Fille d’agriculteurs à Sainte Cécile, Chrystèle s’oriente vers des études d’infirmière, obtient son diplôme. Elle exercera 7 ans avec un statut libéral. Loïc son mari est exploitant ; ses parents prennent la retraite, l’occasion de repenser l’organisation de la ferme. Chrystèle laisse alors sa blouse d’infirmière pour enfiler les bottes et la cotte. Rapidement, avec l’énergie qui est la sienne, elle prendra des responsabilités qui l’occupent aujourd’hui à mi-temps.

La production porcine l’attirait. « Je ne me vois pas sur un tracteur à faire des cultures, par contre cette production est assez technique, elle demande de la précision. C’était à ma portée. Quand je me suis installée en 1996, on a doublé le nombre de truies ». L’affaire est familiale, sous forme de GAEC. « Mon frère et mon fils se sont joint à nous deux ».

Elle découvre le métier, se forme avec l’aide de son mari. « Je n’ai pas regretté mon choix. Assez rapidement, j’ai eu envie de m’investir et j’ai pris des responsabilités dans la coopérative au niveau du porc. Sept ans plus tard, je devenais présidente du groupement, et par conséquence, je devenais administratrice à la CAVAC. Depuis, j’ai pris des engagements au niveau régional et national, toujours dans la filière. Je suis administratrice à INAPORC. Ces mandats occupent la moitié de mon temps ».

Chrystèle semble dotée d’une forte énergie, portée par une voix et un débit puissants. « Je ne suis pas là pour défendre des idées personnelles ; je place toujours le collectif devant. J’aime construire avec les autres ». Pas besoin de taper du poing sur la table. « J’assume mes responsabilités et je dis ce que je pense. Je suis là pour défendre le métier d’agriculteur, sans être obstinée ou butée, cherchant toujours à comprendre les enjeux. Les travaux de la Coopération agricole sont importants ; ça me plait ».

Pour assumer comme elle l’entend ses responsabilités, elle a travaillé la confiance en elle. « Je suis très à l’aise en petits groupes. Prendre la parole en Assemblée Générale est une autre histoire. J’ai suivi une formation proposée par la coopérative qui m’a beaucoup aidée. Quand tu gagnes en confiance, ça fait vraiment du bien ».

Les hommes sont plus nombreux dans les différentes instances. « Je m’y sens bien. A chacun de prendre ses responsabilités, et s’il y a plus de femmes volontaires pour faire avancer les dossiers tant mieux ». Son énergie la sert. « Dans la famille, on est comme ça. C’est plutôt une force. Cela m’est parfois reproché, mais ça ne me pose pas de problème de ne pas faire l’unanimité. Je ne fais pas partie des gens qui ont besoin qu’on les aime tout le temps. Par contre, je ne sais pas bosser toute seule ».

Si elle est convaincue qu’on peut vivre correctement de l’agriculture, elle déplore que la valeur ‘travail’ soit aujourd’hui moins reconnue. « L’agriculteur avec son béret et son petit cheptel, c’était hier. Nous sommes toujours des passionnés, avec les contraintes d’aujourd’hui, soucieux de nos animaux contrairement à ce que l’on entend parfois. Je souhaite que le travail des agriculteurs soit reconnu à son juste prix, que la profession redore son blason puisque notre mission est toujours la même : nourrir les gens avec des produits de qualité ». La valeur ‘travail’ s’érode selon elle dans la société en général. « On arrive à la génération des enfants dont certains parents ont cru y arriver en travaillant le moins possible. L’assistanat à ses limites. Tu es plus reconnu par les choses que tu possèdes que par ton travail ». Les difficultés à réformer le pays l’inquiètent aussi.

Au moment de s’installer, Chrystèle avait deux enfants. Elle en aura deux autres par la suite. « C’est aussi pour avoir cette famille que ça me plaisait de travailler à la ferme ». Ses lectures sont aujourd’hui essentiellement professionnelles compte tenu de ses engagements. « Mon évasion ? Les fleurs, le jardin. J’adore être dehors. Je me rends aussi disponible pour mes enfants sans être la maman poule. Mais j’ai besoin de les voir ».

Exigeante, elle n’en demeure pas moins optimiste. Elle redit qu’elle préfère les avancées collectives aux exploits individuels. « Toute personne mérite d’être écoutée. Il y a du bon chez chacun ». Sans être du genre à regarder en arrière, elle sait apprécier ce qui va bien. « On n’est parti de pas grand-chose et aujourd’hui on ne manque de rien. Il y a assez de ronchons comme ça ! ».