Rien ne prédestinait Sandra à monter sur les tréteaux. Ni sa famille qui n’évolue pas professionnellement en milieu artistique, ni ses dispositions scolaires qui l’ont amenée à un niveau Bac+6. Si ce n’est que cette école qui prépare au master dans la communication et le journalisme a une section théâtre tout aussi réputée. Décisif pour celle qui n’osait pas s’avouer à elle-même que sa voie était le théâtre.
Les souvenirs de la naissance de cette passion sont assez flous pour Sandra. « Je me souviens par contre très bien de l’effet que ça produisait chez moi. La vie puissance 10 000. J’avais 8 ans et je me sentais immensément bien malgré les palpitations avant de monter sur cette scène d’un minuscule théâtre de quartier ». Son père est ostéopathe, sa mère enseignante chercheur en psychologie de l’enfant. « Je n’ai pas eu à me battre contre une quelconque loi parentale ; au contraire ils m’ont soutenue. C’est contre moi-même que j’ai dû me battre. J’ai mis beaucoup de temps à assumer le fait de pouvoir dire publiquement : je veux être comédienne ».
Son parcours étudiant est fluide, elle bénéficie d’un enseignement pluridisciplinaire de haut niveau. « Je ressors d’une grande école avec un master en communication interculturelle. Mais mon meilleur souvenir, c’est d’avoir pu intégrer l’association de théâtre qu’abritait cette école. Il ne restait plus qu’un rôle de fille à pourvoir pour intégrer la troupe. J’étais la plus heureuse du monde de l’avoir décroché ». Des soirées de répétition à pas d’heure. « Curieusement, quand il n’y a pas de fric dans le game, chacun bosse comme un malade mental ». Des festivals étudiants dans toute la France. « Un sacré coup de pouce pour la formation ». Le théâtre passion n’occulte pas les études. « J’ai fait un premier stage chez Télérama. Il m’a offert la possibilité d’assister aux avant-premières, de voir plein de spectacles, d’expos… J’ai énormément appris en tant que spectatrice aussi à cette époque-là, je me suis « remplie ». Mais le contenu du stage était trop administratif à mon goût, trop triste. ». Les rendez-vous avec la troupe restent salvateurs.
Les débuts de la vie professionnelle la confrontent à une réalité à laquelle l’école prépare assez peu. « Le démarrage dans la vie active est un labyrinthe qui mérite d’être éclairé ». Une fois celle-ci lancée, l’intermittence est un soutien. « C’est grâce à elle qu’on peut mettre en place des projets, sans être rémunéré le temps de la création, et ne toucher les cachets qu’une fois les spectacles sur la route ». Ce statut explique à ses yeux la richesse culturelle française, et laisse leur chance aux « plus petits ». « Beaucoup de pays ont une offre moins riche et moins jeune, faute de statut équivalent ».
Pas surprenant que cette jeune maman cite la naissance de son garçon comme l’événement le plus marquant de sa vie. « Ce petit être qui faisait partie de moi il y a quelques secondes, avec qui je me retrouve peau à peau, sans même que je pense à demander si c’est un garçon ou une fille. Il n’y a plus aucune distance. Avec mon compagnon, nous étions sur une autre planète, un moment hors du temps ». Cela suppose une nouvelle organisation familiale. « Mes parents, mes frère et sœur, mes amis m’aident beaucoup. D’autant que les horaires de mon compagnon sont aussi compliqués. On apprend à jongler ».
Son regard sur la société va au gré de ses humeurs. « Quand je vais bien, j’ai l’impression que je ne vois que ce qui est beau. Et inversement. Mais le plus souvent c’est un entremêlement de beautés et de terreurs qui m’inspirent et me poussent à l’action ». L’environnement la préoccupe. La sècheresse de l’offre politique aussi. « Les politiques nationaux ne servent que leurs propres intérêts, c’est à la fois désespérant et révoltant. Je respecte beaucoup plus l’engagement politique local ».
Lorsqu’elle a besoin de se distraire, elle chausse les baskets. « Je vais courir dans le bois de Vincennes, le casque sur les oreilles, et j’écoute des podcasts féministes. Je suis sous le charme de femmes inspirantes qui ont des trajectoires fortes ». C’est pourtant un homme illustre qui lui apporte sa conclusion. « On dit de tel homme que sa physionomie bavarde, affirme Victor Hugo. J’adore cette expression. Moi qui suis souvent dans les transports en commun, j’aime observer les mimiques, reproduire les démarches, enregistrer les voix. Je m’invente des trajectoires, je m’imagine des vies. Ça m’inspire beaucoup au plateau ».
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