Le conte est sa passion, un univers où il fait revivre ses personnages, ceux de son enfance. Patrice a découvert le conte alors qu’il était convalescent, suite à un accident de la circulation. On lui prédisait à peine 5% de chances de se sortir d’un sévère traumatisme crânien. Il relate les choses avec humour, voire une certaine philosophie. « À l’époque j’ai eu 20 ans d’avance ; maintenant, j’en ai peut-être 20 de retard ! ». Bien qu’il considère avancer au ralenti, il n’en demeure pas moins actif en formant les gens à la bureautique ou en les embarquant dans les histoires du cru.

Originaire d’un milieu modeste, il doit travailler pour payer ses études qui l’amèneront vers un DUT de statistiques et de traitement informatique des données. « À 17 ans, je travaillais à l’abattoir de la Châtaigneraie à fendre des têtes de bovins pour en extraire la cervelle, ou à bouillir des panses. Des conditions de travail difficiles et marquantes. En 3 mois, je gagnais l’équivalent de la retraite annuelle de ma grand-mère maternelle Clémence, lavandière ». Patrice ouvre les portes de son panthéon. « Ma grand-mère paternelle était bergère ».

« Mon père était un enfant ‘naturel’. Ça remonte à quelques décennies seulement.  La maison était en terre battue. Ma grand-mère paternelle, Germaine, était bergère ; on voyait la trace de ses sabots sur le sol puisqu’elle s’agenouillait toujours à la même place pour allumer la cheminée ». Des sagas familiales modestes que Patrice souhaite écrire pour ses neveux et nièces. « Mon père était ouvrier agricole, payé tout juste la moitié du SMIC. Il payait le médecin quand il pouvait ! J’ai été marqué par cette enfance ». Il est attaché à son histoire. « J’y suis accroché comme une bernique à son rocher ».

Diplôme en poche, il enchaîne différents boulots, de la gestion des stocks et des factures dans une compagnie d’irrigation à des missions d’intérim comme à la mairie de Nantes où il fera de la maintenance. Il fait une nouvelle formation, toujours en informatique, à Laval, avant de devenir formateur bureautique au Mans. En rentrant au pays par une soirée enneigée, il évite de peu un camion avec sa 4L, percute un poteau téléphonique : « Huit jours de coma, trauma crânien, plancher orbital cassé… un an d’arrêt de travail. Mes chances de récupérer étaient très faibles. Le simple fait de penser me fatiguait. Je faisais tout très lentement. Mon handicap a été reconnu à 50% ».

Durant sa longue convalescence, il se met à écrire. « En français ou en patois. J’aime stimuler mon imaginaire ou celui des spectateurs en m’inspirant des personnages de mon enfance, un peu caricaturés. Jamais je ne me moque. Je n’aime pas non plus la grossièreté ». Quelqu’un le recommande à Noël Germanneau, conteur reconnu. « J’allais faire des répétitions dans le marais poitevin tous les 15 jours avec ma Renault 19 d’occasion. J’accueillais les visiteurs à l’embarcadère d’Arçais, en patois ». Son champ d’expression écrite ne se limite pas au patois. « J’écris des poèmes et je participe à des concours littéraires comme le Printemps des Poètes ». Son inspiration bouillonnante peine parfois à trouver l’énergie nécessaire. « Quand je fais trop d’efforts, je suis vite lessivé. Y compris dans l’écriture. Je suis obligé de me limiter ».

Il se produit ici et là, lors de soirées contées. « J’ai appris ce langage en écoutant mes parents, mes proches. Ici, avant le remembrement, c’était un univers à la Pagnol avec des histoires de chasseurs, de cueillettes de champignons… ». Il redonne vie aux personnes de son passé avec un brin de nostalgie et beaucoup de facéties. « Tubulure, plombier zingueur qui montait sur le toit de l’église sans échafaudage,  avait le béguin pour Framboise, déjà mariée… »

Poète de l’imaginaire en milieu rural, il ne rejette pas la réalité d’aujourd’hui. « L’humanité s’est toujours redressée, mais jusqu’à quand ? Les phénomènes climatiques qu’on croyait réservés aux pays lointains se rapprochent. Je ne comprends pas le principe de la taxe carbone, un droit à payer pour polluer. Ce n’est pas prendre le problème à l’envers ça ? ».

Patrice intervient aujourd’hui dans des associations qui proposent des initiations à la bureautique, son métier de toujours. Il est également distributeur de la presse quotidienne tôt le matin. « Je suis également bénévole dans l’association ‘Au cœur du bocage’ à Bazoges-en-Pareds qui propose un spectacle médiéval nocturne, l’été ». Renouer avec le passé est viscéral pour Patrice.