Partager un espace de travail pour des indépendants n’est plus un phénomène balbutiant. Y compris en milieu rural. Voici bientôt 4 ans qu’Aurélie a créé aux Essarts la Fabrik 3.0, un tiers lieu, cet espace de travail communautaire où on se sent moins seul. Un creuset propice au développement : « ensemble, on va plus loin ». Son approche pragmatique des situations lui permet de garder les pieds dans le présent, sa dimension visionnaire la propulse vers demain.
Munie d’un BTS ‘assistante de gestion’ et d’une année de licence en ressources humaines, Aurélie plonge tout de suite dans le monde du travail. « J’ai fait quelques petits boulots en boulangerie et en intérim, puis rapidement je me suis retrouvée au sein de l’association UDASU regroupant les ambulanciers de Vendée qui par le service de régulation peuvent suppléer aux pompiers dans des situations d’urgence. A 25 ans, j’ai été promue responsable de ce service de 7 personnes ». La marque de confiance de sa présidente qui a repéré en elle une capacité à manager, à organiser, à gérer. « J’y suis restée 10 ans. Ce métier-là m’a tout appris : le management, la comptabilité, la gestion des réclamations, les relations institutionnelles avec l’ARS, le médecin-chef du SAMU. Se retrouver à 25 ans autour de la table où siège le Préfet, ça aide à avoir confiance en soi ».
Son éducation, son milieu familial lui apprennent les vertus du travail. Son tempérament et son esprit d’initiatives aussi. « En 2009, il y avait pénurie d’assistantes maternelles, alors nous avons monté une micro crèche privée, la troisième en Vendée, dont j’ai été la présidente pendant 10 ans ». En parallèle à l’UDASU, elle donne le coup de main aux ambulanciers pour la gestion de leur entreprise. « L’assistanat externalisé n’existait pas à l’époque. J’ai monté ma petite structure pour héberger cette activité complémentaire, une sorte de micro-entreprise avant l’heure ». Une activité qui lui demande de plus en plus de temps. « Nous étions en 2012 ; j’étais enceinte de ma troisième fille ; J’avais envie d’une nouvelle aventure professionnelle ». Elle démissionne de l’UDASU, crée son auto-entreprise pour accompagner les PME : « J’ai accompagné beaucoup d’artisans ; ils ont souvent le nez dans le guidon, délaissant parfois leur gestion d’entreprise ».
Son bureau est à son domicile, avec des enfants qui la sollicitent. « J’ai besoin de contacts avec d’autres personnes, d’autres professionnels, alors j’ai mené une réflexion sur l’avenir de mon activité et j’ai découvert le coworking. Il y en avait quatre en Vendée, impulsé le plus souvent par des collectivités. La Fabrik 3.0 est une initiative privée. Je trouvais le concept génial puisqu’il me permettait de poursuivre mes accompagnements d’entrepreneurs tout en mettant des espaces à disposition ». Trouver les synergies qui permettent de propulser les belles initiatives, tel est le crédo qui l’anime. Sur les Essarts, un ancien restaurant lui tend les bras. « La Communauté de Communes a pris mon projet à cœur. Il y avait du potentiel sur ce bassin, entre les Herbiers et la Roche ». Il n’y avait plus qu’à convaincre les partenaires financiers. « La location d’espaces flexibles n’est pas la meilleure garantie pour le banquier ». Son expérience lui a appris à ne jamais se décourager.
Les débuts sont prometteurs. « Déjà, j’apportais mon activité d’accompagnement ». Elle est tellement convaincue de son projet qu’elle n’a pas de mal à trouver l’énergie pour prospecter. « En restant chez eux, les indépendants ne paient pas de loyer. Mais ici, ils trouvent la valeur ajoutée par l’échange et les services que nous mettons à disposition. Quel que soit le métier, les problématiques d’entreprise sont souvent similaires. Aujourd’hui, le réseau est la clé de la réussite. C’est ce que nous proposons ici : un réseau social physique et humain qui permet de répondre à tous les besoins d’un jeune créateur ou d’un indépendant qui veut développer son affaire ». Aurélie peut se prévaloir de réussites tangibles comme cette couturière accueillie il y a peu, agacée par la fast fashion, et qui à la suite d’un brainstorming maison a développé une application ‘les réparables’. Une succes story incubée à la Fabrik 3.0 .
Son réseau, Aurélie le tisse depuis longtemps, avec les bons relais. « Le président de coworking France est vendéen. Il m’a donné la possibilité d’intégrer son réseau national qui m’offre une vision plus large de ce qui se passe dans les 800 espaces adhérents ». La chance sourit aux audacieux.
« Depuis longtemps je fréquente Noirmoutier, et fin 2019, j’ai eu aussi envie de développer le concept là-bas. En discutant avec le maire, j’avais envisagé ouvrir un tiers lieu éphémère, juste pour la saison. L’espace était trouvé, mais la COVID a contrarié les plans. En octobre 2020, j’ai été relancée par le nouveau maire. Il me met en relation avec le propriétaire d’une maison au milieu des marais, un lieu rêvé. Ce monsieur m’appelle, séduit par le projet, et me propose un loyer plus que raisonnable. Patatras, l’ouverture programmée le 1er avril est compromise par les nouvelles annonces sanitaires. C’était le fameux weekend de Pâques où beaucoup de franciliens sont venus se confiner. L’espace a été complet du 2 avril au 30 septembre. Aujourd’hui, nous allons attaquer la phase de consolidation en proposant nos différents accompagnements, en faisant connaitre l’espace aux insulaires ».
La COVID a pourtant perturbé l’activité de l’agence des Essarts. « En mars 2020, j’ai eu 45 k€ d’annulations sur une seule journée. Ça m’a cassé le moral ». Mais pas très longtemps… Aurélie qui a participé au lancement de Vendée Up avec Emmanuel Guibert, une société de crowdfunding, lance sa propre campagne. « J’ai collecté 5000€ ; ça m’a boostée et ça m’a obligée à l’égard des donateurs. Je ne pouvais pas les décevoir. En mars 2020, 5 personnes domiciliées rompaient leur contrat. En septembre, grâce à cette campagne, j’en ai récupéré 14 ». La location d’espaces ne génère aujourd’hui que 45% de son chiffre d’affaires. « Pour le reste, c’est de la prestation. En plus de la gestion du lieu, je suis centrée désormais sur la communication, je me suis formée en référencement Web et en développement réseaux sociaux. Avec mon associé Gaël, nous accompagnons aujourd’hui les créations et développement d’entreprise ».
Son univers spatiotemporel est peut-être son principal allié. « J’aime observer les modèles organisationnels des entreprises en Allemagne, en Suisse ou aux USA. Ils ne tardent jamais à arriver en France. Par ailleurs, je ne reste jamais sur mes acquis ; je me demande toujours : que peut-il se passer demain ? ». Cette adepte du footing aime être entourée. « Pas pour briller ; seulement pour apprendre des gens ». L’utilisation quotidienne et omniprésente de l’écran présente, selon elle, des limites. « Il se veut rassembleur mais finit par rendre les gens plus individualistes. L’humain va revenir au cœur des entreprises ». Malgré une vie mouvementée, pour Aurélie, la priorité reste sa famille. « Je prends un mercredi par mois, où je bosse à la maison et chaque soir, j’essaie de passer au moins 10 minutes avec chacune de mes filles. J’y mets un point d’honneur ».
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