Réparer ses vêtements…Une simple question de bon sens il y a quelques décennies. La tendance actuelle est parfois de jeter au premier accroc. Longtemps enfouie sous le magma de la surconsommation, la réparabilité refait surface.  Pas forcément anti fashion ; plutôt même tendance. Pour Blandine qui a mis au point le concept ‘les Réparables’, c’est une évidence.

Très vite, elle privilégie le travail manuel à une voie intellectuelle, par conviction. « J’ai toujours aimé travailler de mes mains, transformer la matière, observer de façon très concrète le fruit de mon travail. » Elle fera d’abord un BEP puis un bac pro au lycée de la mode. « J’ai eu rapidement envie d’une première expérience pour me confronter à la réalité : j’étais couturière industrielle, autrement dit mécanicienne en chaîne. Par la suite, j’ai repris une formation de modéliste, équivalent BTS. » Elle intègre alors un bureau d’études. « Je mettais au point des vêtements en réalisant des prototypes. La conception était française mais la production était faite à l’étranger. Au bout de 3 ans, j’ai eu envie d’autre chose. » En 2010, le made in France n’est pas encore un sujet. « Mon petit combat était de reconsidérer ce constat. J’ai monté une collection fabriquée en Vendée avec des matériaux naturels ou en coton bio, voire en matières recyclées. »

Elle a 24 ans lorsqu’elle monte son entreprise. « Je n’avais pas envie de dénoncer et ne rien faire. L’idée, c’était de dire comment je peux essayer à ma petite échelle de faire quelque chose pour proposer une alternative. » Une rencontre la renforcera dans ses convictions. « Christophe montait une marque de vêtements homme. Nous nous sommes rencontrés de façon hasardeuse ; il avait 20 ans de plus. On a bossé ensemble comme si on était associés. Il m’a ouvert les yeux et l’esprit sur les questions environnementales. »

Le cercle vicieux de la productivité rattrape pourtant Blandine dans son projet. « L’expérience a duré près de 3 ans. J’y ai mis fin par prudence, riche des premiers enseignements, lucide devant les aspects qui devaient être corrigés. » Après quelques mois dans le salariat, Blandine remonte un atelier de couture, dans une version plus légère, basée principalement sur le service. « En même temps, j’enseignais là où j’avais étudié, retrouvant comme collègues des profs que j’avais eus par le passé. » Cinq ans plus tard, son projet d’entreprise ne lui permet plus de continuer l’enseignement. ‘Les Réparables’ étaient en germe.

Des rencontres qui ne relèvent probablement pas du hasard l’aideront à définir son projet, à couler les fondations. « Je travaillais pour la marque Patagonia, où j’ai découvert une culture d’entreprise avec une finalité qui ne réside pas que dans le résultat. Une autre vision de la réussite qui a un peu changé ma vie. Bien sûr, il faut que l’entreprise soit rentable pour qu’elle puisse se développer. J’ai assisté à une conférence de Yannick Roudaut sur l’entreprise et l’environnement. Ça a été un déclencheur. Je l’ai rappelé ; il m’a mis en contact avec un cabinet RSE. J’ai construit les fondations de mon entreprise sur les valeurs qui sont celles de l’économie bleue. La réparation de vêtements est un projet d’avenir. » ‘Les Réparables’ étaient nés.

L’idée force chez ‘Les Réparables’ est de parier d’emblée sur un vêtement de qualité : sa longévité sera d’autant plus importante si on le fait réparer au premier accroc. Pari gagnant sur le plan économique tout en étant plus vertueux sur le plan environnemental. « On fait appel à une prise de conscience, une forme de responsabilité. On connaît les effets désastreux de l’obsolescence accélérée ; c’est vrai aussi sur l’habillement. »

Chez les Réparables, on s’adresse aussi bien aux particuliers qu’aux entreprises. « Remettre la réparabilité au goût du jour suppose utiliser les outils de communication d’aujourd’hui pour sensibiliser le consommateur, le digital en l’occurrence. Le site internet répond à beaucoup de questions autour de la réparation. » L’idée fait des émules sur tout le territoire. « On a ouvert une antenne à Lyon ; il y a également un projet en Occitanie. Il restera Paris avec la zone Est si on veut couvrir tout le territoire. C’est un projet ambitieux et prudent, qui respecte ses engagements fondateurs. »

Les leviers ne manquent pas pour sa jeune entreprise créée en juillet 2020. « La RSE n’est plus accessoire dans les entreprises. Lorsqu’elles fournissent des vêtements de travail à leurs salariés, c’est assez simple de montrer aux dirigeants les bienfaits environnementaux et les gains économiques. » La réparabilité commence à poindre dans les textes de Lois. Il y a surtout l’image des métiers de la couture à revaloriser. « D’où l’idée d’utiliser les outils de la modernité pour améliorer une image un peu désuète. La réparation existe depuis toujours. Il faut juste la mettre en avant. » L’effectif de 4 salariés pourrait rapidement passer à 10 ou à 15 personnes. Blandine s’enrichit aussi du creuset de la Fabrik 3.0. « Ça fourmille d’idées dans tous les sens. Aurélie Ripoche impulse cet état d’esprit. Sans cette émulation, mon projet ne serait pas là où il en est aujourd’hui. »

Blandine sait que les changements de comportements demandent du temps. « Il faut donner envie sans que ce soit trop contraignant. Mais il faut aussi regarder les choses en face : notre niveau de vie occidental est trop consommateur vis-à-vis des ressources dont on dispose. » Sa démarche entrepreneuriale est réfléchie. « Avant de lancer mon entreprise en juillet 2020, j’ai travaillé pendant 6 mois sur sa raison d’être. » Elle souhaite convaincre les plus sceptiques par la preuve, faire des émules par la pertinence de sa propre aventure.

Elle-même se nourrit des parcours des gens. « Je suis curieuse et j’aime les histoires des gens. Lors de mon expérience avec Patagonia, j’ai lu le bouquin d’Yvon Chouinard le fondateur. Il décrit sa philosophie managériale, environnementale et économique. Il fait partie des personnes qui m’aident à réfléchir. » Tout comme les rencontres qu’elle fait à la FabriK 3.0. « Cela m’a apporté une réflexion plus large. Je crois en la synchronicité. »

Son bol d’air, c’est la course à pied. « J’ai fait deux marathons en prenant le temps. Je fais quelques courses par ci par là, sans grandes ambitions sportives. » En couple depuis 15 ans, elle aime aussi les sorties entre amis, aller aux concerts. Un autre divertissement ? « Quand je suis sur des tâches manuelles, j’aime bien écouter des podcasts. »

Blandine fait confiance à son intuition. « Quand je ressens un certain stress ou appréhension dans une situation, j’évite d’y aller ; je prends ce qui me fait vibrer. Ce sont des sensations que j’éprouve physiquement. C’est comme ça que j’écoute mon intuition. »

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