Ce jour-là, Pierrick est à la batterie et donne probablement ses derniers coups de baguette. Fils d’une célébrité (Henri Dès) dans le monde francophone, il a longtemps emboîté les pas de son père avec qui il a beaucoup collaboré. « Je n’ai pas pris de raccourcis pour arriver là où j’en suis aujourd’hui ». Il vient de créer avec sa compagne un sanctuaire pour animaux de rente dans les Alpes Suisses.

On entend sa voix sur les premiers disques de son père. « Puis j’ai fait des percussions et à 17 ans, je l’accompagnais à la batterie. Pour autant, ma culture musicale c’est le métal. Il y a un fossé entre les deux ! ». Son groupe punk-musette ‘Explosion de caca’ a cartonné en Suisse avec un ultime concert en 2014 au Paléo Festival. Ils avaient prévu pour ce soir-là différentes surprises parmi lesquelles la venue d’Henri qui a repris 2 de ses tubes façon métal. « Ça a été l’émeute ! les festivaliers étaient déchaînés reprenant en chœur les chansons de leur enfance. En sortie de scène, on s’est dit : il y a quelque chose à faire ». ‘Henri Dès & Ze Grands Gamins’ était lancé.

Est-ce facile d’être l’enfant de quelqu’un de connu ? « Tout petit plutôt sympa, puis à l’adolescence tu te fais un peu moquer. C’est globalement cool d’être le fils d’Henri Dès. Aujourd’hui, ce n’est pas la première chose qui ressort. J’ai fait mon chemin. Ça m’agace un peu quand les médias en font trop par rapport à ça ». Et le chemin de Pierrick le mène depuis 2 ans dans une ferme de 5 hectares où il accueille avec sa compagne Virginia des animaux qui étaient destinés à l’abattoir. « L’idée c’est d’alerter, d’apporter une réflexion. Pourquoi le cochon, qui n’est pas si différent du chien, n’est pas considéré comme lui, si ce n’est pour des raisons économiques ? Nous accueillons 40 animaux, des espèces destinées à la boucherie, à qui on va offrir une vie au plus proche de leurs besoins fondamentaux. Des gens viennent nous aider ou simplement passer un bon moment au milieu des animaux ; d’autres nous soutiennent financièrement. Nous commençons à voir des éleveurs qui apportent des animaux auxquels ils sont attachés ».

Ces éleveurs étaient pourtant sceptiques au moment de la création du sanctuaire (d’autres le demeurent). « Certains sont coincés dans le système. Je connais une femme en Suisse allemande qui a aidé à la reconversion de plus de 50 exploitants qui vivent maintenant de leurs cultures, sans plus exploiter d’animaux ». Et pour mettre en accord ses actes avec ses valeurs profondes, Pierrick est végan. « J’ai une sensibilité animale depuis tout petit. Il m’arrivait d’arriver en retard à l’école les jours de pluie, car je retirais les escargots qui traversaient la route ».

Végétarien depuis l’âge de 17 ans, il refuse désormais les produits laitiers ou les œufs. « Il y a 2 types de végans, ceux qui le font pour leur santé et ceux qui le font par conscience animaliste. Nous militons pour l’antispécisme. Retrouver les animaux dans des millions de barquettes en supermarchés : non ! Je suis très critique par rapport au système capitaliste. Tout est basé sur la rentabilité ». Un peu idéaliste alors ? « Je préfère cultiver une utopie au plus proche de ma conscience. Et puis il y a des utopies qui se sont réalisées au fil du temps de manière très concrète ». Il ne prétend pas que c’est facile. « Mon fils rejette cette façon de penser. Pas facile pour un ado de refuser la pause hamburger avec ses potes. Ça peut donner des discussions assez houleuses, mais nous restons toujours en très bons termes ».

Transmettre ses valeurs lui tient à cœur, notamment dans un monde à ses yeux menacé. « J’ai confiance dans la capacité de mes enfants à trouver leur boussole. La mienne est basée sur l’amour ». Pierrick n’a pas toujours emprunté le chemin dont rêvaient ses parents pour lui. « J’ai fait pas mal de conneries ; je me suis frotté à la drogue. C’est aussi comme ça que j’ai appris. Les embûches, je les regarde aujourd’hui avec sérénité. Il y a un cadeau derrière chaque situation désagréable. Il faut savoir le voir ! ». Le message qu’il a envie de transmettre ? « Rester au plus proche de son cœur, savoir se remettre en question à tout moment et se méfier des choses qu’on fait par habitude ». Pierrick pratique la méditation et se nourrit aussi du regard de ses pensionnaires. « Quand l’animal que tu accueilles comprend que tu ne vas pas l’exploiter, lui qui était craintif au départ se laisse caresser. La confiance s’établit et tu vois dans son regard que quelque chose a changé. C’est très beau ! ».

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