Mylène pourrait faire siennes les paroles de Baschung pour sa petite entreprise. « Epanouie elle exhibe des trésors satinés, dorés à souhait ». Son carburant c’est la relation avec les petits anciens à qui elle porte les repas. Son balancier de funambule lui permet d’avancer sereinement, avec la dimension sociale d’un côté, la nécessité de développer son entreprise de l’autre.
A l’issue du lycée, Mylène entreprend un BTS en alternance. « Les études, je trouvais ça dur. Par contre, être à la banque, au contact des clients, ça me plaisait vraiment ». Elle décroche le BTS sans parvenir à transformer l’alternance en CDI. S’en suivent quelques semaines de chômage. « C’était mes vacances que je n’avais pas eues depuis un moment. A 20 ans tu profites. Nous étions plusieurs dans ce cas. Même si la question de l’avenir t’occupe inévitablement l’esprit ». Elle n’a pas eu vraiment le temps de gamberger. « Mon papy qui se faisait livrer les repas a donné mon nom à la livreuse qui l’informait d’un poste à pourvoir, un remplacement. C’est ainsi que je mets le pied à l’étrier, et là, bingo : le relationnel sans les objectifs commerciaux, et un patron qui nous a inculqué des valeurs très respectueuses pour les plus anciens ».
L’entreprise est cédée, reprise par quelqu’un qui avait la même activité sur les Sables. « Je suis allée la voir pour lui faire part de mon envie de prendre plus de responsabilités. Elle m’a accompagnée dans tous les compartiments de l’entreprise, à tel point que je suis devenue rapidement autonome. J’avais les clés pour monter mon affaire à moi en revenant sur la Roche pour ne pas lui faire concurrence. Trop bien ! ».
Là, Mylène doit prendre son bâton de pèlerin pour se constituer une clientèle. « J’ai fait le tour des mairies du coin et de divers prescripteurs, des coiffeuses à domicile, des infirmiers…La décision de se faire livrer des repas n’est pas simple pour les personnes concernées. C’est accepter de se dire : je n’y arrive plus, il faut que je me fasse aider ». Son comptable établit un prévisionnel. « Je m’en sors seule, sans avoir les contraintes d’une franchise. C’est un bel aboutissement qui me rend fière. J’ai franchi toutes les étapes et aujourd’hui je tire mon épingle du jeu ». Elle est heureuse dans ce job. « Les papys mamies me racontent toutes leurs petites histoires. Certains sont isolés, ils ont besoin de parler ». Plus encore en période de confinement.
Sur un plan personnel, Mylène est mariée. « On hésite pour les enfants ; n’est-ce pas un peu égoïste me disait une amie récemment ? Quel monde va-t-on leur laisser ? Il me semble que les gens ne se posaient pas ce genre de questions il y a quelques années ? Pour le moment, ma petite entreprise m’absorbe. C’est un projet partagé pour lequel mon mari m’a toujours encouragée, lui qui est salarié ».
Quand elle a besoin de s’aérer, Mylène chausse les tennis. « Je fais de la course à pied et je suis inscrite dans un club de VTT, 100% féminin. C’est important de prendre du temps pour soi. Mine de rien, une entreprise, c’est quand même un peu de pression. J’ai toujours besoin de trouver des nouveaux clients ».
Son regard sur l’avenir est empreint de perplexité. « Les incertitudes ont pris le dessus dans beaucoup de domaines. Les événements climatiques font peur. C’est sans doute amplifié par les médias ». Elle s’interroge sur sa contribution personnelle à un monde meilleur. « Et même en faisant plus, est-ce que ce serait suffisant ? Il y en a beaucoup qui démissionnent, peu convaincus de l’utilité de leurs actions personnelles. Ça m’inquiète pour les futures générations ».
Elle savoure sa vie. « On se répète souvent avec mon mari qu’on est plutôt chanceux, dans notre petite maison, dans un quartier sympa, pas loin de nos parents ». Elle aime Matt Pokora. « Même si ça me vaut quelques moqueries dans mon entourage ». Elle garde aussi le souvenir précieux de ses grands-parents. « Je pense souvent à eux en exerçant mon métier. Je pense qu’ils sont fiers de moi ».
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