Ils ne sont plus qu’une dizaine en France à maîtriser l’art du sabot, cette chaussure de bois ancestrale encore utilisée par les jardiniers. Il n’a pas la souplesse du cuir, mais le bois a aussi ses vertus : il maintient le pied au sec, au chaud et il est solide. Sylvain a démarré comme menuisier ébéniste. L’arrivée d’une machine à sabots dans le musée où il travaillait lui fera prendre ce virage qu’il ne regrette pas aujourd’hui.
C’est un ancien qui lui fait découvrir le procédé. « J’admirais son tour de main. Ce geste s’est révélé être un vrai coup de cœur. J’ai mis le pied dedans, au propre et au figuré. Quand il m’a dit qu’il n’y avait plus que 15 sabotiers en France, je lui ai dit que je voulais être le seizième ». Sylvain sourit encore de cette rencontre imprévue qui a modifié sa voie professionnelle. Il n’y a pas d’école pour cela. « Il faut observer et reproduire les gestes. C’est plus physique qu’il n’y parait ».
Sa clientèle est constituée aussi de danseurs folkloriques, mais ce sont les jardiniers les plus fervents. « C’est facile à mettre et à enlever. Le sabot reste crotté à l’extérieur de la maison. On trouve des sabotiers dans les régions montagneuses et forestières, également en Bretagne, et moi, dans la Sarthe »
Il en fait son activité à temps plein. « Le Covid est venu perturber l’activité aussi chez nous. Je me souviens de l’ancien qui m’a appris le métier ; il m’avait dit : tu as plusieurs cordes à ton arc avec la menuiserie ou l’ébénisterie si tu as un problème à l’avenir. Lors du confinement j’ai fait de la pose de menuiserie. Dès que j’ai pu, j’ai repris le sabot. Je n’ai pas envie de m’arrêter. Peut-être varier un peu avec les galoches en semelles de bois et une lanière de cuir ? Transformer une bûche en chaussure, puis la mettre au pied du client, c’est magique ». Le sabot a connu son heure de gloire après la guerre. « Il était utilisé en orthopédie pour les mutilés ou les combattants qui avaient les pieds abimés ». Indépendamment d’une utilité avérée, creuser le sabot avec ses gouges le passionne toujours. « Garder et transmettre cette tradition me plait ».
La disparition de certains arbres l’inquiète. « Les ormes, les marronniers, les aulnes, les tilleuls et d’autres voient leur nombre diminuer ». Il mène son petit bonhomme de chemin en respectant l’environnement. « Je veille à tout ce qui peut être recyclé. J’ai des amis qui pratiquent la permaculture ; d’autres ont des toilettes sèches ou utilisent les énergies renouvelables. Au moins ça, ça me donne une raison d’espérer ».
Sylvain vit seul. « J’ai perdu ma petite femme dans un accident de voiture il y a cinq ans, un mois avant notre projet d’installation en commun. Elle était anglaise et elle maîtrisait parfaitement le français. Elle était aussi férue de l’histoire de France. Elle n’est plus là, mais j’ai le sentiment que parfois elle donne des petits coups de sabots pour que je me bouge. Il y a comme une petite aura qui me motive ». Cette épreuve a entamé sa Foi. « J’ai grandi dans la religion catholique. Cet accident m’a rendu perplexe ».
Sylvain aime la sylviculture. Tiens donc ! « Tout ce qui touche à la nature me sensibilise. Les animaux, la pêche, le jardin, les promenades… ». Il aime le travail fait dans les règles de l’art. « Oui je préfère les règles de l’art et du beau au dollar et à l’euro ».
Quelle belle personne ce Sylvain. Heureux de voir qu’il refait surface après le drame qu’il a vécu. Très envie de le revoir sur mes fêtes médiévales. Pascal.