Ils sont moins nombreux le long des routes à lever le pouce ou tenir le panonceau de leur destination qu’à une certaine époque. Valentin reste un adepte de l’auto-stop qui lui procure un sentiment de liberté, l’occasion de multiples rencontres, un moyen de locomotion peu cher. Il a terminé un cursus pour devenir ingénieur. Il hésite à s’engager professionnellement dès à présent. Durant deux mois, il est parti faire en duo le tour de l’Europe -en auto-stop- et d’ici quelques mois, il prend la direction de l’Afrique, en solo cette fois-ci.
Il a passé son diplôme en cinq ans. « Deux ans à Polytech Nantes, puis trois ans en conception mécanique à Polytech Lille». Il réalise son stage dans une start-up qui réinvente l’usage de la baignoire. « L’objectif était de trouver une forme plus ergonomique et de recréer l’expérience de la pluie tropicale pour consommer moins d’eau. C’était une petite boîte. Le patron n’a pas pu m’embaucher, mais je n’étais pas prêt à signer un contrat. Je me pose beaucoup de questions sur mon avenir. Ce projet, je le trouvais intéressant sur un plan environnemental, mais ce n’est pas toujours facile de savoir si l’écologie est un prétexte à un business ou si c’est une motivation profonde. »
La course effrénée à la consommation, le toujours plus, ce n’est pas sa vision. « J’ai très envie de trouver comment me rendre utile, mais pas n’importe comment. J’ai eu peur à la fin de mes études de m’installer dans un emploi, dans un système qu’il serait difficile de quitter. Durant les études, on ne nous apprend pas à nous poser les vraies questions sur le sens qu’on veut donner à notre vie. » Valentin, bien qu’il en ait la possibilité, ne veut pas devenir ingénieur dans l’immédiat. « C’est perturbant, d’autant que la majorité des copains de ma promo ont tout de suite signé un CDI. J’ai eu du mal à accepter. L’instabilité est aussi une préoccupation pour les parents. J’ai rencontré quelqu’un qui m’a aidé à accepter cette situation. Ça m’a fait beaucoup de bien d’avoir cette culpabilité en moins. »
Pour mettre les idées au clair, rien de tel que le voyage, dénicher dans l’ailleurs le miroir qui aide à faire ses choix. Pendant deux mois, il part avec un copain de promo faire le tour d’Europe. En auto-stop bien entendu. « Quand l’aspect matériel se limite à un sac à dos et une tente, ton mental est disponible pour la rencontre et l’aventure. » Il précise sa réflexion. « La sobriété et la rareté donnent leur valeur à beaucoup de choses : le morceau de pain quand tu as faim, la douche au bout de sept jours, la personne qui te monte après des heures d’attente. » Il a été marqué par ses rencontres, notamment en Macédoine. « C’est un pays bien moins riche que la France, les gens doivent beaucoup travailler pour s’en sortir. Et pourtant, ça leur semblait complètement naturel de nous ouvrir la porte, de partager avec nous. Ils n’ont pas grand-chose et ils donneraient tout. Ça interpelle, non ? »
Fort de cette expérience, Valentin prévoit reprendre le sac et lever le pouce direction l’Afrique cette fois-ci. « Mon expérience du tour d’Europe m’a donné confiance dans le fait qu’il est possible de voyager sans frais de transport, ni frais d’hébergement. » Sa feuille de route laisse place à l’aventure, même si l’itinéraire est dessiné dans son esprit. « Je rejoins le détroit de Gibraltar pour faire du bateau-stop jusqu’au Maroc où je prévois rester deux mois tant on m’a dit du bien de ce pays. Ensuite, direction la Mauritanie (un mois) pour rejoindre la Gambie, le Sénégal. De là, j’aimerais aller au Cameroun en bateau-stop. Le must pour moi serait de descendre vers le désert de Namib. » Des projets et autant de questions. « Je ne sais pas comment je vais réagir à tout ça, l’aventure en solo, l’éloignement de la famille et des amis… »
Il n’a pas le sentiment de fuir quoi que ce soit, il veut juste vivre de nouvelles expériences. « Je souhaite rencontrer d’autres cultures, des modes de vie différents qui laissent place à davantage de solidarité. » Valentin veut aussi mettre son savoir à profit. « J’ai découvert le programme Low-tech Explorer de l’association Low-Tech Lab (en réponse à la High Tech). L’idée, c’est de dénicher des initiatives ingénieuses faciles à mettre en place, respectueuses de l’humain et de l’environnement et qui permettent de répondre à des besoins vitaux (comme la dessalaison de l’eau de mer pour en faire de l’eau potable par exemple). Le but est de documenter ces initiatives sous forme de tutoriel, qui sera déposé sur une banque de données, accessible à tout le monde. Si mes connaissances permettent d’aider à la réalisation de projets, ce sera génial. Ça donne un vrai sens à mon projet. »
Autant dire que ces vingt minutes partagées sur l’autoroute avec Valentin sont trop courtes… Peut-être qu’un prochain voyage nous donnera l’occasion de débriefer le périple africain ?
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