Il termine ses concerts par un morceau qui s’appelle ‘Vitrail’, ce filtre de verre qui voit transformer la lumière du soleil dans des couleurs magnifiées. Dominique Fauchard ajoute que sur notre route, nous avons des gens qui sont un peu nos vitraux, qui nous révèlent sous un jour meilleur. Il y a ceux qui lui ont fait confiance, qui l’ont révélé. Et puis aujourd’hui, il y a ceux à qui il fait confiance, qu’il veut révéler. On peut le voir transpirant sur une scène rock et le lendemain, jouer à la messe. Tout sauf un grand écart pour lui.

Herbretais d’adoption, Dominique est aujourd’hui cervièrois, né à Montaigu. « J’ai fait mon lycée à Jean XXIII. Il y avait beaucoup de musique ici et surtout un magasin dédié à la musique. C’est très important pour un territoire, car c’est d’abord un lieu de rencontres. Depuis longtemps, je rêvais de vivre de ma passion. Thierry Tard, le patron de Scop Musique, m’en a donné la clé en m’accueillant après mon BTS. Noël Loiseau m’a aiguillé sur les bons rails, en m’apprenant une rigueur de travail dans la préparation des répertoires. L’un et l’autre m’ont fait confiance. » C’est au lycée qu’il lancera sa première formation Arcadis, un groupe de jazz rock.

Chez les Fauchard, les six enfants ont appris le piano. « Mes parents ont acheté le piano avant la machine à laver le linge. Ils nous ont transmis ce dont ils avaient été privés… On se ne se posait pas la question de savoir si on continuait quand il y avait un moment de découragement. Ça a été une vraie révélation pour moi : on ne fait pas de la musique pour soi (comme on peut faire un sport pour soi) mais pour donner. Celui qui joue seul, sans groupe ou sans public, ne tient pas longtemps. Je peux terminer un récital plus fatigué qu’après un concert rock ; l’énergie reçue du public oblige à donner plus. C’est éprouvant, mais ça me comble. »

De Chantemai à Strollad, d’un récital à la Grainetière à une formation jazz, plutôt qu’un grand écart, Dominique y voit un dénominateur commun : la musique. « Au-delà des styles, j’aime les composantes de la musique, les arrangements, le mixage. Jeune, j’aimais bidouiller le son. J’ai toujours considéré devoir donner dans la pluralité. Prendre du plaisir ensemble, goûter à la même émotion, au même moment, ça fonctionne aussi bien dans une salle de concert que dans une chapelle. La musique a cette vertu de transcender une émotion. C’est une parenthèse qui donne des forces. » Pour lui, le plus beau compliment à l’issue d’un concert, ce n’est pas « vous jouez bien », mais plutôt « J’ai passé un très bon moment, je vais mieux ! . « C’est ça mon métier ! La musique a des vertus quasi thérapeutiques. Je souhaite explorer ce domaine à l’avenir. »

La pluralité évoquée plus haut prend tout son relief à l’évocation des artistes qu’il accompagne. « Blanche, chanteuse de Saint-Gilles-Croix-de-Vie; Charlotte et ses chauffeurs, un trio de jazz chanté, haut en couleurs. Avec un musicien du groupe Cachemire, nous montons un duo de reprises des chansons de Renaud. Je joue également avec Jimmy, un duo jazz plutôt crooner, Pellok de Noirmoutier. Avec Laurent Touzeau , je joue mes compositions sur le film naturaliste Exuvie. Avec Gérard Baraton et son spectacle ‘Le souffle d’un rêve’, je suis heureux et fier de parler de transmission, de la ténacité d’un enfant qui veut devenir musicien. Enfin, je suis pianiste et acteur dans le Cabaret Atomique du Théâtre des sept Lieues à Nantes depuis 2014. » De quoi provoquer des télescopages sur l’agenda ? « Pas tant que ça, en fait. La pandémie a incité à multiplier les activités ; ça rejoint aussi cette diversité que j’affectionne. »

Sa discographie personnelle compte quatorze albums. « J’ai d’abord participé à une audition où je devais présenter deux enregistrements au producteur qui m’avait entendu jouer du négro spiritual. J’ai tellement travaillé le premier que j’ai eu le sentiment de bâcler le second, et c’est celui-là pourtant qui m’a valu ma sélection. C’est assez fabuleux de penser que c’est une musique de la souffrance (le négro spiritual), inscrite au patrimoine mondial, qui a donné naissance à quasiment tous les styles de musiques actuelles. » Un bouleversement dans sa vie de musicien. « Il y a quelque chose autour de la notion des origines qui me remue les tripes à chaque fois que j’en joue. »

La persévérance dans l’apprentissage est parfois soumise à rude épreuve. « Le sens de l’effort ne se fait pas dans la douceur. J’ai été marqué par un professeur, assez dur et intolérant, lors de mes premières leçons. Cela ne m’a pas empêché de devenir musicien professionnel. Avant de trouver du plaisir, il faut accepter les efforts. Comprendre ce principe, c’est aussi rendre service aux enfants en les encourageant, pas en les démolissant. »

Il se souvient de l’appréhension des premiers concerts. « Je dois avoir douze ans à ma première audition ; cette peur ne m’a jamais quitté. Il faut l’apprivoiser, sinon elle te bouffe. » Il comprend ce qu’est la ‘peur au ventre’. « Au sens propre, deux jours avant l’enregistrement de mon premier disque solo, je ressens physiquement cette peur. Mon entourage m’en a finalement libéré. »

Recevoir, partager, transmettre. Un triptyque qui a valeur de partition dans sa vie. « J’ai découvert à travers l’engagement de mes parents le plaisir de rendre service aux autres. Les discours que j’écoutais de mon père lorsqu’il intervenait en tant que président de la Croix d’or pour aider les gens, étaient de véritables leçons. Quand tu te retournes au bout de quelques années d’existence, tu vois davantage ce que tu as fait pour les autres que pour toi-même. » Il est touché quand ses propres enfants lui renvoient des compliments de la même trempe. « C’est une autre façon de réussir sa vie. Par ce métier, tu vois aussi des gens qui ont beaucoup d’argent, mais profondément malheureux, aigris. »

La spiritualité occupe une place importante chez lui. « On n’est pas fait que de chair et d’os. Je suis très attaché à cette ‘élévation’ de l’être humain pour qu’il soit meilleur, que ce soit par le biais d’une religion ou tout simplement par le service rendu aux autres. » Pas surprenant que ‘Rising’ de Springsteen, écrite juste après le 11 septembre, le bouleverse. « Pierre Barouh que j’accompagnais souvent me disait : la chanson est un art immédiat. En trois minutes, tu peux pénétrer le cœur de quelqu’un. C’est plus long avec un livre. Cette notion me plaît beaucoup. »

Assez récemment, Dominique s’est lancé dans la coutellerie version musique. « Un jour en voulant prendre un couteau dans ma poche -j’en ai toujours un- j’ai sorti une touche de piano que j’avais récupéré sur un instrument délabré. » Lui qui est fâché avec le streaming veut faire du solide. Il collectionne les couteaux depuis l’âge de cinq ans. « Par personnes interposées, je me suis retrouvé dans l’atelier de Robert Beillonnet, un ponte de la coutellerie. Quand je lui montre mon prototype, il me dit : ton couteau raconte une histoire, ce que les couteaux d’aujourd’hui ont perdu. Je vais t’aider à réaliser ton Pianiste. Un des grands moments de ma vie ! » Dominique est retourné voir la personne qui l’avait aiguillé à si bon port. « Le genre ‘gros dur qui se met à pleurer’ : On voit beaucoup de gens qui nous demandent des conseils ; peu réussissent ; jamais ils ne reviennent nous remercier. » Cette activité l’occupe un quart de son temps. La première année, il en a produit 250. La gamme se diversifie, toujours en musique. « J’ai également sorti le batteur avec des baguettes, bientôt un couteau Le Trompettiste. »

Lui qui est par monts et par vaux prend en pleine poire  un petit dessin. « Un homme adossé à un arbre avec un brin d’herbe dans la bouche et cette phrase : tout homme qui n’a pas une heure par jour pour lui n’est pas un homme. » Ou encore celui d’une grand-mère qui dit à sa petite : « pas drôle de vivre aujourd’hui… », elle qui avait 20 ans en 1940… » Dominique ne veut pas apparaître comme un faux optimiste. « C’est toujours sain de puiser dans l’Histoire et de voir que les gens ont pu se sortir de difficultés extrêmes, et continuer à faire le bien. » Il se souvient que le taux de chômage était le même lorsqu’il passait le bac qu’aujourd’hui. « Outre la sinistrose, le vrai défi, c’est de ressortir de toutes formes d’individualisme et de tourner son regard vers les autres. La pandémie n’a rien arrangé. Y compris dans le monde associatif. »

Faire éclore le don qu’on a en soi, c’est si simple à dire quand on a la chance de pouvoir le mettre à profit.  « Je pense que chacun a en soi des talents, des dons à développer. Beaucoup m’ont aidé, m’ont fait confiance. A mon tour, je veux aider les personnes autour de moi. Et si on s’y met tous, à l’affût des services qu’on peut rendre aux autres, à la recherche d’éclosions de nouveaux talents, ce sera une saine viralité. » C’est ce qu’il a fait avec son compagnon Alexandre Billaud, à travers le projet de l’Atelier du Musicien aux Herbiers. « Un magasin de musique est un lieu de rencontres pour les musiciennes et musiciens. Être le révélateur des capacités des autres, les aider à faire éclore leurs idées, leurs projets, c’est un truc assez agréable quand tu vieillis. »

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