Une fois n’est pas coutume, au sein d’un même couple, je réalise le portrait de chacun. Quand Jérémy m’a dit que sa compagne était ‘contrôleuse aérienne’ aux Ajoncs, cela a piqué ma curiosité. Je file à la tour de contrôle. Rosalie termine son service, avec le sourire. Son métier est un peu celui du chef d’orchestre devant un ballet aérien. Elles ne sont qu’une poignée de personnes à faire ce métier en Vendée. L’effectif total est de six et demi, réparties sur les deux aérodromes à l’Ile d’Yeu et à la Roche-sur-Yon. Ici la tour de contrôle, c’est à vous.

Au lycée, elle cherche sa voie professionnelle. « Par relation, j’ai eu l’opportunité d’effectuer un stage chez Chalair à l’aéroport Nantes-Atlantique. Cela m’a donné l’occasion de visiter les différentes infrastructures. Ça m’a intriguée. » Elle se met en recherche d’informations sur ce métier, mais le Bac ES qu’elle a obtenu n’est pas le plus approprié, sauf à emprunter la voie militaire. « Je suis d’abord partie quatre mois en Irlande pour parfaire mon anglais. J’ai intégré ensuite la base de Rochefort où je fais mes armes avant de démarrer ma formation ‘contrôleur aérien’ à Mont de Marsan. »

Qu’il soit civil ou militaire, le contrôle aérien est assez semblable. « La phraséologie est la même. » Rosalie exercera à Saint Dizier sous statut militaire. Un métier qui se féminise. « Les femmes représentent environ 20% de l’effectif total ; 50% sur la spécialité du contrôle aérien. » Elle a signé un contrat de cinq ans, mais au bout de deux années, le mal du pays la prend. « La famille et les amis, si importants pour moi, me manquaient. » De retour sur ses terres, elle entreprend une nouvelle formation, civile cette fois-ci, à Bordeaux pour devenir agent de trafic. « Je faisais le lien avec les pilotes pour la répartition de la masse, le centrage des passagers, le placement des bagages dans la carlingue, tout ça en fonction des conditions météo. L’incidence sur la consommation en carburant en découlait. Il y avait des logiciels de calcul pour nous aider. Je travaillais en alternance durant cette formation. »

Un an plus tard, elle trouve un nouveau poste à Caen. « Dans la compagnie où j’avais déjà fait un stage. Là, le job était davantage un travail de bureau : planning des pilotes, plans de vol… » La Vendée est encore loin pour elle. « J’avais envoyé plusieurs CV ici à la Roche ; une place s’est libérée, à mi-temps au début ; peu importe, j’avais un pied dedans. J’y suis depuis bientôt huit ans. »

La responsabilité d’un agent AFIS est différente de celle d’un contrôleur travaillant sur un grand aéroport. « Eux donnent des instructions indérogeables par les pilotes. Nous, on donne des informations et des recommandations. Elles n’ont pas force d’exécution, mais généralement elles sont suivies. » Selon le type d’avion, la liaison peut s’établir d’assez loin. « Quand ils entrent dans la zone qu’on appelle RMZ, un périmètre proche autour de la station, là ils sont obligés de nous contacter. » La tour de contrôle n’est pas occupée la nuit. « Les pilotes peuvent allumer la piste de leur appareil. »

En huit ans, Rosalie n’a jamais connu de gros pépin. « Juste quelques incidents. L’important pour exercer ce métier, c’est de donner des informations utiles, précises, concises. C’est le principe d’un talkie-walkie, on parle chacun notre tour, il ne faut pas encombrer la fréquence. » Le trafic annuel de l’aérodrome des Ajoncs est de 24000 mouvements par an, soit une moyenne de 65 par jour. « Un mouvement, c’est un atterrissage ou un décollage. Cela va du planeur au transport de parachutistes. Il y a aussi les avions de voltige. Le plus important reste l’aviation d’affaires. Il y a une quinzaine d’avions basés ici, certains détenus par plusieurs entreprises dans le cadre de GIE ; ils décollent pratiquement tous les jours. L’activité est très diverse. L’aérodrome est géré par la CCI de Vendée. »

No Stress. Une qualité indispensable pour l’exercice de son métier. Presqu’une philosophie de vie pour Rosalie. Elle a cette capacité de tenir à distance les éléments anxiogènes. « Ce monde est un peu dingue. Il ne s’arrange pas. » Elle qui passe son temps à regarder vers le ciel, garde les pieds sur terre. « Il ne faut pas être fataliste. J’essaie d’apporter ma part en donnant le coup de main pour l’association Soli’cancer lancée par Jérémy avec le soutien de la Ligue. »

Sa tour de contrôle affective, c’est sa famille, ses amis. « Pour moi, c’est capital, un besoin. C’est pour ça que je suis revenue dans la région. Je n’ai jamais perdu le fil de mes relations depuis l’école primaire à Saint-André-Goule-d’Oie. Je crois qu’en étant éloignée quelques années, j’ai ressenti ce besoin de façon encore plus forte. »

Sportive de nature, elle fait partie de celles qui ont lancé l’équipe de foot féminine à Mesnard-la-Barotière. « Les débuts étaient périlleux sur le plan sportif, mais qu’est-ce qu’on s’amusait. » Le Covid est venu perturber la partie. « Je laisse ma place car depuis que je suis avec Jérémy et Chloé, je deviens moins disponible.  »

Elle ne fait pas dans l’idolâtrie. « Je préfère mener ma barque avec les gens qui m’entourent. Depuis huit ans, j’ai vu les Présidents de la République et diverses célébrités. Je ne fais pas de différence dans les consignes à donner à leur pilote. Il faut que je les fasse poser dans les meilleures conditions, comme tous les avions qui viennent ici. »

L’aérodrome des Ajoncs peut valoir le détour pour qui s’émerveille devant les avions. « Ça fait rêver, même si moi, je commence à être habituée. Il y a quand même de jolis avions de collection, ou encore les beaux jets privés. »

Le maître mot de Rosalie, c’est le sourire. « Il s’entend dans les consignes données aux pilotes ; il favorise les relations entre collègues et tout simplement dans la vie qui, elle aussi, vaut bien un sourire ! »