A bientôt 50 ans, Stéphane vend sa maison, va rompre son contrat de travail, et partir avec son épouse et son BMX faire le tour du monde. Pas pour fuir ; mais pour se donner les moyens d’aller au bout de leurs envies. Si le vélo est son fil rouge, c’est le mode de vie qui se greffe autour qui l’anime. L’initiative originale mêle reconversion professionnelle et longévité dans la pratique d’un sport extrême. S’il connait la date de départ -septembre prochain- il s’interdit de penser à la date retour. Un tel projet ne lui fait pas plus peur que de sauter sur son BMX du haut d’une rampe de 8 mètres…

Originaire de la région parisienne, il est passé par la région lyonnaise avant de venir en Vendée il y a 15 ans, et à la Roche sur Yon il y a 8 ans. Il a toujours bossé dans l’informatique. Un esprit cartésien qui aime vibrer d’une passion parallèle : le BMX Freestyle qu’il découvre à l’âge de 12 ans. « J’aime tout ce qui est aérien, faire des sauts, des figures ». Un équilibre subtil entre le plaisir et le frisson, tout ça sans se faire trop mal. « Il faut être capable d’appréhender la chute, d’encaisser et d’y retourner ».

Ce phénomène sportif apparaît dans les années 70/80 de façon spontanée, sans être véritablement structuré. « C’est un sport qui peut se pratiquer en dehors de la compétition, juste pour le dépassement de soi. A côté de ça, il y a une pratique fédérée qui s’est développée au fil du temps ». Une discipline apparue aux JO lors de sa dernière édition. « Ça révolutionne la pratique. Personnellement, j’aime naviguer entre ce côté à l’ancienne, très créatif, où on se tire la bourre lors d’une jam, et la compétition, plus encadrée. J’ai eu un titre de champion du monde amateur en rampe dans les années 90. J’ai toujours considéré la compétition comme une opportunité d’essayer de nouvelles choses, galvanisé par une ambiance incroyable ».

Le partage est moteur pour Stéphane « J’aime rencontrer d’autres pratiquants, c’est un sport individuel qui prend son sens en groupe ». Il s’implique sur le plan associatif. « Dès l’âge de 19 ans, je m’occupais d’un club. En Vendée, j’ai créé en 2010 Urban Rider 85 lorsque j’habitais à Chantonnay ».

Non seulement cette passion ne le quitte pas, avec des adaptations selon les étapes de la vie, mais aujourd’hui, elle cristallise le projet qu’il mène tambour battant avec son épouse. « Il y a 25 ans, nous nous sommes sédentarisés et avons eu notre premier enfant. Lui et son plus jeune frère sont aujourd’hui autonomes nous offrant une nouvelle liberté. Par ailleurs, je me sens au mieux de mes moyens sur mon vélo, quand il y a quelques années j’avais peur de perdre cette capacité à poursuivre un sport extrême. Je me suis découvert de nouvelles ressources physiques, de la motivation à revendre et un énorme potentiel encore à exploiter ». Tous les voyants sont au vert pour entamer une nouvelle vie autour du monde. « Mes vacances et mes weekends ne me suffisaient plus pour aller au bout de ma passion, alors avec mon épouse on s’est mis d’accord : on se laisse guider par nos envies et nos défis ». Un point de départ : les USA, le berceau du BMX. Pour le reste, pas de circuit déterminé, juste des points sur la carte. « On pensait initialement commencer par l’Australie, mais les choses se sont compliquées avec le Covid. On retrouve des adeptes de ce sport en Asie, en Amérique du sud, et aussi en Afrique ».

Une vie nomade à durée indéterminée pour se réinventer. « On repart à zéro pour trouver un nouveau mode de vie avec des démonstrations, du coaching, des conférences, du télétravail, … ». La vente de la maison est en cours. « On garde seulement ce qui pour nous a une vraie valeur sentimentale ». Même chose côté boulot. « Nous quittons chacun un métier que nous aimons. Ma femme est enseignante en lycée. Autant de ressources complémentaires qui nous seront utiles ». L’éloignement ne l’inquiète pas. « Avec les moyens technologiques on n’est jamais très loin ».

Son projet s’appuie sur trois piliers, la progression en premier lieu. Lui qui roule souvent avec des plus jeunes qui ont la niaque l’affirme : « Je veux montrer qu’il est encore possible de progresser à 50 ans. La discipline évolue en permanence : c’est un terrain de jeu sans fin ». Deuxio : le partage. « Avec les réseaux sociaux, on retrouve facilement des adeptes un peu partout ». Enfin, la transmission. « Depuis deux ans, je collabore avec Lucas, un jeune talent de 16 ans, vice-champion de France l’an dernier. Je me sens riche de toute mon histoire, c’est important d’apprendre aux plus jeunes comment a évolué notre sport. Je compte aussi sur les conférences pour partager mon expérience. Un exemple : mes genoux sont pétés depuis 20 ans mais ils n’ont jamais été autant en forme que maintenant par un travail quotidien ». Le tourisme ne sera pas en reste. « On va se faire plaisir ». Peut-être croisera-t-il sur sa route ses idoles ? « Mat Hoffman, un américain qui a mon âge, fracassé de partout mais il roule encore. C’est lui qui a tout inventé en rampe, ma spécialité. L’autre rider qui m’impressionne est anglais, Jamie Bestwick, après plusieurs années à haut niveau il a réussi avec une incroyable progression à devenir intouchable. Aller bien au-delà de ses propres limites, ça m’inspire ».

Sa préparation et son emploi du temps sont tels qu’il ne se laisse pas gagner par un contexte externe plutôt anxiogène. « J’ai tendance à accepter ce sur quoi je ne peux pas agir. Ça donne un peu de recul, une certaine fatalité. Il faut sortir la tête. Aujourd’hui, nous sommes accaparés par les préparatifs en capitalisant sur notre avenir familial ».

Stéphane connait la force du mental. « On est vieux dans sa tête bien plus tôt qu’on devrait il me semble. Quand j’avais 25 ans et que je continuais à faire un sport d’adolescents on me regardait bizarrement. A chaque étape de la vie, on trouve toujours les bonnes raisons pour arrêter une pratique sportive…Moi, j’espère être capable de faire un saut périlleux arrière sur mon vélo quand j’aurai 60 ans. Il ne faut surtout pas s’arrêter. Quand on a un corps un peu chahuté, on est condamné au mouvement. Le mouvement, c’est la vie ».

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