Depuis la disparition de sa maman il y a 9 mois, Naéva -16 ans- vit seule, ou presque. Elle n’a ni frère ni sœur, correspond avec son papa seulement par téléphone ou par messagerie. Elle a laissé une grosse énergie dans le combat qu’elle a livré avec sa maman durant les neuf mois de sa maladie. Aujourd’hui, elle est un peu épuisée. Son placement en foyer, du fait qu’elle est mineure, restreint cette liberté qu’elle apprécie tant. Elle a de la ressource…et une sacrée maturité.

L’air du large, elle le respire profondément depuis son enfance. « Le tour de l’Ile, les balades au port de la Meule avec ma mère, la pointe du But avec les copains, le brise-lames sur le port… ». Elle vit seule avec sa maman depuis l’âge de 6 ans ; ses parents ont divorcé. « Elle tenait Tatie Bichon, un commerce bien connu sur le port qu’elle avait acheté il y a 13 ans. Elle travaillait beaucoup ; du coup j’avais beaucoup de liberté, comme beaucoup de jeunes sur l’Ile. Je m’occupais aussi beaucoup de la maison. J’ai été autonome très jeune ».

Une maman avec qui Naéva voyage beaucoup. « J’avais 2 ans et demi pour mon premier voyage. C’était au Sénégal avec encore toute la famille à l’époque. Ensuite j’ai beaucoup voyagé avec ma mère, sac à dos, en mode ‘roots’. On partait l’après-midi sans savoir où nous couchions le soir. Ça m’a clairement donné le goût de l’aventure. Nous sommes allées huit fois en Thaïlande. Sinon, le Mexique, la Maroc, le Cambodge et le Laos, Dubaï… ». Elle n’est pas partie depuis 2 ans. « Ça me manque ; j’aimerais aller au Canada ou au Japon. Je suis intriguée par cette culture, le respect porté aux maîtres artisans… ». 

Une enfance heureuse, brisée par la disparition de sa maman à l’âge de 45 ans. « Elle a été malade neuf mois. On lui a découvert un cancer du sein, métastasé sur les os. Elle est partie le 2 mai ». L’anéantissement de Naéva n’étouffe pas totalement ses ressources profondes. « J’ai organisé une cagnotte pour ses obsèques que je suis allée remettre à la Ligue contre le cancer. J’ai échangé avec la responsable, Agnès, pour voir dans quelle mesure une antenne de la Ligue pourrait être montée sur l’Ile d’Yeu. Des activités de bien-être, des suivis psychologiques, tout ce que la Ligue sait faire ». Étant peu sur place, Naéva est épaulée par Martine Coustillères. « Elle est à fond dans le projet ». La générosité est dans sa nature. « Je me suis également engagée à l’Unicef et je suis coutumière des petites actions au quotidien, offrir un café à un SDF par exemple ».

Elle s’accroche aux études. « Il faut que j’évite à tout prix la voie de la déscolarisation. Je vais bénéficier d’un aménagement scolaire qui réduira mes heures de cours de moitié. J’en ai besoin pour remonter la pente. Plus tard, j’aimerais faire une école d’infirmières plutôt que médecine à laquelle je songeais un peu. Peut-être qu’entre le lycée et les études supérieures, je m’accorderai une année pour voyager ? ». Elle ne redoute pas partir en solo. « J’y vais pour faire des rencontres, découvrir d’autres cultures. Pas pour fuir ; ça ne sert à rien. Quand tu reviens, les problèmes sont toujours là ».

Sous l’amoncellement de difficultés liées à sa situation, elle arrive à se fixer sur des choses positives. « J’ai fait des rencontres formidables : Agnès, Barbara, Benoît, les éducateurs au foyer…On m’a proposé des stages que je n’attendais pas. J’ai accompagné une infirmière libérale en Bretagne, du côté de la forêt de Brocéliande, un labo à Lille sur la recherche clinique ».  Son cercle rapproché est son plus fidèle appui. « J’ai une copine au foyer arrivée un mois après moi et que je connaissais avant ; on est très proches toutes les deux ; on se tire vers le haut, une fois l’une, une fois l’autre ». Naéva est entourée. « Laetitia, la meilleure amie de ma mère m’accueille quand je vais sur l’île car je n’ai pas le droit d’être seule dans ma maison. Il y a Nénette avec qui j’ai un lien très fort ; elle est comme ma grande sœur. Cassandre qui habite Lille, je la considère de ma famille ». Et puis il y a ses chats, dont elle ne peut se séparer. « Je les aime trop ! ».

Elle est attristée de constater le désarroi de beaucoup de personnes en raison de la pandémie. « La vie ne se résume pas au Covid. Je trouve les gens plus stressés, plus anxieux. On en a tous marre, faut pas se le cacher. Mais il faut se raccrocher à des choses plus positives ». Elle savoure les choses simples. « Être avec mes chats, écouter de la musique, du reggae au jazz en passant par la pop. Sortir avec des amies ; acheter un bout de saucisson, même avec des problèmes d’argent. Je vis un peu au jour le jour ».

Être placée en foyer la bride, elle qui peut revendiquer une légitime maturité autant qu’une soif de liberté. « Ce n’est pas facile de se retrouver en foyer avec des horaires de sortie à respecter quand tu as connu plus de libertés. Avec Laetitia, l’amie de ma maman, nous sommes allées devant le juge pour qu’elle soit reconnue famille d’accueil. La semaine, je pourrai aller en internat et le week-end et pendant les vacances chez elle. J’espère qu’au 1er avril prochain, ce sera bon ». Une situation paradoxale pour Naéva, confrontée à des décisions qui relèvent plutôt du monde des adultes. « Les questions liées à la succession, l’argent…plein de choses qu’on ne s’imagine pas quand on a ses parents. Faire des courses…tout est différent ».

Sans vouloir habiter de façon permanente sur l’île d’Yeu, elle reste bien évidemment très attachée à la maison de sa maman. « Je veux la garder absolument ; c’est super significatif et important pour moi. Mais je ne veux pas vivre sur l’île en permanence. J’ai besoin d’élargir mes connaissances, d’avoir des centres d’intérêt plus vastes ».

Pour l’heure, elle se recentre sur elle. « J’essaie de me concentrer sur les choses positives, même si ce n’est pas simple. J’ai des traitements ; j’ai besoin de me reposer. Je vais y aller mollo, mais je sais que je vais remonter la pente ».