Son père polonais a laissé ses Carpates natales pour venir s’établir à Faymoreau en 1930, à l’époque où l’extraction du charbon tient encore ses promesses. Le mineur gardait pour lui la dureté de son travail, mais il ne pouvait guère cacher à ses enfants les difficultés économiques qu’entraînait un salaire inférieur au minimum vital. Les choses se sont améliorées, sans largesse, suffisamment pour financer des études et permettre aux enfants de faire un autre métier. Ela, son sixième enfant, dispose d’une intelligence rationnelle propre à l’ingénieur informaticien doublé d’une sensibilité musicale qui, par association, lui permet de révéler quelques prouesses…

Ela habite aujourd’hui la maison que son père a achetée une fois à la retraite en 1958. « Il était boiseur au fond de la mine, créant les soutènements de la galerie. Il était heureux d’avoir été accueilli ici, même si les conditions étaient difficiles. Sans jardin et quelques animaux, on ne pouvait pas vivre, bien que le logement soit gratuit et le charbon fourni. » Les corons de Faymoreau témoignent de ce passé pas si lointain. « Il travaillait au Puy Bernard, à l’exploitation du gisement qui a été le dernier à fermer en 1958. Mon père n’a pas échappé à la maladie des mineurs, la silicose, pourtant il n’apparaissait pas affaibli. Il a vécu jusqu’à l’âge de 86 ans, considérant qu’il avait bien vécu. » Son papa, veuf, s’est remarié avec une polonaise, sa maman. « Elle a dû attendre neuf ans pour le rejoindre en France, bloquée par le régime communiste. » Beaucoup plus jeune que ses demi-frères et demi-sœurs, Ela reste proche de ses neveux et nièces qui sont de sa génération. La famille a obtenu la nationalité française en 1973.

Il vit comme un choc la découverte d’une langue autre que le polonais quand il entre à l’école. « À la maison, nous étions dans un système fermé, sans télévision ; tous les voisins étaient Polonais. » Un constat qui le pousse vers la linguistique. « J’ai suivi un cursus universitaire qui m’a conduit de Toulouse à Paris-Sorbonne autour de la didactique des langues. Comment utiliser l’ordinateur pour aider à l’apprentissage des langues ? Cela peut sembler désuet aujourd’hui. » Pendant une année, il suivra des cours à l’Académie de musique de Varsovie. « J’ai passé avec succès les épreuves du DEA, mais je n’ai pas eu le temps de faire mon mémoire car j’avais trouvé du travail entre-temps. » Ce n’était que partie remise.

« J’ai travaillé deux ans à la Cinémathèque Française à Paris, puis à la régie publicitaire de RTL. Je mettais mes compétences informatiques pour mémoriser les bandes-son publicitaires, fort de mes études acoustiques à Toulouse. » Ce passionné d’électronique a aussi une sensibilité musicale. « Mon père jouait de la mandoline, moi j’ai d’abord fait de l’orgue, puis j’ai suivi une formation beaucoup plus complète au piano. » Il rencontrera plusieurs compositeurs qui écrivent à l’aide de l’ordinateur. « J’ai suivi des cours avec Iannis Xenakis, le plus grand compositeur du XXème siècle en la matière. » Le thème de son mémoire devient une évidence. « Il était basé sur la comparaison des champs sémantiques de la musique électroacoustique en France et de la musique dite électronique en Pologne. » Un savoir qui débouchera sur de belles trouvailles pour Ela. « J’ai inventé un appareil qui permettait de coupler du son numérique à une base de données interrogeable en langage naturel. La numérisation sur DAT permettait de constituer des banques de données, ouvrant la possibilité de faire facilement des copies. Cela m’a valu des reportages dans des revues spécialisée en 1989. »

Il s’installe à son compte en juin 1990 sur Paris. « Ma mère était souffrante ; ça devenait compliqué de faire des allées et venues. J’ai décidé de m’installer ici, en Vendée. » Cela ne facilitera pas le développement des innovations qu’il a mises au point. « Je suis remonté assez souvent à Paris pour poursuivre quelques mises en place, mais à l’époque tout ça était encore très novateur. » Au fil des ans, il délaisse l’électroacoustique au profit de l’informatique. « Depuis, elle s’est démocratisée, y compris auprès des particuliers qui constituent à présent l’essentiel de ma clientèle. » Le secteur a connu ses aléas. « Les années 94 et 95 ont été difficiles ; il y a eu un assainissement du marché. Le Covid, paradoxalement, a été une grosse période pour la réparation. » Il s’est spécialisé sur le système d’exploitation Linux. « Les possibilités numériques sont encore plus vastes, notamment sur le plan musical. En plus, les coûts sont plus avantageux, mais ce n’est pas le système le plus connu, alors les clients ont parfois peur de se lancer. »

Doué, ce touche-à-tout, papa de deux enfants, s’épanouit à travers la musique. « Je bricole sur la mandoline de mon père. Je joue du saxo, qui avait été à la base offert à mon fils qui joue déjà de la trompette, un instrument très exigeant qui nécessite une pratique très régulière. » Une passion qu’il a transmise. « Mon fils est en cycle renforcé (après le cycle trois) et il a obtenu un premier prix et un prix d’interprétation en piano. Il veut être musicien professionnel ». Ela est président de l’association du Pays Minier. « C’est important d’entretenir la mémoire de ce passé autour de la mine. »

Son métier lui permet d’observer mieux que personne l’accélération du progrès. « C’est inédit. Le pire côtoie le meilleur sur internet, mais la régulation me semble impossible. Au nom de quoi pourrait-on réguler ? Ceci étant, l’information existe ; elle est même parfois tenace quand certains voudraient avoir la mainmise. Au Moyen Âge, il y avait beaucoup plus d’obscurantisme. Aujourd’hui, il faut trier, mais on peut accéder à tout. » Il sait que le web est un terreau propice pour le complotisme. Il déplore aussi certains réseaux d’influence. « Linux que j’essaie de promouvoir n’est pas le plus répandu sur la toile ; du coup, certains trouvent ça suspect parce qu’ils en ont moins entendu parler ; c’est le revers. »

Les maux de la société et la violence sont plus d’ordre psychologique que physique aujourd’hui chez nous. Il est prudent sur les conséquences de la multiplication des ondes. « On joue aux apprentis-sorciers là-dessus. C’est un environnement qui n’est pas très sain. Face aux ondes, comme face à la maladie, les réactions de l’être humain sont très inégales. On voudrait aussi se protéger des ondes, et on exige le téléphone partout. » Il est perplexe sur les réponses apportées au réchauffement climatique. « Personne dans le monde n’a la véritable solution entre le nucléaire et les solutions alternatives. »

Ela est croyant. « Je suis chrétien, donc animé par l’Espérance. Nos difficultés du moment sont temporaires. La Bible évoque une nouvelle Terre, de nouveaux Cieux. L’humanité va se transformer. J’ai cet espoir. »

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