Figure herbretaise, remarquable par son look, Bertrand Moriceau, bien connu sous le nom de Bébert, n’a pas attendu que les joueurs de foot rivalisent de tatouages pour se lancer dans l’aventure. Dès l’âge de 17 ans, il fréquente les tatoueurs nantais à l’époque où ils n’étaient que trois sur la ville (quand aujourd’hui il y en a des centaines). La démarche n’est pas seulement esthétique, bien que ce soit un art à part entière. C’est aussi l’expression de sentiments plus profonds.
Bertrand est couvreur à son compte. « Je ne me débrouillais pas trop mal à l’école, alors on m’a dirigé vers un DEUG de lettres une fois le BAC obtenu. Jamais on ne m’a proposé de métiers manuels, moi qui aurais aimé faire le compagnonnage. Entre 21 et 23 ans, j’ai passé deux CAP et un BP en génie climatique. Quand j’arrive en Vendée, les gens mettaient des tuyaux en plastique, quand moi j’avais appris sur du cuivre et de l’acier, des matières nobles ». Celui qui, à 20 ans, n’avait encore jamais tenu une visseuse, s’était pris de passion pour le bâtiment. « J’y trouve une réelle valeur ».
Né à Nantes, Bertrand a grandi à Vallet. C’est un copain qui l’invite à venir travailler ici. « J’ai bossé avec lui, puis ensuite pour des belles boites du coin qui font de la couverture industrielle. J’avais la bougeotte. Je suis parti à Pau puis à Genève où je travaillais chez Bouygues, une expérience mémorable tant sur le plan humain que technique. J’aime travailler avec des équipes, mener des collaborateurs. Je me souviens d’un pipeline gazier que nous avons déposé à partir de barges sur le lac de Genève ». Bertrand n’hésite pas à retrousser les manches, laissant apparaître ses tatouages. « Je n’aime pas laisser le sale boulot à mes collègues. Je préfère m’y mettre ».
C’est à Genève que nait son fils. « Les Genevois sont supers. J’aime moins le milieu frontalier qui compte beaucoup de parvenus ». Alors direction Albi. « Le Sud, ce n’était finalement pas pour moi. Difficile de travailler avec des gars qui n’ont pas envie de bosser ». Retour sur Nantes où cet acrobate des charpentes retrouve cordes et nacelles. « J’ai repris à travailler avec mon premier collègue, toujours dans la sous-traitance dans les toitures industrielles. On faisait 80 000 bornes par an, des journées de 15 heures ». Son couple n’a pas tenu. L’occasion de reconsidérer les choses. « Je suis rentré dans une petite boîte familiale à Gétigné. Tout le monde se respectait ; c’était génial. Et puis je revenais près des Herbiers où j’avais gardé de nombreux potes. D’adoption, je suis un gars d’ici. Peut-être un jour, j’aimerais aller en Espagne ? J’ai un copain qui vit à Carthagène, une ville chargée d’histoire. Ça me fait un peu rêver ».
Son histoire, elle est représentée sur son corps. Un moyen d’expression intime autant qu’immuable. « Au départ, j’étais probablement influencé par des courants anarchiques qui m’autorisaient à penser comme je le voulais, non comme on me disait. Sans être marginalisé car le bien vivre ensemble est à mes yeux plus important ». Il y va progressivement. « Un dragon tribal sur l’épaule, des caractères en chinois, un héron dans le dos en hommage à mon grand-père, un des derniers pêcheurs du lac de Grand-Lieu ». Des dessins qui racontent son histoire. « Là, j’ai un dessin fait par mon fils lorsqu’il avait 10 ans. Souvent je laisse carte blanche aux tatoueurs, des personnes avec qui se crée une relation forte, pour des dessins très personnalisés ». Immuable. « Je n’ai jamais eu de regrets ». Il est toutefois plus prudent sur la scène tatouage d’aujourd’hui. « Ça s’est beaucoup démocratisé, pas toujours en bien ».
Cette modification corporelle n’est pas neutre vis-à-vis du regard d’autrui. « Il y a 10 ans, on disait : ‘tatouage facial, suicide social’. Je ne peux pas en vouloir aux gens de me juger. A moi d’assumer ce pas de côté ». L’assumer aussi dans la douleur. « C’est de plus en plus sensible. Les séances de tatouages peuvent durer jusqu’à cinq heures ». Sa couleur préférée est le noir. « J’aimerai une autre couleur quand elle sera plus sombre que le noir ». Son personnage est-il sombre pour autant ? « Les clowns sont toujours marrants en public ; parfois tristes quand ils sont seuls. Cela m’arrive, mais le plus souvent j’ai une grande joie de vivre car je suis entouré de gens supers. La naissance de mon fils a été mon premier grand bonheur, moi qui n’ai pas eu de papa puisqu’il a mis fin à ses jours quand j’avais 7 ans. Je savais ce que voulait dire être papa, avec le devoir de transmission qui est le mien ».
L’autre art qui le fait vibrer, c’est la musique, tendance métal. « La musique c’est hyper cathartique, avec toutes les émotions, du rire aux pleurs. La chanson de JJG reprise par Vianney, « Puisque tu pars » , je la trouve sublime. C’est pas joyeux joyeux, mais ça fait écho à des souvenirs personnels ». Son groupe du moment c’est Tool. « En particulier un morceau qui s’appelle ‘Pneuma’ que nous avons écouté en allant à la maternité avec ma copine, le 5 septembre dernier, sans connaître les paroles. Nous les avons découvertes depuis la naissance de notre Lou adorée. Il s’agit de l’ouverture des yeux d’un nouveau-né sur le monde. Etonnant ».
La phrase qui l’a toujours guidé est celle de Malraux. « ‘La vie ne vaut rien, rien ne vaut la vie’. Ce petit bout de vie qu’on traverse, il faut être conscient qu’il est unique. Il faut en profiter à fond et savoir donner aux autres ». Donner n’est pas la moindre de ses valeurs. « Moi c’est ma façon d’agir pour un monde meilleur. Faire bouger les masses est une ambition trop grande. Les petits gestes individuels font parfois des étincelles. Je le vois quand je donne un coup de main à des gens qui n’ont pas les moyens ». Bébert est également très investi dans le paysage associatif herbretais. « Ce réseau d’amis, il restera éternel ! ».
Laisser un commentaire