Elle travaille pour la Tour Eiffel, la Dame de Fer, elle qui est toute en délicatesse. Avec ses compétences en licence de marque, Caroline valorise un peu plus la notoriété du monument si réputé du haut de ses 330 mètres. Depuis sa tendre enfance, elle a promené ses valises, développant une capacité d’adaptation rapide. Aujourd’hui, elle apprécie avoir trouvé son port d’attache.
Les sept premières années de sa vie sont américaines (Dallas), avec une mère allemande et un père français. « Ils se sont rencontrés là-bas, se sont mariés à Las Vegas. Nous sommes trois enfants, moi prise en sandwich entre ma sœur aînée et mon jeune frère ». Ses souvenirs sont précis. « Peut-être avec l’aide des photos ou des vidéos ? Ma mère restait au foyer, faisant de nous tous une famille très soudée. Puis l’éloignement avec l’Europe a commencé à peser ; les grands-parents réclamaient à voir plus souvent les petits-enfants ». La famille se posera à Valence durant trois ans, puis en Angleterre pendant un an, avant de revenir en Normandie, puis enfin à Annecy. « Mon père, ingénieur commercial, a recherché un peu plus de stabilité. C’est toujours difficile de quitter un lieu où on a vécu. Il faut cette faculté à se réadapter rapidement, faire le caméléon pour se fondre dans un nouvel environnement ». Caroline sera très rapidement polyglotte. « Mes deux premières langues étaient l’anglais et l’allemand. Nous gardions une culture française, tout en étant pleinement en immersion américaine ».
Sensible à l’art, elle hésite pour ses études supérieures. « Finalement j’ai opté pour école de commerce me disant que le moment venu, je pourrais raccrocher l’art à mon parcours. L’inverse me semblait plus périlleux ». Elle fait ses armes dans le groupe Mattel (Barbie, Fischer-Price, etc…). Un ancien collègue de stage attire mon attention sur un poste à la Tour Eiffel autour de la licence de marque. « Ça me semblait tellement intouchable que j’y suis allée sans trop y croire, libérée de toute pression. Ça a matché ». En lien étroit avec la Ville de Paris, la société d’exploitation de la Tour Eiffel a décidé de valoriser la marque officielle. « J’y suis depuis deux ans et demi et j’ai la charge de développer la marque Tour Eiffel avec des collaborations et des produits dérivés, un nouveau gisement de recettes, sachant qu’aujourd’hui 80% du chiffre d’affaires de la Tour c’est la billetterie. Avec la marque, nous disposons d’un levier à fort potentiel, notamment avec la perspective des J.O. de 2024, sachant que la Tour Eiffel sera au cœur des festivités ».
Son bureau n’est pas au sein même de l’édifice. « J’y viens régulièrement, au moins deux ou trois fois par semaine, pour être en contact avec les visiteurs et les agents d’accueil. C’est important d’échanger avec eux ». Derrière la Tour, il y a un génie qui lui a donné son nom : Gustave Eiffel. « Montée à l’occasion de l’Exposition Universelle qui marquait le centenaire de la Révolution, il était prévu qu’elle soit démolie au bout de vingt ans. Sa vocation scientifique lui a valu sa survie. Aujourd’hui, elle culmine à 330 mètres depuis qu’une antenne de 6 mètres est venue la rehausser. L’œuvre de Gustave Eiffel est conséquente, bien au-delà de la Tour ».
Sans fermer les yeux sur un monde qu’elle considère ‘à la dérive’, elle vit au jour le jour. « Je crois que le Covid a ajouté sa part à un monde déjà très anxiogène ». Elle agit en conscience pour faire sa part vis-à-vis du dérèglement climatique. « Ça semble tellement infime en comparaison des désastres des gros pollueurs que je doute que ça puisse aider, mais je me fais un devoir de le faire ». Pas facile de se projeter familialement dans ces conditions. « Pour moi, c’est trop tôt, tant ce monde me terrifie. Avoir des enfants, c’est pourtant un espoir pour la planète ; mon père, toujours optimiste, me le rappelle, mais je ne suis pas encore prête ». Elle a confiance en la toute jeune génération. « Elle est très au courant du contexte et des enjeux de la planète. On peut discuter des contenus d’internet, mais il y a un espace pour véhiculer des messages sains. Il me semble que c’est en train de se produire avec cette nouvelle génération, qui est plus affirmée et qui s’assume. Il y aura des changements, c’est sûr ».
Caroline profite d’un décor de rêve pour se défouler en courant : les quais de Seine, le Louvre…Un décor citadin qui l’inspire aussi devant la toile. « Je préfère peindre les paysages citadins aux visages humains, plus difficiles. Je laisse aux personnes le regard qui leur appartient ».
Cette jeune dame, qui n’est pas de fer, se forge au contact des siens. « J’ai la chance d’avoir une famille très soudée. Nous avons vécu l’épreuve de la disparition de notre maman, une douleur intense. Mais chez nous, on nous a toujours inculqué cette posture à se relever de tout. Je m’efforce de continuer à porter sa joie ; c’est un devoir de l’incarner de manière positive ». Une perte qui modifie les perspectives de la vie. « Ce sont des situations avec lesquelles on ne peut pas faire semblant. J’ai découvert des ressources en moi que je ne soupçonnais pas. Ma mère m’a toujours soutenue à 100%. Je me dois d’honorer sa confiance ; sinon, qui vais-je croire dans la vie ? ». Des certitudes qui du jour au lendemain forgent ses convictions. « J’ai pris une énorme confiance en moi, moi qui en avais beaucoup manqué jusque-là, qui avais tendance à me rabaisser ». La parole qui libère. « J’ai découvert que beaucoup de gens avaient des difficultés. Le fait d’en parler permet de se relever ».
C’est à l’occasion d’une fête familiale que je rencontre Caroline, la parisienne mêlée à la jeune communauté villageoise du bocage vendéen. « Cela tranche avec les relations superficielles, intéressées, que j’observe par ailleurs. Il y a beaucoup de spontanéité ; cela me parait authentique. J’ai le souvenir qu’aux Etats-Unis il y a aussi un vrai sens de la communauté et de l’entraide ».
Elle conclut cet échange avec philosophie, et toujours avec délicatesse. « Malgré le malheur qui m’est arrivé je considère être hyper chanceuse. La tristesse se mesure au bonheur qu’on a ressenti. J’ai été triste à un point innommable, ce qui veut dire à quel point j’étais heureuse. J’ai connu un bonheur pur sans condition ». Elle observe autour d’elle certains écueils : la routine, les médias, les gens qui se plaignent sans cesse…. Un constat qui donne du relief à sa situation. « J’ai la chance d’avoir un socle familial très fort, un copain super, des conditions de vie qui me permettent de me projeter. Je sais apprécier les choses simples : être posée à côté d’une personne que j’aime, voir mes proches en bonne santé ». Avant de conclure par un ultime éclat de rire !
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