Qui trop embrasse mal étreint… Vincent dément cette citation en étant sur différents fronts, sans lésiner sur la rigueur que nécessite chacun d’eux : codirecteur d’une entreprise en génie électrique, formateur à temps plein, acteur à ses heures pour des tutoriels professionnels, coach pour les olympiades internationales au sein de WorldSkills France. Il devient Meilleur Ouvrier de France de sa catégorie à l’âge de 40 ans. Il est surtout champion de la transmission d’un savoir-faire auprès des plus jeunes.
Mouchampais, c’est à Saint Gabriel qu’il apprend l’électricité et l’électronique. « J’ai démarré dans l’industrie du meuble, à la maintenance et aux automatismes. Je suis allé ensuite vers l’électricité en bâtiment, en carrières, puis en agroalimentaire, avant de rejoindre le centre de formation Aforbat (devenu BTP CFA 85) à la Roche sur Yon ». L’enseignement l’occupe aujourd’hui encore à temps plein. En 2015, il s’associe avec Julien, l’un de ses premiers élèves, pour cofonder la SD Tech, spécialisée dans le monde connecté et la domotique ainsi que l’éclairage paysager. « J’aime que le travail des paysagistes soit mis en valeur dès la tombée de la nuit ». L’entreprise compte cinq salariés ; il y consacre un tiers de son temps.
Persuadé que les métiers manuels méritent d’être mieux reconnus, il devient expert pour WorldSkills France. « Chez nous les J.O. sportifs passent devant les J.O. des métiers ; en Corée, au Japon, au Mexique ou au Brésil, les Compétitions professionnelles sont mieux reconnues. En Corée, le vainqueur se voit offrir un emploi à vie par l’Etat, une voiture… ». Le prochain concours se déroulera à Shangaï en octobre prochain et en France en 2024. « Une très belle opportunité pour nous ». Les compétitions l’emmènent en différents coins du monde. « La Finlande, le Japon, le Canada, le Brésil … ». Durant 20 ans, il ne compte plus les rencontres enrichissantes. « Il y a des gens qui ne font pas de bruit et qui ont une technicité hors pair, et souvent une belle humanité ». Transmettre est son leitmotiv : à l’écran, en classe, lors des olympiades professionnelles. « J’accompagnais ceux qui se démarquaient sur le plan national pour les préparer à l’international. Il y a 40 métiers en compétition tous les 2 ans. Du très haut niveau qui nécessite une préparation physique et mentale semblable à celle des sportifs ».
L’effervescence des compétitions internationales, souvent couronnée de récompenses sous les ors de la République, ne lui donne pas le vertige. Au contraire, il ne veut pas décrocher de la réalité du terrain. « À un certain stade, j’ai pensé que le meilleur moyen pour m’évaluer techniquement était qu’à mon tour je fasse le concours du Meilleur Ouvrier de France, une préparation sur trois ans. J’ai décroché le titre à 40 ans en réalisant un tracker solaire ». Sa légitimité est confortée.
« Les WorldSkills m’ont proposé de revenir dans la compétition internationale pour être superviseur. Je devais manager 18 métiers, de la bijouterie à la maintenance aéronautique, non plus sur la partie technique, mais sur la stratégie, l’analyse pour progresser et gagner. Cela m’a permis de découvrir de nombreux univers. Une superbe ouverture. J’ai découvert entre autres comment la robotisation a permis de réimplanter la pierre à Versailles, tout en étant compétitif. Tout ce qui contribue à pousser les jeunes talentueux doit être entrepris ». La création de l’entreprise SD Tech en 2015 ne lui permet plus de courir le monde. « Je me suis investi au sein de Meilleur Ouvrier de France dont je suis devenu vice-président au plan départemental. J’ai la charge de l’organisation du concours annuel. Lorsque je vois à quel point une médaille peut bouleverser la vie d’un jeune, c’est stimulant pour tout le monde. J’ai toujours des missions dans WorldSkills France ».
Vincent est sollicité pour mettre son titre de meilleur ouvrier au service de l’excellence. « D’avril à fin juillet, je fais des tournages, pour des Fabricants ou Distributeurs, sur Paris ou Grenoble. L’idée des tutos est d’attiser la curiosité des électriciens, de les inciter à oser des voies inexpérimentées. C’est comme ça qu’on tire le métier vers le haut ».
Où puise-t-il cette énergie pour concilier autant d’activités ? « J’ai eu la malchance de perdre mon papa à cinq ans ; il avait 33 ans. J’ai pris conscience que la vie pouvait s’arrêter très rapidement et comme je suis un boulimique de projets, tout m’intéresse. J’essaie d’en faire un maximum ». C’est un lève-tôt. « J’ai cette chance d’avoir besoin de peu de sommeil ».
A travers la formation, Vincent voit le comportement des apprenants évoluer. « À mon époque, on entassait du savoir. Aujourd’hui les jeunes ont accès à tout en permanence. C’est leur motivation qu’il faut stimuler. Ils n’hésitent pas à changer de méthode quand cela ne leur convient pas. Nous avons intégré dans notre entreprise un jeune qui avait fait un Bac général et une école de sport. Nous l’avons challengé et encouragé à passer le concours « Un des Meilleurs Apprentis de France ». Il a remporté la médaille ; il est méconnaissable, tant il est motivé, nous a dit son père ».
S’il donne beaucoup pour son travail, Vincent ne veut pas que cela soit au détriment de la vie familiale. « Même si j’adore ma vie professionnelle, ma vie privée et mes enfants sont mes priorités ! ». Chez lui, c’est plutôt le divertissement qui en pâtit. « Je suis fan de moto et d’enduro, mais je n’ai pas beaucoup de temps. C’est mon petit regret ». Il aime l’histoire et la géographie. « C’est important de savoir d’où on vient. Avec ma famille, nous sommes proches du peuple ukrainien depuis une vingtaine d’années. Voir ce qui se passe aujourd’hui est terrifiant ». L’individualisme est à ses yeux un mal qui ronge la société. « Cela se traduit par un repli sur soi. Il faut constamment s’intéresser aux autres pour progresser ». Vincent qui a beaucoup voyagé apprécie son cadre de vie. « Quel bonheur d’habiter ce pays, même si les choses apparaissent compliquées ; il faut aller voir ailleurs pour comprendre et mesurer notre bonheur ».
La citation de Nelson Mandella qu’il apporte en guise de conclusion résume ses engagements et convictions : « ‘Jamais je ne perds : soit je gagne, soit j’apprends’ : c’est le socle de tout engagement professionnel, en formation comme en entreprise ! ».
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