Déambuler le long du Port du Bec, ce joyau aux allures de port chinois, est un régal. Y rencontrer Sandy rend la balade encore plus croustillante. Il respire cet endroit comme une perle nichée dans son huître. Il est quasiment en fusion avec le lieu, à promener les touristes en baie de Bourgneuf, pêcher la civelle ou récolter la palourde sur le Gois. Au point que dès qu’il s’éloigne, y compris pour des vacances, il ressent comme du vague à l’âme…sauf s’il y a un port non loin.

Ce n’est pas parce qu’il a démarré très jeune, à 16 ans, qu’à l’approche de la cinquantaine Sandy songe à arrêter. « J’aime trop mon métier. J’ai appris à travailler avec mon père, comme mes quatre autres frères ». Quand deux de ses frères ont choisi une autre voie, lui a fait le choix de la diversification. « Pendant 15 ans, je n’ai fait que de la pêche. Après avoir rencontré ma femme Noémie, nous avons monté le restaurant poissonnerie ‘Chez Melon tout est bon’. Nous étions un peu les pionniers de la dégustation dans le coin ». Un endroit réputé qui fleure bon la convivialité. « On a bien rigolé pendant 16 ans ; nous y passions tous nos weekends, toutes nos vacances… ».

La pêche reste son fil rouge tout au long de sa carrière. Sa femme au restau, lui sur le bateau. « J’étais de plus en plus sollicité par des clients ou des touristes qui voulaient venir pêcher avec moi, mais c’est interdit. C’est pour ça que j’ai pensé à la pêche promenade, une nouveauté sur le Port du Bec. J’ai transformé mon bateau de pêche pour la promenade, toujours avec le nom donné par mon grand-père ‘L’Amiral des Côtes’ ». C’est aujourd’hui la moitié de son chiffre d’affaires annuel. « L’hiver je pêche encore la civelle même si les quotas sont très restrictifs ». 

Il comprend la nécessité d’un encadrement de la pêche même si les quotas le font parfois rager. « Cela concerne toutes les espèces, de la sole à l’araignée. La raie est tout bonnement interdite. Aujourd’hui, il y a plus de gens à contrôler et à surveiller que de pêcheurs en mer ». Pas surprenant que certains ports soient en grève. « S’ajoute aux difficultés celle du carburant qui a doublé en quelques mois. Une activité limitée avec des charges qui augmentent : l’équilibre devient délicat pour certains ».

Sandy n’est pas fataliste. Alors il se lance en vénericulture. « C’est l’élevage de la palourde. On sème des bébés palourdes qu’on laisse grossir dans nos parcs loués à l’Etat sur le domaine public maritime. Quand elle se plait, elle reste dans le coin ». Puis vient le temps de la récolte 2 ou 3 ans plus tard. « Entre temps il faut beaucoup de surveillance. J’y vais tous les jours ou presque ». Travailler sur le Gois est un bonheur. « C’est un site classé, très animé. Chaque année il y a une dizaine de voitures qui se font surprendre par les eaux ».

Il fait un métier qui dépend de la nature. Son regard sur l’environnement est circonspect. Encore davantage depuis que son épouse, bénévole à Mécénat Chirurgie Cardiaque revient d’un séjour en Afrique. « On a beau faire attention dans les pays qui en avons les moyens, c’est loin d’être le cas partout. Culturellement, les pays moins favorisés jettent tout dehors, et le comble c’est que nous, on envoie une partie de nos déchets industriels chez eux. Les efforts sont largement insuffisants pour préserver la planète ». Ici la mer est plutôt préservée. « Des contrôles sanitaires sont effectués tous les jours. Si le prélèvement n’est pas bon, la zone est fermée. Du coup, tout le monde fait attention ». Ce qui n’empêche pas d’être prévenant. « On souffre davantage des résidus de crème solaire avec les gens qui se jettent à l’eau, que du plastique ».

Son tempérament joyeux et optimiste reprend vite le dessus. L’ambiance sur son bateau de touriste est à son image. « Avant le Covid, je recevais beaucoup d’étrangers. Comme je ne parle aucune langue, j’utilise le langage des signes. Ça nous vaut quelques bonnes bosses de rires ». Cette activité lui fait rencontrer plein de monde. « Pendant les 15 premières années de ma vie professionnelle je ne voyais pas grand monde. Avec le restaurant, j’ai appris à rencontrer des gens et ça m’a plu. Sans ce bateau à passagers, et depuis que Melon est fermé, j’aurais été triste si je n’avais plus tous ces contacts. Je suis fier de leur faire aimer ce joli petit coin de France ». Son petit paradis. « Je ne suis bien qu’ici. La montagne, c’est joli, mais ce n’est pas mon truc. A minima quand on part, il me faut un port pas loin. C’est là que ça vit ». Il ne cache pas son côté bon vivant. « La vie passe trop vite. Pourquoi faire la guerre dans un si beau monde. Il y a des choses qui me dépassent ! ».

Son père pratique toujours la pêche en mer version loisir. Son fils en fait désormais son métier. « Nous sommes 3 générations ; chacun sur son bateau. C’est super ! ».  Le livre d’or qu’il met à disposition sur son bateau est un recueil élogieux : Sandy, un amiral qui régale !