Natacha a décidé de mettre des couleurs dans sa vie, à travers les contes et les chansons qu’elle écrit depuis 4 années. La création artistique est pour elle une énergie qui prend le dessus sur la maladie dont elle souffre, la maladie des gymnastes. Une forme sévère se déclenche alors qu’elle a 34 ans. Les premiers symptômes sont apparus bien avant, vers ses 18 ans, l’âge où elle s’épanouissait en pratiquant la danse. Le jour où elle réalise que la médecine ne pourra pas faire plus, elle choisit de ne pas arrêter de bien vivre. « Au contraire, je veux prendre la vie du bon côté. Les cours de chant ont été déterminants pour moi ».

Depuis toujours Natacha est joviale. Une enfance parisienne heureuse, avec des parents investis dans le milieu associatif qu’elle embrasse toute jeune, participant aux fêtes, jouant de l’accordéon comme son papa ou écoutant sa mère chanter. Elle étudie l’allemand, multiplie les séjours outre-Rhin avant de signer un contrat de travail à Hambourg…Elle terminait ses vacances sur la côte vendéenne où elle venait souvent avec sa famille. « J’ai eu le coup de foudre avec un garçon, quelque chose qui ne m’était jamais arrivé ». Elle le prévient qu’elle ne veut pas s’attacher à lui car elle part travailler en Allemagne. « Il me dit : ‘je vais te faire changer d’avis’. De façon énergique, je lui tape dans la main. Il attrape la mienne, me fait un bisou en me renversant comme au tango. J’ai ouvert les yeux, j’ai vu les siens…Wouah! J’ai compris que j’allais revoir ma copie ».

La page parisienne se tourne pour Natacha, laissant derrière elle une formation musicale. Elle avait fait le choix de se consacrer à la danse. « À 18 ans je commençais à avoir des entorses ; j’allais de spécialiste en spécialiste. Quelqu’un me prédit le fauteuil roulant à 40 ans si je n’arrête pas le sport. Je suis partie fâchée ; j’ai poursuivi encore deux ans. Je me suis fait mal partout… ». Elle finit par prendre soin d’elle-même. « J’ai eu deux filles avant mes 30 ans. Heureusement ». Quelques années plus tard la maladie se développe rapidement. « Plusieurs séjours à l’hôpital, perte temporaire de l’usage de mes jambes…J’ai eu la chance d’avoir une famille en or, un mari qui ne m’a pas abandonnée, des filles qui devaient composer avec une maman parfois en vrac ».

Celle qui avait une sensibilité artistique par son éducation, par le goût des arts créatifs, décide à 43 ans de se réconcilier avec ses douleurs par le chant. « Je voulais maîtriser cette douleur intérieure, trouver une meilleure façon d’exprimer les choses autrement qu’en enrageant ou en pleurant ». La scène est un exercice en soi. Affronter le regard et l’écoute de ses propres chansons en est une autre. « J’allais me dévoiler et devoir expliquer aux miens certaines choses qu’elles ne connaissaient pas de ma vie. Mes textes parlent de tout, des bons comme des mauvais moments ». Natacha choisit un univers poétique pour enjoliver les mots qu’elle écrivait à l’insu de sa famille « sur un bout de papier, un ticket de caisse, parfois le matin dans la salle de bain. Je cachais tout dans une boite ». La rencontre avec Olivier Cougé et Alex Kabok sera décisive pour elle qui n’a pas perdu la rythmique. « Mais je ne savais pas écrire la musique. Petite, j’apprenais les notes en les chantant ».

Cette rencontre se prolongera avec la création d’un groupe de musique, FONEMM (initiales des participants, mais aussi un hymne à la rencontre). « J’avais créé 10 chansons, et en plus j’avais les musiques dans ma tête. La première s’appelle ‘Reste-là’ en hommage à mon mari toujours à mes côtés en dépit des galères médicales. Une autre ‘Méchants’ qui évoque une partie douloureuse d’une ancienne vie amoureuse dont je n’avais encore pas parlé à mes filles ».

Les rencontres s’enchaînent. « Elodie Rousseau, professeure des écoles, me demande d’accompagner la création d’un conte pour les enfants. Je n’avais pas d’expérience en la matière ; elle avait confiance en moi. J’intervenais pour la première fois en janvier 2019 devant sa classe avec la belle aventure du Kamishibaï, un petit théâtre à consonance japonaise. Les enfants sont accaparés par l’image et la théâtralité qu’on y met à conter ». Natacha crée des albums jeunesse qu’elle édite avec l’aide de Carole Poujade. Des contes qui l’emmènent vers d’autres belles histoires. « Certains voyagent dans les EHPAD où des personnes ont besoin de se replonger dans l’enfance. C’est une chance de créer du lien entre les différentes générations ».

Natacha travaille au sein des collectivités. « J’ai passé 10 ans dans les relations internationales pour la ville de la Roche sur Yon, puis j’ai travaillé aux finances et depuis quelques années, je suis gestionnaire des contrats d’assurances au service juridique de la Roche Agglo ». Un métier adapté à sa santé. « Outre le poste aménagé, j’ai aussi deux jours de télétravail ». Autant de dispositions qui lui permettent de poursuivre ses activités artistiques. « J’ai aussi la chance d’être invitée dans les maisons de quartier, pour animer des ateliers enfants-parentalité. Je crée des mallettes pédagogiques pour l’apprentissage des mots, du dessin, de l’expression sous toutes ses formes, dès l’âge de 6 ans ».

Natacha est confiante dans l’avenir. « Ma grand-mère était polonaise, mon grand-père d’origine italienne, et dans ma famille il y a une autre branche espagnole. Mes ancêtres ont pour ainsi dire fui des pays alors en crise ou en guerre en pensant aux lendemains meilleurs. Ils m’ont inculqué cette confiance, quelle que soit la période difficile que nous traversons ». Elle se donne une ligne de conduite, empruntée à ses parents et grands-parents. « Rester positive et libre. Ne pas épouser une religion ou un parti politique pour garder la possibilité de choisir ce qu’il y a de bon quelle que soit l’appartenance. La priorité c’est de respecter les êtres humains, les animaux, et la planète ! ».