C’est sur un marché de Noël que je rencontre Raphaël. Il fait des crêpes avec sa mère et ses deux sœurs. Des moments en famille qu’il apprécie particulièrement, lui le globe-trotter, adopté durant une année par une famille Maori en Nouvelle-Zélande. Une expérience qui a eu une grosse influence chez lui.

Cela fait plus de 10 ans que, dans sa famille, on ne raterait pour rien ces retrouvailles d’avant Noël. « On passe du temps tous les quatre et on rencontre des gens heureux d’être ici, dans un cadre magnifique ». Une activité qui n’a rien à voir avec son travail. « Je suis ingénieur et je travaille pour une société australienne qui développe des logiciels. L’objectif est d’évaluer -et de limiter- les risques de casse provoqués par la défaillance de pièces. On appelle ça la sûreté de fonctionnement ».

Raphaël a mis à profit son année de césure, une sorte de break avant d’attaquer la cinquième année d’école d’ingénieur, pour aller en Australie. « C’est un copain qui m’a indiqué que la boîte dans laquelle il travaillait était à la recherche d’un stagiaire. J’ai passé un an avec les équipes sur place. Je suis employé aujourd’hui de cette société. L’idée était de passer trois mois sur place, et neuf en France ; le Covid a enrayé cette organisation. Je suis en télétravail depuis deux ans, et même si j’ai régulièrement mes collègues, on ne prend plus de pots ensemble. Ça commence à me peser ». Une voie professionnelle qui finalement était tracée pour lui. « J’apprends des nouvelles choses toutes les semaines ; je n’ai pas encore fait le tour ». Peut-être un jour reviendra-t-il à une idée qui lui a toujours plu ? « Une ferme en permaculture ».

Son expérience internationale a débuté en Nouvelle-Zélande à ses dix-huit ans. « J’ai connu une première famille à Auckland où ça ne s’est pas bien passé. Par contre la seconde, inimaginable ! On me fait patienter sur le seuil de la porte jusqu’à ce qu’une femme m’accueille avec un chant Māori. Trente personnes m’attendaient à l’intérieur, tous de la famille. J’ai été ‘adopté’ sans n’avoir rien demandé. Mon père d’adoption, Hemy Te Nahu, m’a dit : Tu fais maintenant partie de notre famille. Tu es, et tu resteras mon fils. Nous avons mangé ensemble. C’était parti pour huit mois d’aventure ».

Deux ans plus tard, alors qu’il termine sa seconde année d’école d’ingénieur, Raphaël postule pour être Stewart à Air France pendant les quatre mois d’été. « J’ai fait ça durant deux saisons, une expérience incroyable avec des souvenirs aux quatre coins du monde ». Les rencontres sont à ses yeux les souvenirs les plus marquants. « En Inde, j’observais le geste très fluide d’un commerçant qui vendait ses beignets. Mon regard a croisé celui d’une Indienne qui elle-même me regardait avec mes yeux admiratifs. Sans aucune parole, elle m’a juste pris les mains, et nous avons échangé un regard empli de chaleur avant de nous séparer. Que c’était fort ! ». Il se souvient aussi de son ascension au Mont Fuji (2200 m de dénivelé en 4h30 environ). « Un clin d’œil à mon grand-père, accueilli au pied du célèbre mont japonais, plongé ce jour-là dans le brouillard à son grand désespoir. Il m’en avait tellement parlé… je lui ai envoyé une photo ».  Et comme Raphaël n’aime pas rester les bras ballants, il tourne des glaces le weekend à la Tranche. « Mon chef Wilfried est un gros bosseur. Je n’ai jamais vu une personne autant donner pour son travail, avec une organisation très méthodique ».

S’il n’ignore pas les menaces de ce monde, Raphaël appartient à la famille des optimistes. « Il y a une vraie prise de conscience par rapport aux droits des hommes et des femmes, par rapport à l’environnement, ou face à plein de problèmes sociétaux. J’y vois de l’espoir pour l’avenir ». La nature ou un beau coucher de soleil lui mettent du baume au cœur. « Me promener à la montagne, et plus encore rencontrer des gens. Il y a tant de personnes extraordinaires ».

Lui qui a été adopté par les Maori, n’oublie pas les siens, ses grands-parents entre autres. « Mon grand-père Marcel Albert a toujours été un héros pour moi avec tout ce qu’il a accompli en étant parti de rien. Je n’en connais peut-être pas la moitié ? A ses côtés, Régine est l’artiste accomplie de la famille qui consacre encore beaucoup de temps à l’écriture ». Raphaël revient à sa famille néozélandaise. « Là-bas, ‘Whanau’ signifie amis et familles dans un même vocable. Chacun est considéré à part entière. Les réunions familiales sont une tradition forte pour échanger ou résoudre des litiges. J’ai envie d’emmener mes sœurs Rachel et Sarah, ainsi que notre maman, pour leur faire découvrir cette culture ».