Du haut de ses 18 ans, est-ce son palmarès ou sa personnalité qui surprend le plus ? Sa vie semble gérée au millimètre, avec la même technicité qu’un 400 mètres haies qui lui vaut un titre de champion de France cadets 2021. Simon Deschamps est aussi humble qu’ambitieux. Il sait d’où il vient, où il veut aller, ce qu’il doit à ses proches. A vos marques, prêts ?…
Il rentre au collège de la Châtaigneraie avec un année d’avance. « C’est là que je découvre l’athlétisme. Auparavant, j’avais fait cinq ans de foot. » En 2012, son père vient de signer au club d’athlétisme de Pouzauges. « Pour lui ressembler, je commence à faire des cross et gagne mes premières médailles. En cinquième, je laisse tomber le foot ; je découvre la piste. Je m’épanouis pleinement. » À la fin de sa troisième, il songe au sport/études sur Nantes. « Je ne suis pas pris. La plupart des candidats avaient un an de plus. » La frustration est de courte durée. « Le lycée Jean 23 des Herbiers ouvrait une section athlétisme en lien avec l’ABV (Athlétique Club Bocage). Pendant deux ans, je suis hébergé dans la famille d’un copain. »
Il a déjà quelques titres en scolaire quand il devient champion de France du triathlon en 2019. « Je passe en catégorie cadet juste avant la pandémie. Il m’arrivait de dépasser légèrement l’autorisation du kilomètre réglementaire pendant le confinement. » Il met la période à profit pour choisir sa voie. « C’est à ce moment-là que je veux faire le décathlon. Cela suppose des structures et un encadrement approprié. Le pôle de Nantes était revenu vers moi après mon titre, mais je me sentais super bien aux Herbiers. Je les rappelle après le confinement pour faire ma Terminale chez eux, avec les options SES et SVT. » Simon obtient son Bac.
L’année est aussi fructueuse sur le plan sportif. « Avec l’équipe de Pouzauges (Alan Orion, Gauthier Simon et Romain Guery), on remporte le 4x1000m, une belle récompense pour tous ces moments partagés. » Ce n’est pas tout: « Je suis deux fois vice-champion de France sur les épreuves combinées, une fois en heptathlon, l’autre en décathlon. » Cette même saison, Simon s’aligne sur le 400 mètres haies. « Je deviens champion de France cadet. Je mesure à ce moment-là tout ce que cela représente pour moi. » Un titre qui lui vaut sa sélection en équipe de France. « Je me réjouis de porter le maillot tricolore à Franconville pour un match international avec sept autres nations. Le Covid en a décidé autrement. Je la méritais, je l’avais ; à la prochaine occasion, je ne laisserai cette chance à personne ». Il accède cette année à la catégorie junior. « Le niveau monte d’un cran. »
Simon poursuit son cursus scolaire par un BUT-GEA (Bachelor universitaire en gestion entreprises et administration). « En janvier dernier, j’ai obtenu un accord pour étaler mes études sur quatre ans. Un gros stress en moins au moment où je sentais la machine s’emballer avec les exigences de part et d’autre. » Il est rattaché au Centre National d’Entraînement de Nantes en gardant sa licence à son club Pouzauges/les Herbiers. « Les structures sont optimales comme l’encadrement et le staff médical. J’y suis tous les soirs, environ 15 heures par semaine. » Pour le moment, il joue les deux tableaux du combiné et du 400 m haies. « J’adore le décathlon, même si la gestion mentale est éprouvante. C’est un nouveau scénario à chaque fois. Je termine épuisé nerveusement, plus que physiquement. Le 400 mètres haies nécessite beaucoup d’intentions techniques et de rigueur. C’est un autre exercice. » Il sait que le jour où il accèdera au très haut niveau, il devra faire un choix. « J’ai deux ans devant moi où je peux m’éclater à fond dans chacune des disciplines avant de faire un choix le cas échéant. Le décathlon est une épreuve à maturité tardive. Peut-être qu’à court terme, mes chances sont plus élevées sur le 400 mètres haies ? Je vise une qualification dans cette discipline pour le prochain championnat du monde qui se déroulera en Colombie. »
Simon est déjà reconnu pour ses aptitudes mentales face aux montagnes russes émotionnelles que représente le combiné. « Mon parcours est aussi fait de déceptions, mais je me suis toujours relevé. Peut-être plus haut ? C’est pareil pour mes victoires, j’ai toujours des frustrations qui laissent la place à plus de motivation, de détermination. Elles m’ont toujours emmené vers de meilleurs résultats. » Une frustration nourricière pour un compétiteur, sous l’œil des coachs et le regard de son père, jamais très loin. « Sur un heptathlon l’hiver dernier, je mords mes deux premiers essais sur le saut en longueur. Il me reste un essai où tout se joue. Je croise le regard de papa ; il me fait un geste. Je sauve mon concours. »
Le haut niveau ne l’effraie pas. « Je ferai tout pour y accéder. » Simon a de l’ambition, pas uniquement pour lui, pour l’athlétisme qui est un peu le parent pauvre des médias. « Pas uniquement sur le petit écran. Il y a plus de monde dans la salle de sports du moindre village pour un match de basket qu’autour d’une piste d’athlé. » Avec ses copains, ils font preuve d’inventivité pour draguer le public. « On essaie de donner un aspect festif à nos interclubs ; avec l’ABV, on évolue en National 2, ça mérite plus de monde. Alors en plus de la compétition, certains sportifs seront maquillés ; on va chanter, créer l’ambiance pour faire de cette rencontre une fête populaire. C’est comme la démonstration de saut à la perche que nous avions faite dans la galerie d’un Hyper aux Herbiers. On veut donner envie aux gens de venir autour du stade. » Des Kevin Mayer en herbe pour promouvoir l’athlétisme.
Son équilibre personnel passe par ses divertissements. « Je n’aime pas être seul. J’aime passer des moments avec mes copains, en restant raisonnable (pas d’alcool en saison) en gérant mon sommeil. Mes copains m’ont vu évoluer. Ils connaissent mon projet, mon histoire. Ils feront tout pour m’aider. » Son histoire… « J’ai perdu ma maman d’un anévrisme, un tournant dans ma vie quand j’avais 13 ans. Ça a été très brutal. Le Simon que je suis a dû rebondir, se reconstruire avec son papa, sa sœur. » Une douleur qu’il transforme en défi. « Je n’ai pas envie à 30 ans de regarder en arrière et d’avoir des regrets. En décrochant mon titre l’été dernier, je voulais aussi rendre ma maman fière de moi, là-haut. »
Sa famille compte plus que tout. Ses copains aussi. « Je les ai retrouvés quand j’ai fêté mes 18 ans. Je passe de merveilleux moments avec eux en dehors du sport. » Simon aime échanger avec les aînés. « Cette semaine à Nantes, j’ai discuté avec un monsieur âgé qui amarrait son bateau. Il a vécu des choses marquantes. Nous ne sommes pas les premiers à vivre les évènements tragiques et inédits de ces dernières semaines. »
Pour lui, un sportif a des devoirs, au-delà de la simple pratique sportive. « Si j’ai la chance de faire une carrière, je souhaite que les gens retiennent davantage les valeurs de respect et de solidarité que je défends, plus que mes titres. Le sport mérite mieux que d’être traité comme un loisir. Le milieu enseignant ne réalise pas toujours les efforts demandés aux jeunes sportifs, parce que le sport n’est pas assez considéré. L’épanouissement compte autant que la réussite. »
Partant de là, on devine tout de suite ses références sportives. « Usain Bolt, exemplaire pour son travail acharné, sans quoi la vitesse ne lui aurait jamais apporté les sensations qu’il éprouve. Teddy Riner, lui aussi gros travailleur, qui rayonne au-delà du sport. Michael Jordan qui a fait de son sport un spectacle. L’argent n’est pas son moteur. »
Il trouve aussi la bonne influence plus près de lui. « Plus localement, il y a des athlètes avec de grandes valeurs humaines comme Anthony Guillard, Damien Guery, mon premier coach ; Karine Legris, responsable du comité 85, m’a beaucoup aidé à l’époque des Herbiers. Celui qui m’a permis de garder le cap durant le confinement, c’est Olivier Bretin de Montaigu, 78 ans, un livre d’histoire de l’athlétisme à lui seul. Il faisait ma programmation journalière. Je me filmais et il rédigeait ses commentaires à la façon d’un écrivain. Il savait qu’en allant à Nantes, je serais en de bonnes mains avec Samuel Auneau, un second père qui m’apporte beaucoup plus que le sport, et Richard Cursaz, cadre technique à la Fédération. »
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