C’est l’histoire d’un mec, fan de Coluche, touché par la générosité et l’humour du clown à la salopette. Connu dans son entourage sous le pseudo ‘Balou’, Bruno Allain et sa bande de potes se sont investis dans les Restos du Cœur. Motard, comme son idole, il participe depuis quelques années au Jumbo Run pour promener des personnes en situation de handicap dans le panier de son side-car. Le cœur sur la main.
Quand tous ses copains font du sport, lui déserte La Rabatelière à l’âge de 11 ans pour rejoindre la fanfare du village voisin à Saint Fulgent. « J’amusais un copain lorsque je posais mes grosses lèvres sur l’embouchure du clairon basse. C’est ce qui m’a valu mon surnom dont je ne connais pas la signification. Quand on s’est retrouvé au collège, ce surnom a fait boule de neige ». Son sens de l’organisation le placera rapidement aux responsabilités. « Avec un ami d’enfance, nous organisions les réunions concours Ouest-France à La Rabatelière, rassemblant près de 500 personnes dans une salle qui devait en contenir 300 ». Il prend goût à organiser, communiquer, tout en poursuivant la musique. « Intégré au bureau du Réveil Fulgentais, je suis devenu responsable des sorties. A l’époque, on jouait aussi dans les pays limitrophes. Il y avait toute une logistique pour 50 à 60 personnes, qui occupait mes après-midi. Le matin, je travaillais chez Arrivé en 2X8 ».
Sur la chaîne de travail, il discute ce jour-là de l’émission vu la veille avec Coluche et ses Restos. « L’envie de faire quelque chose revenait régulièrement, sans trop savoir comment s’y prendre. Coluche disparait en juin 86. Quand on a su que sa femme reprenait le flambeau, ça nous a stimulés. ». La première édition verra le jour le 27 décembre 1987, à l’époque où les Restos n’ont pas d’antennes en Vendée. « Les partenaires soutenaient l’initiative en apportant leur savoir-faire ; le public était aussi enthousiaste que généreux ; et surtout une équipe de copains étaient née : les ‘Enfoirés Fulgentais’ deviendront les ‘Potes Au Feu Fulgentais’ ».
L’opération se bonifie d’édition en édition. « Un des temps forts, c’était le défilé moto. Nous avons accueilli jusqu’à 1557 motards en 1993 ; le plus éloigné venait d’Aveyron. La gendarmerie avait prévu 6 motards de la BMO pour escorter le défilé. Les brigades alentours nous prévenaient des arrivées successives. C’était un peu l’euphorie ». Plus d’une fois la petite larme a coulé sous le casque de Balou. A la salle de St Fulgent les 800 bénévoles s’activent autour des animations insolites. « Les entreprises locales proposaient des défis. Je me souviens de Sofultrap qui dessinait des cœurs avec les pinceaux fixés sur une pelle mécanique, ou les bouteilles bouchées à la pointe du godet. Tous ces défis visuels attiraient le public ».
Le succès de l’initiative fulgentaise intrigue l’équipe parisienne des Restos du Cœur. Un représentant fera le déplacement pour la seconde édition, suivi quelques années après par Véronique Colucci qui prolongeait l’œuvre de Coluche. « Nous étions alors invités aux assemblées générales, au Bataclan, à la Tour Eiffel. Nous avons été invités 11 fois aux Enfoirés et nous avons participé au clip ‘Ici les Enfoirés’ en 2009 ; d’ailleurs le premier visage à l’écran est celui d’un fulgentais : Jean-Luc Bonneau. Nous sommes montés sur scène pour l’hymne final ; Thomas Dutronc m’a tendu le micro, quelques paroles et je le passe à Jean-Jacques Goldman…Quel pied ! Quelle reconnaissance pour toute l’équipe ! ».
A trois reprises, la flamme du Cœur avec à sa tête Ludo et Minou, propose aux plus jeunes de se relayer durant 36 heures non-stop à travers le département. Elle emboîte le pas des Enfoirés fulgentais. « Je me souviens qu’à la sortie du chapiteau archi bondé où venait de se produire Barbelivien avec Anaïs, les jeunes qui avaient couru tout le week-end arrivaient sous les applaudissements de leurs parents et des milliers de spectateurs ». Balou en a encore le poil qui se dresse. « Pour la cinquième édition, c’est l’équipe de la flamme du Cœur qui a pris les affaires en main en 2002. Les bénévoles s’essoufflaient et les contraintes organisationnelles étaient de plus en plus lourdes. Au total, nous avons reversé près de 300 000€ aux Restos du Cœur ». Il refuse d’endosser seul le mérite. « Pour réaliser tout ce que nous avons fait depuis près de 40 ans il faut être soudés ». Il tient à saluer les pionniers : « Guy, Dédé, Philippe, Bruno, Jean-Luc, Patrice, les deux Laurent, Hervé, Alain, Stéphane, et les trois Didier… sans oublier nos épouses ». Son plus grand regret, ne jamais avoir rencontré Coluche.
Pendant ce temps, le Réveil Fulgentais se mue en ‘Marching Band’. « J’ai laissé tomber le clairon pour le saxophone. Je m’occupais principalement de la communication du groupe ». Les bons souvenirs des grosses soirées reviennent souvent dans les conversations. « C’est à ce moment-là qu’est née l’association des Potes Au Feu Fulgentais. On a proposé six grosses soirées, une par année, toujours avec comme finalité des actions caritatives : animations en maison de retraite, dons à l’action Clown et Vie ».
Motard depuis 30 ans, il a craqué pour un side-car il y a 6 ans. « J’ai participé à mon premier jumbo en 2018, emmenant une résidente avec moi, Isabelle, de l’association Orghandi. En rentrant le soir, avec ma femme, nous avions tellement été touchés par cette journée, que nous voulions faire plus car nous venions de prendre une belle leçon de vie… L’organisation devait fêter ses 30 ans en 2020. Ce sera finalement le 21 mai 2022 après 2 reports. J’avais parlé de ce projet aux potes. Tout le monde était motivé. Nous souhaitons pouvoir rassembler 30 side-cars, sachant qu’il faut 50 à 60 motos en complément pour assurer la logistique, aider les résidents à trouver une place confortable dans le panier. A l’issue de journée comme ça, je ne sais jamais qui est le plus touché entre les résidents ou nous ? ». Leur devise : Unis dans la différence.
Balou ne se pose pas vraiment la question de savoir ce qui l’anime à travers ces gestes de solidarité. « Je suis issu d’un milieu très simple où nous étions attentifs à chaque geste. Ma mère ne conduisait pas et ce sont les voisines qui m’emmenaient aux répétitions. J’ai vite compris ce qu’était l’entraide ». Pas surprenant qu’il ait accroché au personnage de Coluche. L’humour décalé, la sensibilité à fleur de peau, la générosité. « J’étais en voiture quand j’ai appris son accident. Je me suis arrêté pleurer comme un gamin ». Il s’en inspire dans ses différentes initiatives. « Il ne demandait pas d’argent ; juste redistribuer des produits qui étaient sur le point d’être jetés ». Coluche aurait tant à faire aujourd’hui. « Quand tu vois des maisons inoccupées et que tu penses aux sans-abris, aux ukrainiens, c’est désolant ». Une situation devant laquelle il se sent impuissant. « Quand je vois un car arriver à St Gilles avec à son bord des familles ukrainiennes, ça me touche ».
Maintenant qu’il est retraité, il aime consacrer du temps à sa famille. « J’ai trois enfants d’un premier mariage, et deux avec Laëtitia. Je cuisine, je fais des confitures et du vélo ». Il a aussi repris la musique. « Les anciens du Réveil ont créé une amicale. Je joue désormais du trombone à coulisses ». Entre jovialité et convivialité, Balou a encore une belle partition à jouer.
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