous a fait rencontrer une famille foraine qui cédait son affaire. Nous avions commencé avec des motos à quatre roues qui circulaient au milieu des bottes de paille, puis une grande chenille dans un chapiteau de seize mètres de diamètre. Cette ambiance de fête, ce milieu un peu marginal me correspondait bien ». Rapidement les deux frères prennent des voies différentes. « On s’est un peu chamaillé ; c’est la vie ». Avant de se retrouver. « On est revenus ensemble rapidement, lançant de nouvelles attractions assez inédites à l’époque. C’était l’époque des kartings ». Thierry épousera une foraine, qui l’ancrera un peu plus dans ce milieu.

Il regarde son parcours avec un certain amusement. « À notre époque, on pouvait démarrer doucement avec un jeu de motos et quelques manèges. C’était l’époque des petites fêtes foraines. On circulait avec nos vieux camions. Aujourd’hui, il faut surprendre d’emblée. L’exigence n’est plus la même. Nous c’était l’aventure avec moins de tracasseries administratives qu’aujourd’hui ». Ses trois enfants, bercés dans le milieu, ne se doutent probablement pas des efforts déployés à bout de bras par leur papa pour arriver au résultat d’aujourd’hui. « Je devais apporter la preuve qu’on pouvait réussir sans faire d’études ». Une réussite obtenue à la force du travail. « Nous, on ne connait pas les vacances. Dès qu’on a cinq minutes, c’est pour aller au dépôt entretenir le matériel. On est un peu esclave de notre passion, mais quand on a ça dans la peau, ce n’est pas facile de l’enlever ».

L’histoire de la Grande Roue aux Châtelliers provient d’une rencontre. « Le Covid a éprouvé nos milieux respectifs : Philippe Maindron et moi dans l’évènementiel, Jean-Marc Hay dans la restauration. J’avais évoqué avec Philippe l’idée de manger dans une grande roue, connaissant sa capacité à mettre en œuvre les projets les plus fous, ainsi que sa faculté pour mobiliser. Nous qui n’avions jamais arrêter de travailler depuis plus de trente ans, là, on nous interdisait de faire des marchés de Noël. Inconcevable ». Rattrapée par le Covid, la roue sera installée une première fois sans pouvoir tourner. « C’était mal connaître son enthousiasme et son sens du défi. Il fallait que la roue tourne ici ».

Dans un monde féérique, la pandémie a joué le rôle de rabat-joie en cette année 2020. « Une histoire qu’on n’a pas vu venir, qu’on racontera aux futures générations. Peut-être notre guerre à nous ? Même s’il faut relativiser. La situation en Ukraine est autrement plus préoccupante. Et puis il faut apprécier que les pouvoirs politiques ne nous aient pas laissé tomber durant cette période. L’économie a été soutenue, et par là-même, les gens qui travaillent. Grâce à ça, on a retrouvé un nouvel élan. Et aujourd’hui des sourires qui effacent la déception du premier rendez-vous manqué à l’hiver 2021 ».

Passionné, Thierry ne s’imagine pas s’arrêter. « J’ai envie de rester jeune, de continuer à faire ; je ne suis pas usé. Un forain ne s’arrête jamais, sauf gros pépin. Moi qui ai démarré avec rien, je transmets aujourd’hui un patrimoine à mes enfants. Je souhaite qu’ils le fassent prospérer ». Peut-être est-ce parce qu’il redoutait l’ennui qu’il a acheté en 2001 un parc d’attractions en Deux Sèvres, la Parc de la Vallée ? « Mes enfants n’ont pas envie d’être sédentaires. Ce sont des forains qui aiment aller de ville en ville ». Des baladins qui serpentent les routes comme chantait Aznavour.

Son inspiration, il l’a puisée chez les anciens. « Marcel Campion, qui a bien réussi. Comme Serge Dumont, défenseur du monde forain. C’est grâce à des gens comme eux que je détiens depuis 20 ans cette grande roue achetée à un forain allemand. Bien entretenue, elle peut faire trois générations. J’en ai eu trois, mon fils en a repris une, l’autre par un neveu. Ça fait plaisir de transmettre quand est parti de zéro ». La roue qui tourne en somme.

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