Jamais Delphine n’avait imaginé devenir cuisinière pour une communauté religieuse. Elle qui s’orientait vers le soin en EHPAD a su un jour profiter d’une opportunité. Et ce nouveau métier pour lequel elle n’a pas eu de formation spécifique la ravit.

Originaire de Saint André Goule d’Oie, Delphine a 18 ans lorsqu’avec son BEPA en économie familiale, sanitaire et social, elle cherche un travail en maison de retraite après avoir fait plusieurs stages. « À la différence d’aujourd’hui, il y avait beaucoup de candidates à l’époque. Je n’ai pas réussi à trouver autour de chez moi. Puis un jour, j’ai appris que le boulanger cherchait une porteuse de pain. Je n’y avais pas particulièrement pensé mais je me suis dit : pourquoi pas ? J’y suis restée 5 ans jusqu’à ce que la boulangerie ferme ». C’est le début d’une série de petits boulots et de remplacements : aide-ménagère, calibrage de pommes… « Un jour j’apprends par la radio que l’entreprise de blanchisserie de Chavagnes recrutait suite à l’incendie d’une unité à Nantes. J’ai fait une demande ; le lendemain j’embauchais ».

Maman de deux jeunes enfants, elle sollicitera par la suite un congé parental. « J’étais trop bien avec eux ; je ne me voyais pas retourner à l’usine. J’ai démissionné et j’ai fait des gardes d’enfants ». Quand ses deux garçons ont grandi, elle se repose la question de travailler à nouveau en maison de retraite. « J’ai refait le tour des établissements du secteur, puis aux Brouzils, j’ai eu l’idée de demander à voir le responsable des embauches à la communauté des sœurs. Il n’avait pas de poste en soins, mais peut-être en cuisine. Il m’a rappelé quelques mois plus tard pour un poste en restauration. J’ai accepté malgré mon appréhension car je n’avais pas appris ce métier, encore moins en restauration collective ». Delphine débute par le service avec un petit coup de main en cuisine pour faire les entrées. « Au départ, je faisais peu d’heures, en soirée… Puis on a pensé à moi pour le remplacement d’une cuisinière qui partait : je me suis dit, allez, je me lance ». Quinze ans plus tard, elle ne s’imagine pas faire autre chose.

Travailler pour servir des religieuses lui plaît bien. « J’ai même retrouvé une sœur qui m’avait fait l’école. Le jour où elle m’a glissé un compliment, je lui ai dit que j’avais été à bonne école ! ». Comme dans chaque établissement de ce type, il peu y avoir quelques situations à gérer. « Dans l’ensemble, elles sont adorables. Pour la plupart, elles sont originaires de la région. Elles restent simples ; l’ambiance est familiale ». 

La pandémie a pourtant mis son grain de sable dans une organisation bien rodée. « Il fallait faire plateau par plateau en respectant les régimes individuels. C’était compliqué. Déjà le contexte était angoissant ». L’établissement a plutôt été épargné jusqu’à il y a 15 jours. « Une vague a touché plus de la moitié des sœurs. Il a fallu reconfiner à nouveau. C’est éprouvant physiquement et assez stressant ».

A la lumière de ce qui se passe sur le plan international, Delphine relativise les restrictions liées à la pandémie. « Finalement, les autorisations de sortie c’était de la rigolade à côté de ce que l’on voit aujourd’hui. La guerre, ça fait peur. Je ne peux pas m’empêcher de regarder la télé, même si c’est angoissant ». La situation ukrainienne l’attriste. « Avec mon mari, nous avons décidé d’envoyer nos vêtements d’hiver peu utilisés par solidarité ».

Son équilibre, elle le trouve grâce à la marche. « Avec des copines, nous marchons au moins une fois par semaine. Ça papote, tout fonctionne ! Et tous les sujets y passent. Ça fait du bien ». Il y a quelques années encore elle pratiquait la danse country. « Je suis passionnée par la danse, et nous étions une trentaine à nous retrouver tous les vendredis soir à Chavagnes. Un bon défoulement pour terminer la semaine ».

Le plus précieux à ses yeux reste sa famille. « Mon mari est chauffeur livreur à son compte ; nos deux garçons habitent la commune voisine de la Rabatelière. Ils passent souvent à la maison ». Le réconfort, elle le trouve aussi auprès de la communauté où elle travaille. « J’ai subi, il y a quelques années, une intervention assez délicate. J’ai appris par la suite que les sœurs avaient une pensée particulière pour moi le jour où je suis rentrée à l’hôpital. Ça m’a touchée. L’éducation que j’ai reçue rejoint leur croyance. J’en suis très respectueuse ».

Elle compte poursuivre jusqu’à sa retraite. « Ce sera le métier que j’aurai exercé le plus longtemps. Pas celui que j’ai appris. Avec le recul, je suis vraiment heureuse d’avoir fait ce choix, il y a 17 ans déjà ».