Le foot c’est toute sa vie : version compétition, version éducation. Ancienne gardienne de l’équipe de France féminine, Sandrine est aujourd’hui coordinatrice de la section féminine au FCOC (Olonne et Château d’Olonne). Elle n’ignore pas les dérives du foot business, mais elle croit encore aux vertus de ce sport collectif qui a de plus en plus la côte chez les jeunes filles.

Originaire de Lille, elle tapait la balle avec ses 2 cousines. « À 3 ans, je prenais le ballon. C’était encore assez inédit pour les filles ». Devenue maman à l’âge de 16 ans et demi, Sandrine, en accord avec ses parents, se consacre pleinement à sa passion sportive. « J’avais la chance d’avoir mes parents qui ont élevé ma fille, un choix fait ensemble. A 17 ans et demi, j’intégrais le club de Hénin-Beaumont avec 5 entraînements hebdomadaires, et 1h30 de trajet aller/retour. On faisait la route à plusieurs joueuses de Lille ». Cinq ans plus tard, elle a l’opportunité de signer à Juvisy, un des clubs les plus en vue en France. « J’avais mon travail à côté en tant que secrétaire au sein de l’Éducation Nationale. J’avais obtenu une mutation sur Versailles. Là, c’était 3 heures de route, et l’entraînement se terminait à 23 heures ».  Une vocation à part entière.

Elle joue à Hénin-Beaumont lorsqu’Elisabeth Loisel, sélectionneuse de l’Equipe de France, l’appelle à 8 heures du soir chez ses parents. « J’ai cru à une blague ». Sa sélection lui est confirmée par courrier. « Il a fallu que je m’organise très vite ». Sandrine parle de son premier rendez-vous international avec une pointe d’émotion toujours présente 30 ans plus tard. « J’ai pris un but de Carolina Morace, la meilleure joueuse du monde à l’époque ; un extérieur du pied droit au premier poteau. Je me souviens avoir pleuré. Malgré la défaite, ça reste mon souvenir le plus marquant ».

Elle portera le maillot tricolore jusqu’à l’âge de 36 ans avec une parenthèse d’à peine 3 ans. « J’ai été rappelée pour la coupe du monde cette fois-ci, aux USA, juste après cette coupure où je pensais que ma carrière internationale était finie ». Nenni ; Sandrine est peut-être même au sommet de sa forme ? « Avec Juvisy on a été championnes de France à cinq reprises, et donc sélectionnées pour la coupe d’Europe. Mes meilleures années. Je ne pouvais rêver mieux que cette coupe du monde au pays du soccer féminin ».

La coupe du monde féminine 2019 a marqué les esprits et elle a fait des émules chez les jeunes filles. « On a découvert une très belle ambiance, avec des sourires, très différente de celle des matchs masculins. On est allé à Rennes voir un match avec le club, un super souvenir pour les filles ». Une différence d’ambiance qu’elle considère toute aussi flagrante au plan local. « Les mamans sont dans l’encouragement ; les papas dans le reproche ». L’image du football féminin souffre encore d’une certaine déconsidération. « Il faut se bagarrer pour exister. C’est un blason qu’il faut régulièrement redorer ».

Après avoir entraîné l’équipe B de Juvisy puis celle d’Etampes, voici 4 ans que Sandrine est arrivée au Pays des Olonnes. « Fabrice Houlé m’a contactée par une relation familiale. Il m’a proposé d’être à la tête de la section féminine. Son projet de promouvoir le foot féminin m’a vraiment plu ». Elle et sa femme connaissent la Vendée. « On a vendu notre maison d’Etampes pour venir ici toutes les 2 avec notre fille de 8 ans ». 

Depuis l’arrivée de Sandrine, le club a connu un essor fulgurant. « Deux équipes au départ, sept aujourd’hui, soit une centaine de joueuses, venant de Vairé, Sainte Foy, Talmont et bien sûr des Sables. L’objectif était bien de densifier tous les niveaux et pas seulement tout miser sur une équipe senior. Je suis heureuse de voir des joueuses sortir au haut niveau, comme je suis contente de voir les deux équipes de U11 qui jouent pour le plaisir. Nous arrivons à composer avec tout le monde ; c’est le projet pour lequel on m’a fait confiance à 100% ».

Son regard sur le foot de haut niveau est aujourd’hui plus circonstancié. « Dès qu’il y a une brèche, les réseaux s’engouffrent comme récemment avec Corine Diacre. J’ai joué avec ; je connais son caractère. A notre époque, l’Equipe de France c’était très strict, très carré. Il y a peut-être un conflit de générations ? Il y a surtout des gens aux aguets pour détruire plutôt que construire alors qu’il y a tant à faire ». Elle préfère rester à l’écart, et même complètement à distance lorsqu’il s’agit du foot masculin. « C’est le grand écart à tous les niveaux, entre ce qui se passe dans le monde et les millions de cette élite. Les différences sont énormes entre la ligue 1 et la ligue 2. Je me demande ce qu’ils éprouvent à gagner autant d’argent. Ils pourraient au moins arrêter de se rouler par terre… ». La comparaison avec le foot féminin est encore plus contrastée. « Quand j’ai terminé en 2007, je gagnais 200€ par déplacement… Je me souviens qu’au début de ma sélection, ce que je recevais payait tout juste mon téléphone à Clairefontaine » s’amuse-t-elle.

Le football retrouve ses vertus à l’échelon local. Il tient lieu de défouloir, constitue une parenthèse au tout écran. « Ça me fait du bien de voir les enfants prendre du plaisir comme ça ». Un constat qui doit interroger les parents. « Le bon fonctionnement du club tient avec l’engagement des parents. Je les réunis en début de saison pour leur dire ce que j’attends d’eux. Tous les encadrants n’osent pas et certains clubs connaissent des difficultés avec le bénévolat, en particulier depuis le Covid ; c’est préoccupant ». Sur le terrain, les règles de distanciation ont permis de travailler différemment. « La priorité ça reste l’enfant et le ballon ».

La situation internationale la préoccupe. « Ma fille de 8 ans est rentrée de l’école en me disant que c’était la guerre : est-ce qu’ils vont nous taper ? J’essaie de la rassurer sans savoir ce qui nous attend. Déjà le Covid avait été anxiogène pour elle ; elle n’ose même plus embrasser ses grands-parents ». Les éducatrices sportives sont parfois une deuxième maman. « On est là pour leur apporter du bien-être ». Les répercutions économiques du conflit russe l’inquiètent. « Que vont devenir les gens qui ont déjà du mal à boucler un budget ? ». Autant de situations qui génèrent des tensions. « En région parisienne les gens étaient plus agressifs et cette tension gagne aussi les gens d’ici. Il y a plus de méfiance aujourd’hui qu’il y a seulement 4 ans quand je suis arrivée. Heureusement il y a le football avec les éclats de rire des enfants et le sourire des parents ».

Pas surprenant alors que Sandrine conclue en faisant du prosélytisme pour le sport au féminin. « Si votre fille a envie de faire du foot, laissez-la faire. Comme un garçon qui veut faire de la danse ».