Son prénom est un dérivé d’un mot latin qui signifie fleurs : Florent. Faut-il aller chercher ailleurs sa passion ? Pas certain. Ce métier exercé majoritairement par des femmes est pour lui une évidence. Il éprouve le besoin de partager et de s’engager auprès des autres fleuristes, mais aussi pour des causes caritatives. Un mélange de contemplation et d’actions… un bouquet d’émotions en somme.

Hormis son prénom, rien ne semblait le prédestiner à la fleur. « Peut-être parce que fils d’agriculteur, j’observais beaucoup ce qui se passait dehors ? ». C’est à la sortie du collège que son choix devient une certitude. « La vie de la fleur depuis qu’elle est bouton, qui s’épanouit, cela m’émerveille. Le cycle, la saisonnalité, les couleurs… Je suis entré à la Louisière aux Herbiers en 1996 pour passer un CAP, puis à Saintes pour le brevet professionnel. J’ai fait mon apprentissage à Saint-Gilles Croix de Vie et Belleville sur Vie». Le milieu est marqué par la suprématie des femmes. « Nous étions 2 garçons pour une vingtaine de filles dans la classe. C’est le ratio qu’on retrouve chez les fleuristes ». Il revendique l’appellation ‘artisan’. « Celui qui possède un savoir-faire qu’il a appris, qu’il exerce et qu’il transmet. Je suis simplement un artisan qui vend le fruit de ses créations ».

Florent hésita un temps entre deux métiers. « Le service à table me tentait. J’aime beaucoup les restaurants où on est bien servi, de façon très classe. J’y accorde autant d’attention qu’à ce qu’il y a dans l’assiette. Le problème était double : il fallait faire un an de cuisine ; hors de question. Et je n’aime pas me salir les mains. Avec les fleurs, on peut se tâcher, on fait beaucoup de saletés, mais on ne se salit pas ».

Cela fait 17 ans qu’avec Nadège ils ont repris la boutique de fleurs saint laurentaise. « Nous sommes co-gérants. Seul, je n’aurais pas su faire. Nous nous sommes rencontrés sur les bancs de l’école à Saintes ; nous étions très complémentaires ». Le duo a été marié durant une dizaine d’années. « Cela n’a pas empêché de poursuivre notre aventure professionnelle commune. J’ai cette chance d’avoir eu une épouse et toujours associée qui a respecté mes choix et certaines évidences ». Elle est aujourd’hui ma meilleure amie.

Florent est impliqué depuis longtemps au service de la profession. « Mes parents ont toujours baigné dans le bénévolat, avec de nombreuses responsabilités et m’ont probablement transmis cette attention aux autres, un véritable modèle ». Porter la voix des collègues lui plaît. « Je suis plutôt solitaire de nature, mais je suis convaincu de l’intérêt collectif ». Les fleuristes qui exercent souvent seuls apprécient. « Nous avons créé en 2014 ‘les fleuristes de Vendée’ une chambre qui regroupe la moitié des fleuristes du département ». Il accèdera à des responsabilités régionales, puis nationales en devenant président de la Fédération Française des Artisans Fleuristes pour un mandat de deux ans, de 2019 à juin 2021. En pleine crise du Covid.

Cette période a au moins eu le mérite de bousculer le travail récurrent du passé. « Là, il y avait un vrai défi : continuer à porter les professionnels, les encourager malgré les fermetures liées aux confinements. Paradoxalement, cette période compliquée nous a permis de mesurer l’attachement des consommateurs à notre profession. Nous en avons profité pour renforcer la notoriété des fleuristes. C’est toujours chez le fleuriste qu’on vient demander un renseignement, la porte est toujours ouverte ! Le Ministère de l’Economie a publié un document avec en couverture la photo d’un fleuriste ; du jamais vu jusqu’alors ». Florent met ses qualités personnelles au service de son mandat. « Je ne force jamais les choses ; par contre je suis déterminé et très décidé tout en respectant les gens. Je m’attache à ce que personne ne perde, c’est la clé de réussite de toute négociation… Voilà comment on a construit la défense des fleuristes pendant ces quelques mois, et je suis fier du résultat ».  Florent le provincial, fleuriste de taille moyenne, en milieu rural, normal en somme, devenait président national. « Toute une profession pouvait alors s’identifier, se reconnaître et adhérer. Rien ne me prédestinait à ce poste, et pourtant petit, j’ai toujours rêvé de ‘monter’ à Paris, prendre un train le matin avec mon joli costume et ma sacoche, j’ai accompli un rêve d’enfant, la volonté est une force ».

Sa fonction l’a amené à franchir à plusieurs reprises le perron de l’Elysée. « C’est un privilège. Entrer pour la première fois dans la Cour d’Honneur c’est impressionnant, le sommet de l’Etat, le symbole, le cérémonial ». Ses rencontres avec le Président de la République demeurent des bons souvenirs. « Indépendamment des considérations politiques, il est charismatique et très accessible, surprenant même dans la connaissance qu’il a au sujet du végétal, un domaine pourtant très particulier ».

Avec un collègue situé à Beaupreau, Florent a créé l’été dernier une nouvelle association « Artisans Fleuristes Solidaires » dont l’objet est de soutenir des actions caritatives. « Nous sommes un certain nombre de fleuristes à avoir été touchés par l’attachement de nos clients lors de la crise. Ils sont venus acheter juste avant le confinement, pour nous soutenir sachant qu’on allait fermer, et dès la réouverture. Notre façon de renvoyer l’ascenseur est de prolonger cette entraide sous forme de solidarité : les restos du Cœur en ce moment, le Téléthon en début d’année, le Ruban Rose en octobre. En six mois, nous sommes une centaine d’adhérents et nous avons reversé un joli pactole de 7000€ à ces différentes causes ».

Une solidarité à l’épreuve d’un monde économique en mutation. « Les coûts qui s’envolent et la main d’œuvre qualifiée qui devient une denrée rare. Vers où va notre modèle économique que l’on connaît depuis 30 ans ? ». Lui-même a quelques scrupules à répercuter cette inflation sur le prix de ses fleurs. « Je suis aussi un consommateur qui comprend les limites du pouvoir d’achat ». Sans surprise, il est ardent défenseur du petit commerce. « La grande distribution essaie d’adopter les codes du commerce artisanal. Attention à ne pas s’y tromper et à rester conscient de sa façon de consommer ».

Optimiste de nature, il écoute les actualités avec un certain recul. « Ces périodes difficiles rappellent des moments sombres connus par les générations d’avant ». Il suit les informations avec parcimonie. « Je vais chercher les infos sur différents canaux plutôt que les laisser venir à moi ». Son havre de paix, c’est le silence, propice à la lecture. « Cela tourne autour de mon métier, mais pas seulement. Je lis quelques romans, plus souvent des biographies ou des histoires de vies. J’aime rester tranquille, sans agitation ou de bruit autour de moi ». Il profite des enfants, jardine modérément, ne bricole pas. « Je suis même très gauche avec un outil ». 

La naissance de ses filles demeure le moment le plus marquant à ses yeux. « J’ai trois filles. La naissance d’un enfant c’est magique. Notamment la première fois où tu deviens papa, ce n’est pas rien. Ce sont des responsabilités, des inquiétudes parfois ». Sur un plan professionnel, il gardera longtemps le souvenir de son élection à la présidence de la fédération des artisans fleuristes. « Je pense avoir fait consensus et cela m’a permis de découvrir beaucoup de choses ». Il projette l’ouverture d’une nouvelle boutique. « La fleuriste de Cerizay m’a appelé quand j’étais président. Nous ouvrons début mai ».

Florent aime les mots, ceux enluminés par Joëlle Perrois. « Je me souviens de cette phrase : L’homme est la fleur de la terre. Une citation magnifique qui m’anime au quotidien ».