Il a passé la moitié de son existence dans le Vercors, loin de sa Touraine natale, proche de la nature qu’il observe attentivement depuis toujours. A Chaillé, c’est la Maison des libellules qui lui donne l’occasion de multiples rencontres. Son métier, c’est de traduire en langage compréhensible tous les petits signaux de la nature. Son objectif, c’est de témoigner par l’exemple concret, porteur d’espoir, loin des discours ronflants.
Fils de vigneron à Saint-Nicolas-de-Bourgueil, il grandit au milieu des éléments naturels. « Tout ce qui bouge aiguise mes sens, mon regard : les oiseaux, les insectes… Mon grand-père, chasseur, me montrait aussi les travers d’autres chasseurs, ou quand j’allais à la pêche, je voyais des gens arriver avec les filets… ». Une sensibilisation précoce qui se renforcera par diverses rencontres. Sa curiosité lui confère tout jeune une âme de géologue, voire de paléontologue. « Je ramassais des fossiles dans les champs sans savoir ce que c’était. Puis un jour, je suis tombé sur un livre qui me disait que mes fossiles étaient marins, qu’ils remontaient à plus de 80 millions d’années. » Un véritable déclic.
Une voie scientifique semblait toute trouvée pour son orientation, mais la raison familiale et l’orientation scolaire l’emportent sur sa passion. « Je me suis retrouvé en BEP électrotechnique, par dépit. J’ai passé alors un BAFA pour devenir animateur, j’étais plus à l’aise avec un groupe de jeunes qu’avec un tournevis. » Jeune animateur, il aime emmener les enfants chercher des dents de requins dans les carrières de faluns.
Jean-Yves exprime sa sensibilité aussi par les arts graphiques. Au retour de son service militaire, il s’engage auprès d’une association, L’œuvre Universitaire du Loiret, qui lui fera traverser la France des Alpes à la Bretagne, en passant par le Massif Central. « C’est grâce à cette association que j’ai pu m’installer dans le Vercors où j’ai tout fait : animateur, adjoint de direction, initiateur au ski, chauffeur de bus… C’est là que j’ai suivi ma formation d’interprète nature, un concept canadien qui met en œuvre tout un process autour des émotions. Faire une aquarelle en pleine nature, c’est faire un affût sans le savoir, avec les petites bestioles qui s’invitent. C’est comme une expo qui peut trouver sa place à l’extérieur, pour capter un public qui ne se déplacerait pas dans une salle. »
Les cordes de son arc sont si nombreuses qu’il est en capacité de répondre à beaucoup de missions sous différents statuts. « J’ai travaillé dans un CPIE (Centre Permanent Initiative Environnement), accueilli des classes découvertes, des centres de loisirs. » Il travaille tantôt avec une ville (Fontaines près de Grenoble), tantôt avec le département (Isère) pour donner un coup de main à la gestion des ENS (Espaces Naturels Sensibles). Sa polyvalence fait qu’on le consulte pour d’importants projets. « J’ai collaboré à un site unique dédié à la géologie sur le Vercors à Rencurel, site qui a une reconnaissance scientifique internationale. » Il peut intervenir un jour en qualité de bureau d’études et faire la semaine suivante une animation autour de la préhistoire.
La pandémie, l’éloignement des parents et un souci de voisinage ont fini par avoir raison de ce bail alpin de 28 ans. « Avec ma compagne, nous voulions retrouver un élément aussi fort que la montagne : l’océan. Nous sommes arrivés en Vendée que je connaissais par les vacances et différents séjours que j’avais animés. J’ai aussi de la famille ici ; mes parents ne sont pas très loin. » Depuis juin 2021, il intervient en qualité d’interprète nature à la Maison des libellules. « Ce site est réputé pour connaître une forte émergence de libellules d’espèces différentes, mais depuis quelques années, on est confronté à la prédation des écrevisses de Louisiane. Différentes actions sont réalisées pour limiter les impacts. La Maison des libellules existe depuis 2006. »
Pas de quoi décourager cet épris de nature qui garde espoir. « À travers la paléontologie qui me passionne toujours, je peux affirmer que la nature se débrouillait très bien toute seule, avant que l’humain n’apparaisse. L’inverse n’est pas vrai : l’homme est dépendant de son environnement. Les exemples récents en témoignent. » Il observe une vraie prise de conscience. « On voudrait tous que ça aille plus vite, mais sur une génération, c’est déjà assez spectaculaire. » Les actions individuelles ne suffisent pas. « La prise de conscience doit être politique, au-delà des partis. » Il n’oppose pas la nature aux humains , au contraire. « Il y a encore beaucoup à découvrir sur l’humain. On voit bien que la solution n’est ni chimique, ni technologique. Ce qui ne m’empêche pas d’être admiratif d’un certain nombre d’avancées technologiques. Les hommes préhistoriques ont eu à affronter différents périls et ils ont réussi étonnamment. Il faut retrouver une sorte de bon sens. »
Jean-Yves est intarissable. « Sans passion, la vie manque de piment, mais il faut veiller à l’équilibre familial. Mes parents disaient à l’époque : ça va lui passer. Je crois que c’est pire aujourd’hui. » Ses observations actuelles, il les fait davantage par le prisme de l’histoire que par la seule esthétique. « Face à l’échelle du temps, depuis le big-bang à aujourd’hui, l’avènement de l’homme est tout récent et il a déjà mis le pied sur la lune. » Il continue à s’émerveiller des progrès tout en étant interrogatif sur une forme d’emballement. « Est-ce que la technologie n’est pas trop envahissante sur notre quotidien ? La 5G est-elle vraiment indispensable ? Pourquoi toujours plus vite ? »
Évoquer le monde futur avec le métavers le rend plus perplexe. « Est-ce que le bonheur artificiel compensera nos problématiques psychiques bien réelles? J’en doute. Il y a un paquet de questionnements derrière. La nature nous questionne aussi sur notre façon de vivre… Est-ce que vivre, c’est consommer ? » Lui croit davantage à la solidarité, à l’écoute, au collectif. « Derrière l’exode citadin et le retour à la campagne, il y a une recherche d’apaisement, de sécurité. On a vu pendant le Covid ce que génèrent les angoisses avec une France séparée en deux clans et des comportements à la limite de la folie. C’est symptomatique de ce que génère la peur. » Et Jean-Yves de conclure: « Il ne faut pas attendre la réponse d’un super héros ou de l’homme providentiel. A nous de nous prendre en main, tous ensemble. »
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