Sa carrière est remplie d’instants de gloire qui voilent quelques désappointements. La finale de la Coupe de France 2018 restera son trophée. La page herbretaise se tourne, indélébile, tant l’engouement suscité restera longtemps dans les mémoires, avec en arrière-plan ce Stade de France en rouge et blanc. Stéphane Masala, le chef d’orchestre, est désormais disponible pour écrire une nouvelle partition. Elle sera forcément à son image, celle d’un gentleman.

Il pousse ses premiers cris sur les bords de Loire. « Je suis né à Nantes ; j’avais 2 ans quand mes parents sont partis vivre près de Reims. Chose incroyable, quand je suis venu à Luçon, je me suis fait soigner à Nantes pour une entorse. En franchissant le pont de Cheviré, je fus saisi d’une bouffée de chaleur. J’avais ma mère au téléphone qui me dit : regardes à droite du côté des silos ; c’est là que tu es né ». Son père y était entrepreneur de maçonnerie. « Il est parti de Sardaigne à l’âge de 16 ans pour venir travailler en France. Il m’a donné un prénom français pour faciliter mon intégration, quand moi j’ai donné un prénom italien à mes trois enfants, pour ancrer leurs origines ».

Son père connait les vertus du sport. « Je joue dès l’âge de cinq ans. Mes débuts sont très prometteurs, mais rapidement j’accuse un retard de croissance. Jusqu’à 17 ans, je ne dépasse pas le 1,50 m. Je m’accroche à mon rêve de devenir professionnel sans pouvoir entrer en centre de formation. Je ne lâche rien et pourtant, plus j’avançais, plus c’était difficile. A Troyes, j’ai fréquenté le milieu pro d’Alain Perrin ». Le ciel lui tombe sur la tête quand il apprend que le club ne le fera pas signer chez les pros. « C’est comme une petite mort. J’en voulais à tout le monde ; j’avais la rage. Je crois que pendant un an, je n’ai pas dit bonjour à mon formateur. J’avais le niveau National 1, pas plus ».

Pas exactement comme il l’ambitionnait, mais n’empêche, il vivra de sa passion. « Un formateur m’avait forcé à passer le diplôme d’entraîneur ; quand il a vu ma désapprobation, il m’a dit : peut-être qu’un jour tu me remercieras ? ». Sans jamais délaisser le ballon rond, il ne néglige pas son cursus scolaire. « Mes parents ne m’auraient pas laissé partir de la maison sans le Bac. A Troyes, je décroche un DEUG en économie. Quand j’ai su que je ne serais pas pro, j’ai fait une licence puis une maîtrise en STAPS ». Dans les clubs qu’il fréquente (Reims, Orléans, Luçon), il occupe la double fonction de joueur et d’entraîneur pour les plus jeunes. « Quand j’arrive à Luçon, j’ai l’impression que ma carrière est finie. Je viens de CFA national pour la CFA 2 ». Le ‘Didier Deschamps’ de Luçon retrouve vaillamment la N1. « Je prenais ma place dans l’équipe ».

Fred Reculeau, l’entraîneur luçonnais, après l’avoir désigné capitaine le sollicite comme entraîneur adjoint, tout en le laissant jouer. « J’avais un doute, mais il m’a persuadé. Au final, une expérience très bénéfique. Quand, à 37 ans le corps et l’esprit me disent stop, j’ai basculé à ses côtés à plein temps. On joue la montée en ligue 2, puis le club a connu des déboires. C’est à ce moment-là que Michel Landreau, président des Herbiers vient nous chercher, Fred et moi ».

La greffe herbretaise prend difficilement pour Reculeau. « Il a eu du mal à se défaire de son image d’entraîneur de Luçon. Je traînais moins cette étiquette. On se maintient in extrémis. L’année d’après, notre binôme se casse. J’ai perdu mon amitié avec Fred. J’espère que le temps fera son œuvre… ». Une fois aux manettes, un horizon insoupçonnable s’ouvre pour Stéphane. « Tout s’emboîte naturellement, à tous les niveaux. On fait toujours les bons choix. On passe les tours éliminatoires de la Coupe avec une mentalité de gagnant, sur une vague positive ». Rien ne l’effraie. « À ce moment-là, j’ai l’impression d’avoir fait ça toute ma vie. Même aux côtés des personnalités les plus importantes, que ce soit le Président de la République ou celui du PSG, je me sens à ma place ». Le seul instant de panique sera son entrée dans le Stade de France, avant l’entrainement de ses joueurs la veille du grand rendez-vous. « Ça dure quelques secondes, mais là, seul dans ce vaisseau, je me dis : qu’est-ce que je fous là ? ». Dès que les joueurs entrent, l’angoisse est passée. « Je reprends le contrôle ; je sais ce que j’ai à faire, comment je vais les emmener ».

Le stratège a le scénario en tête. « Tenir l’heure de jeu, puis faire rentrer des attaquants vers la 70ème pour jouer notre chance, si petite soit-elle. Pour calmer la presse, je leur disais qu’on n’avait zéro chance, mais dans mon for intérieur, je savais qu’on pouvait gagner, et j‘avais dit comment on allait gagner à mes joueurs.  Le scénario était écrit ». Les Parisiens voient dans la sortie de l’excellent Valentin Vanbaleghem l’endroit où perforer pour décrocher le pénalty (transformé par Cavani). « J’enlevais ma sentinelle devant la défense ; mais c’était le moment de tenter l’égalisation ».

Beaucoup de joueurs ont quitté le club à l’issue de cette saison, où le froid de la descente en N2 succède au chaudron bouillonnant en rouge et blanc. « Je suis encore en contact avec beaucoup d’anciens joueurs, mais ce n’est pas de l’amitié ; plutôt un respect mutuel et cette incroyable épopée partagée ».

La proximité du coach avec ses joueurs n’altère pas le respect et l’autorité. « La gestion mentale est en partie innée, probablement inculquée aussi par mon père qui gérait des équipes ; très tôt, je me suis intéressé à ses propos sur ce qu’on appelle aujourd’hui le management. En STAPS, j’ai fait aussi de la psycho. On ne peut pas se dispenser de la technique ou des qualités physiques, mais le mental est très important. Je fais des tests de personnalité pour les nouveaux joueurs, dans le but de mieux les comprendre ». Une gestion humaine fine, qu’il renforce de sa créativité (Les images des plus beaux arrêts de Buffon avant la séance de tirs au but en ½ finale ; la théorie de la poutre dans le vestiaire pour gommer les effets du vertige au petit poucet…). Il trouve les mots et les images touchant au plus profond de la personne.

L’épisode des Herbiers Vendée Football ne pourra pas se dissiper dans la tête de Stéphane. « La saison qui s’achève a été difficile, mais paradoxalement, elle a été enrichissante. Je ne peux pas la mettre au niveau de la Coupe, mais j’ai senti un vrai soutien des dirigeants, des éducateurs, des joueurs…La petite tape dans le dos quand tu es en Finale a moins de valeur que celles de ces derniers jours. Là j’ai vraiment aimé le club ». Son ami Franck Lorenzetti (qui a toujours vu en Stéphane Masala un grand entraîneur, pas surpris de le voir en Finale de la Coupe de France) lui conseillait depuis quelques temps de jouer une carte dans un autre club. « Avec un autre projet, ambitieux, si on m’en avait donné la possibilité, j’aurais peut-être rempilé ? ».

Pour ses projets, outre son expérience il s’appuiera sur les conseils avisés des siens. Son autre mentor est l’entraîneur argentin de l’équipe de Volley-Ball, naturalisé Italien (encore un Italien !). « Je m’inspire de lui pour mettre des mots sur des sentiments que je ressens ; c’est plus facile à transmettre. Mieux que personne il explique comment se battre contre ses faiblesses ». Les petites réussites peuvent produire une belle dynamique.

Le compétiteur est naturellement optimiste. « Je vois bien tous les maux qui gangrènent la société, mais plus on perd en humanisme, plus on va en avoir besoin. Les excès du virtuel révèlent par ricochet le besoin de relations réelles. Quand je vois comment la nature reprend ses droits pendant la pandémie, ça me réconforte.  Je crois que demain sera meilleur ». Il est nuancé devant le foot business. « Manchester, c’est à la fois le capitalisme et l’orfèvrerie en matière de technicité, le genre de spectacle qui suscite de l’émotion ». L’attitude de certains joueurs peut aussi l’agacer. « Il faut savoir que depuis l’âge de 12 ans, ces gars-là n’ont plus de vie normale. C’est un bonheur d’avoir une vie normale, de pouvoir aller chercher ses enfants à l’école. L’anonymat est un luxe ». L’esprit d’équipe, une utopie ? « Ce n’est pas suffisant de bien s’entendre pour gagner. On vend du rêve, mais les problématiques sont les mêmes qu’en entreprise ou que dans la vraie vie. Le haut niveau est rassembleur pour le public. Il crée de l’émotion à l’état pur. Pour arriver à cela, il n’y a que le sport et la musique ».

L’empreinte Masala restera gravée dans le cœur de bon nombre de supporters herbretais. « J’ai ressenti cette adhésion d’un club, d’une ville, d’un département puis d’un coin de France au moment de la Finale comme un atout, jamais comme un poids ». Aux vestiaires, comme au club house, son leadership charismatique rassemble. Le verbe est à la hauteur. L’homme est attachant.