L’acte fondateur de cette aventure est scellé par trois copains biologistes, dans un troquet nantais à la fin des années 90. Olivier Boisteau convainc ses futurs associés autour d’une préoccupation majeure : améliorer la santé des gens. Une bonne dose d’insouciance, un business plan approximatif, un marché pas encore mature… rien n’empêchera le développement spectaculaire de ce fleuron de la biotechnologie. Vingt ans plus tard, le groupe jouit d’une renommée internationale en étant le creuset des futures thérapies. Une expérience entrepreneuriale et humaine sur laquelle s’appuiera Olivier pour éveiller demain les consciences, contribuant, à sa façon, à relever les défis sociétaux et environnementaux.
Collégien un poil rebelle, il ne trouve d’autre voie qu’un BEP d’agent de laboratoire pour approcher une discipline qui le fascine : la biologie. « Ma rébellion est venue assez tôt, ma prise de conscience pour travailler aussi. J’ai vite compris que je n’avais pas l’intention d’avoir un chef au-dessus moi, et j’avais cette chance de m’intéresser à ce monde de l’infiniment petit, vivant de surcroît, une science non exacte, évolutive. » Motivé, il revient en filière générale pour décrocher un bac avec mention, passe par un IUT avant d’entreprendre une école à la Sorbonne pour être biologiste en pharmacologie cellulaire. Il travaillera 3 ans à l’Inserm à Nantes avant de faire le service militaire.
Esprit trop libre pour se plier aux arcanes de la recherche, Olivier choisit de mettre la voie entrepreneuriale au service de la biothérapie, innovante et prometteuse. Il embarque dans l’aventure deux amis qui ont bouclé leur thèse de Doctorat. « Notre dossier a séduit l’ANVAR en la personne de Valérie Allain-Dupré. Nous avons concouru sur le plan régional, puis sur le plan national avec Axel Khan comme président du Jury. Dix projets seulement étaient présentés chaque année. Nous avons obtenu un prêt d’honneur, qui nous a permis d’en décrocher un autre auprès de Ouest Entreprendre à Nantes, renforcé d’une formation personnalisée à la gestion d’entreprise sur un an. »
A défaut de pouvoir s’implanter sur Nantes, la jeune pousse d’entreprise trouve son terreau dans la pépinière de Boufféré. « Notre idée, c’était de pouvoir contrôler la non contamination des produits biologiques, relevant de procédés vivants : les anticorps utilisés en oncologie, la thérapie génique, les vaccins… Durant nos études, nous avions mis au point un procédé d’élimination d’une bactérie sournoise, les mycoplasmes, source de nombreuses contaminations. On a élaboré des techniques de détection dont tout le monde a entendu parler aujourd’hui, la Polymérase Chain Réaction (PCR) ; nous en avons développé 400 depuis notre création. » Contrainte de se conformer à la pharmacopée mondiale, Clean Cells propose ses solutions de décontaminations dans le monde entier.
Un pari sacrément fou, peut-être insuffisamment ficelé au départ ? Un marché embryonnaire qui laisse entrapercevoir un gros potentiel. Le trio d’associés s’entoure de compétences, fait appel aux investisseurs privés, souvent des proches. Business Angels et sociétés de participation en capital les rejoignent par la suite. « Le Généthon, laboratoire de l’AFM devient notre premier client. » La mise en marché d’une idée pourtant prometteuse n’est pas sans aléas. « Nous avons fait du négoce de matériel de labo pour compenser des périodes creuses, sans quoi, nous ne serions plus là. » Au plus fort de la crise de 2008, Olivier continue d’investir. « Il y a comme une sorte de détachement qui s’opère, tellement on croit au développement des médicaments biologiques en réponse à une médecine de plus en plus personnalisée. »
Tous les facteurs externes, indispensables, ne seraient rien sans les ressources internes. Une conviction profonde à laquelle Olivier ne sait pas déroger. « Je mets toute mon énergie là-dessus parce que depuis toujours, je sais que c’est ce qui va faire la réussite de notre projet, un projet partagé où chaque employé s’épanouit à sa place, avec sa personnalité. » Tout n’est pas toujours rose pour autant ; cela n’altère pas cette quasi obsession du dirigeant. « J’ai connu quelques désillusions avec des gens manipulateurs, mais c’est très en-dessous l’apport des nombreuses réussites ». On le regarde avec des yeux grands comme ça quand il évoque sa stratégie. « Les objectifs de l’entreprise ne peuvent pas être des objectifs chiffrés ; les chiffres ne sont que la conséquence. La performance de l’entreprise est là parce qu’on n’a pas mis les résultats chiffrés en priorité. » Une alchimie qui ne doit rien au hasard. « Donner du sens à un projet collectif, soit. Trouver un sens personnel pour chaque individu dans ce projet collectif, c’est déjà plus complexe. » Une philosophie d’entreprise qui répond à des convictions profondes chez Olivier qui s’entoure d’un cabinet RH. « Je n’ai pas le côté très organisé d’un manager directif, plutôt un profil leader. L’entreprise a la chance de compter de très bons managers en son sein. »
Tout s’aligne : l’arrivée de nouveaux investisseurs, les forces internes, la croissance avec entre autres la phagothérapie. « Si on ne fait rien pour trouver une alternative aux antibiotiques, en 2050 les infections bactériennes tueront plus que les cancers ; l’OMS est formelle. » La croissance externe est un autre levier de développement. « Naobios basée à Nantes est spécialisée dans la production de vaccins et vecteurs viraux, de virus oncolytiques. Nous avons acheté une autre société, basée à Laval au Québec, qui complète notre offre. Ces sociétés partagent aujourd’hui nos valeurs d’entreprise. »
Les plus beaux arbres ne montent pas jusqu’au ciel. Olivier est aujourd’hui à un tournant dans ses engagements professionnels. « J’ai envie que cette entreprise continue avec les gens qui aujourd’hui sont en place. Désormais, je joue un rôle différent depuis que nous avons recruté un nouveau CEO. Le mode de gouvernance n’est jamais figé. En 21 ans, j’ai tout donné. J’ai frôlé le burn-out et me suis mis à nu devant mes équipes pour expliquer les raisons de mon changement de poste. Un dirigeant n’est pas de marbre ». Un emploi du temps allégé permet à Olivier de lever la tête du guidon ; l’occasion de réfléchir à son utilité pour demain.
Membre de l’APM (Association du Progrès par le Management) depuis 2016 au sein d’un club nantais, Olivier est saisi par l’intervention d’un expert, Yannick Roudaut. « Il nous explique en quoi ce monde se casse la gueule. Je n’avais pas conscience à ce point-là. J’ai surtout apprécié sa vision dans la manière de prendre le virage qui nous permettra d’éviter le mur. » Un électrochoc pour celui qui s’interroge sur le rôle à jouer. « Je souhaite raconter mon histoire, ma prise de conscience, à ma façon, avec mes limites, mais surtout avec mes convictions. J’ai été moi-même inspiré par mon oncle qui avait une vision très singulière de l’entreprise. Si chacun comme lui, comme Roudaut, et comme moi j’espère demain, arrivons à faire d’autres émules, la prise de conscience sera elle aussi virale. » La réussite de son entreprise qui compte aujourd’hui 240 salariés ne lui suffit plus. « Je veux me lever le matin pour aider les gens. J’irai voir les entreprises, les organisations publiques, les fondations, là où sont les centres de décisions. » Le trublion n’a pas totalement réglé ses comptes.
Il est alarmiste lorsqu’il évoque les virus qui se cachent sous la calotte glaciaire ou l’organisation du travail dans le monde. « La planète d’une part et les hommes en différents coins du monde ne sont pas respectés ». Sans être bouddhiste, il est sensible aux propos du Dalaï Lama. Biologiste, il respecte les alternatives thérapeutiques naturelles. Des grandes figures de l’histoire l’inspirent. « Gandhi, Martin Luter King, Simone Veil, les Obama. L’autre influence majeure pour moi, c’est ma femme. »
Lui qui a tout donné à son entreprise depuis 21 ans est formel. « Le plus important, c’est de trouver son équilibre de vie. Aucune croyance ne doit entraver cette quête. Beaucoup de jeunes sont animés par ça. C’est rassurant. »
Laisser un commentaire