Anna, la fille de Simon et de Tiphaine est atteinte d’une maladie génétique rare : le syndrome de Rett. Une situation qui oblige à repenser l’organisation familiale au quotidien, et qui, malgré l’exigence, n’altère pas la joie de vivre. La petite tribu est bien entourée, par la famille, par les amis. Depuis quelques mois, une association ‘La tribu de Nana’ s’est constituée pour soulager Anna et les siens.
Si Tiphaine réside aux Herbiers, à Ardelay plus précisément, elle est originaire de Beaurepaire, bien accrochée à ses racines. Très jeune elle est attirée par une carrière sociale. « Je me suis orientée vers un BEP sanitaire et social. L’école maternelle où je faisais un stage accueillait un petit garçon en situation de handicap. J’ai rapidement ressenti un lien avec cet enfant, ce qui me confortait dans cette voie ». Elle poursuit ses études par un Bac en sciences médico-sociales, et tente sans y parvenir le concours d’éducateur spécialisé. « Je décide alors de faire une licence en sciences de l’éducation, deux ans sur Angers puis une année sur Nantes ». Trois ans plus tard, le centre de formation d’éducateur spécialisé lui ouvre ses portes. « C’était parti pour trois ans supplémentaires, une découverte très enrichissante de milieux très différents ».
Concours en poche, Tiphaine débute dans la protection de l’enfance. « Une structure choletaise qui englobe une pouponnière sociale et une MECS (Maison d’Enfants à Caractère Sociale) et qui accueille des petits de 3 à 6 ans, placés par le juge. J’assure des remplacements pendant cinq ans. La structure est fragile, et avant qu’elle ne ferme ses portes, j’obtiens un poste en Mission Locale pour faire de l’insertion auprès des 16/25 ans. Ça me plaît, mais je garde une préférence pour la petite enfance ». C’est à ce moment-là qu’elle a écho d’un projet de MAM (Maison d’Assistantes Maternelles) chez elle, à Ardelay.
Le projet arrive à point nommé. « J’ai besoin d’un boulot un peu plus léger, car depuis un moment, notre petite Anna grandit et ne se développe pas comme une petite fille normale. Un premier diagnostic est posé à ses quatre ans et demi sur une forme d’autisme. Le rythme scolaire en moyenne section, était très éprouvant pour elle ; nous avons dû le réduire. Le Syndrome de Rett a été posé quelques mois plus tard, marqué par quelques régressions : perte d’équilibre, respiration saccadée, mains qui se recroquevillent… Il faut digérer la nouvelle, l’accepter, puis avancer ». L’accompagnement nécessaire bouscule le quotidien. « Simon a modifié ses horaires pour être disponible l’après-midi ; moi je suis passée à mi-temps ». Il faut bien au moins un autre mi-temps pour accompagner Anna. « Chaque semaine, il y a au minimum une séance de psychomotricité, l’orthophoniste, la kiné et la médiation animale ».
Pour rien au monde, Anna ne louperait cette séance de médiation. « EducOnaturel de Torfou propose de la médiation animale et végétale. Le jardin et la nature deviennent des outils thérapeutiques avec des résultats surprenants pour Anna. Ils accompagnent des enfants aux profils très divers ». L’animal ne porte pas de jugement, contrairement à l’être humain. « La société lui demande de s’intégrer dans un monde sans doute très différent de son monde à elle. Avec les animaux, les progrès sont là. Elle choisit le déroulé de sa séance en s’appuyant sur des images. Ça fait du bien de la voir comme ça ».
Un temps de travail réduit avec comme corollaire des revenus inférieurs ; des séances de soins indispensables, partiellement remboursés… le budget du ménage n’en sort pas indemne. « C’est une des raisons qui a motivé le lancement de cette association. Nous voulons faire connaître cette maladie, et surtout, ça fait du bien de parler, d’échanger. Au départ, ce n’est pas si naturel ; il nous a fallu du temps. L’objectif majeur c’est ne pas être seul avec ça ». L’association est toute récente. « Nous avons fait une première action avec l’association SPOT lors de Free Sons d’hiver ; une autre est programmée avec l’école de l’Oie ». Avoir un peu de visibilité permet d’entrer en relation avec d’autres organisations. « Dans les yeux de Valentine à Rochetrejoux, ou encore, avec une autre petite fille à Mortagne… Cela nous aide. C’est aussi l’occasion d’apprécier le fait qu’Anna marche et qu’elle mange seule. Nous savons que cette maladie connaît des phases de régression ; ça peut être demain ou dans 10 ans. On vit au jour le jour, sans trop la stimuler car elle fatiguerait vite. On s’adapte à son rythme ».
Tiphaine et Simon sont plutôt du genre posé. « Heureusement car Anna nous a fait comprendre qu’on ne pourrait avoir un rythme à 100 à l’heure. Ça ne nous empêche pas d’avoir une vie sociale, de partir en vacances ». Son petit frère de 4 ans trouve sa place aux côtés de sa grande sœur. « Ils ont un lien particulier entre eux. Léo la stimule beaucoup. Bon, ça se chamaille aussi, comme dans chaque famille ».
L’autre incidence, méconnue, c’est la charge administrative liée au handicap. « Il faut justifier de tout, tout le temps. Ça prend du temps et de l’énergie. Je suis admirative des parents qui continuent de travailler à plein temps, car c’est du costaud ».
Tiphaine trouve le temps de penser un peu à elle. « Je me ressource en me promenant dans la nature avec ma chienne, également dans la lecture. Je fais de la danse avec mes copines de Beaurepaire, mes copines de toujours depuis le primaire ; on habite toutes ailleurs, mais on est resté très soudées. Ce groupe d’amis est incroyable. On se marie au mois d’août prochain, et ils nous réservent plein de surprises. Nous vivons une superbe année grâce à eux ». L’autre pilier c’est sa famille. « Ça me fait vraiment du bien d’être avec eux, ce petit cocon où chacun est bien soudé ». Et puis, la vie à quatre. « On passe beaucoup de temps ensemble ; c’est précieux ».
Quand elle évoque le monde qui nous entoure, elle garde ce trait d’optimisme, profondément ancré chez elle. « Ce n’est pas si facile de vivre en société ; les illustrations sont nombreuses, y compris les plus dramatiques. Pourtant, je ne désespère pas de l’être humain, au contraire. Il reste de l’espace pour créer du beau, avec des gens bienveillants ». L’empathie est naturelle chez elle. « J’ai besoin de comprendre l’autre. Chacun a ses difficultés ; il faut composer avec ». Elle ne vit pas sa situation comme un fardeau, loin s’en faut. « Je crois qu’il n’y a pas de hasard dans la vie. Si Anna est sur mon chemin, ce n’est pas anodin. C’est ma mission de l’accompagner, de faire en sorte qu’elle ait une belle vie, douce, simple, sans fioriture. Anna nous ramène à l’essentiel en nous disant que la vie est belle et qu’on de la chance. Je ne me considère pas malheureuse, du tout, du tout ». Tiphaine ne sait pas laquelle apporte le plus à l’autre. « Elle a ce pouvoir extraordinaire de me guider dans mes choix. Je me laisse souvent porter par son état à elle, sans en être tributaire ». Juste en harmonie.
Sa phrase de conclusion empruntée à Tahar Ben Jelloun ne peut être mieux appropriée : « La nature créée les différences et l’homme en a fait des inégalités ».
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