Un petit bond de 6000 ans en arrière ça vous tente ? Moins réputé que celui du voisin breton, le patrimoine mégalithique vendéen est pourtant riche. St Hilaire la Forêt en est l’épicentre. Si la pierre est muette, Jessica sait la faire parler. Y compris pour en tirer des enseignements plus contemporains.

Depuis longtemps, tout ce qui touche au patrimoine la passionne. « J’ai fait un cursus en histoire de l’art et archéologie à la Fac de Nantes ». Pour parfaire son anglais, elle ira aux Etats-Unis et en Australie. « La culture aborigène nous ramène un peu à la Préhistoire avec les outils ou le démarrage d’un feu par friction de bois ». Elle aime gratter la terre sur un chantier de fouilles, mais ce qui la passionne véritablement, c’est transmettre. Et pour cela, le Préhisto’site du CAIRN est un terrain de jeu privilégié où les visiteurs sont invités à déplacer un menhir de plusieurs tonnes ou allumer le feu selon les méthodes ancestrales. « Le centre créé il y a 30 ans est un lieu immersif où le visiteur découvre la préhistoire autrement, en étant actif. Plusieurs médiateurs sont présents pour revisiter cette période qui va de -6000 à -2500 av. J.-C ».

Une véritable vocation pour Jessica. « La Préhistoire permet de découvrir des techniques anciennes, mais cela parle aussi de notre présent. Leur connaissance de l’environnement est indéniable. Quand on étudie cette période, on est très loin du cliché de l’homme préhistorique stupide, avec sa peau de bête autour de la taille. Au contraire, c’est un homme doué d’intelligence, à l’origine des premières inventions, depuis la création des outils jusqu’à la construction des monuments ». Les fouilles vont révéler des techniques de transport et de levage de ces masses granitiques de plusieurs dizaines de tonnes. « Le menhir ou le dolmen reste souvent le seul vestige d’un ensemble plus imposant, le cairn, recouvert entièrement de pierres sèches. Celui du Pey de Fontaine au Bernard devait monter jusqu’à neuf mètres de haut. Il était probablement visible jusqu’à l’ile de Ré ».

De cette période, nous n’avons pas d’écrits. « Ce sont les outils qui nous parlent. Pour comprendre, il faut essayer, tester. C’est ce que j’aime faire avec les visiteurs : comprendre par l’expérimentation. C’est plus efficace qu’un livre abstrait. Outre le déplacement de mégalithes ou l’allumage d’un feu, nous proposons des ateliers de poterie. Souvent les gens arrivent persuadés que deux silex suffisent pour démarrer un feu : c’est une idée reçue qui ne fonctionne pas ».

Plus loin dans la Préhistoire, le chasseur-cueilleur nomade est très respectueux de l’environnement et ne consomme pas beaucoup de matières premières. « L’homme du néolithique, sédentaire, devient éleveur agriculteur, érige les premiers dolmens, consomme plus de matériaux. C’est le premier des grands défricheurs. L’impact environnemental est réduit car les populations sont très inférieures à ce qu’elles sont aujourd’hui. Je ne sais pas s’ils avaient une conscience écologique. Ce qui est sûr, c’est que nous pouvons nous en inspirer pour limiter notre impact : peu de déplacements, on fait avec ce que l’on a près de chez soi ; la pierre polie renvoie à une notion de durabilité de l’objet. On réaffute pour faire durer. On ne jette pas, on retape l’objet… ».

Dans notre société où tout va très vite, l’apprentissage de la patience n’est pas des moindres au Préhisto’site. « Il faut savoir prendre du temps si on veut bien faire les choses. Ce n’est ni scolaire, ni scientifique ; juste une petite leçon de vie au quotidien ».

La médiatrice culturelle aimerait que les leçons du passé soient tirées pour ne plus se reproduire. « Quand je vois les pandémies ou la guerre en Ukraine, bien sûr que j’éprouve une forme de peur ; c’est dramatique ». Elle songe à l’avenir. « Je n’ai pas envie de voir tout en noir. Au contraire, mon métier m’oblige à regarder les bonnes choses du passé pour qu’elles deviennent de bonnes leçons pour l’avenir. Il reste du chemin à parcourir pour plus de tolérance entre humains, pour un environnement préservé… ».

En dehors des pierres, Jessica aime la botanique. « J’aime ce qui a trait au jardinage, découvrir des plantes sauvages, leur utilité ». D’où ses nombreuses balades, à pied ou à cheval. « Plusieurs chevaux sont placés chez nous pour le pâturage ; j’en profite pour refaire un peu d’équitation. Ça me permet de découvrir des petits chemins du territoire, des petits coins cachés ». Elle vit en couple ; elle est maman. « À mes heures perdues, je fais de la poterie, du dessin ou de la peinture. Sans ambition, mais ça me détend ».

Elle aime plus que tout apprendre. « Le jour où j’arrêterai d’apprendre, ce sera la fin ». Elle apprend au contact des autres. « Je n’ai pas forcément de grands guides ; bien sûr, si j’en avais eu la possibilité, j’aurais aimé rencontrer des gens comme Gandhi ». Ses références sont plus proches. « Cédric Perraudeau ou Samuel Poupin pour la botanique ; Roger Jousseaume, un puits de science sur les mégalithes doublé d’une personne magnifique intérieurement ». Elle cite ses collègues de travail. « Des personnes simples et anonymes, riches d’enseignements. J’ai appris d’une personne âgée aujourd’hui disparue, la vannerie et les plantes sauvages qui se prêtent au tressage ». La liste de ses relations de gens passionnés est longue. « Philippe Levé dans l’estuaire du Payré qui fait des jeux et des jouets avec les plantes qui nous entourent ; la roseraie de Bernard Nouteau : un endroit magnifique pour un pur moment de bonheur ».

Sa conclusion, empruntée au philosophe danois Soren Kierkegaard, sonne comme une évidence : « Celui qui connaît bien son passé, prépare bien son avenir. Je trouve que cette phrase colle bien au Préhisto’site, et au métier que nous exerçons avec toute l’équipe ».

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