Né dans la région du Rif au Maroc, celui qui, enfant gardait des chèvres dans l’Atlas, est devenu prof de technologie dans la plaine de Fontenay le Comte, actuellement à Luçon. Il arrive en France à l’âge de 8 ans, ne sait pas lire et n’a jamais tenu un stylo. Un ‘retard’ que ses dispositions naturelles lui permettront de compenser rapidement. Il apprécie ce que le monde de l’enseignement lui a apporté, au point de vouloir à son tour en faire profiter ses élèves.

L’école était trop éloignée de chez lui pour qu’il puisse y aller. « Le Rif est une région pauvre, délaissée sous Hassan II, qui connaît encore des conflits de temps en temps ». C’est encore l’âge de l’insouciance pour lui. « Ma famille vivait de l’agriculture, avec un petit élevage. Je participais aux travaux en allant chercher de la luzerne dans la montagne pour nos lapins, chercher l’eau pour la ramener en bidons avec l’âne ou la mule, faire la lessive à la rivière. Nous n’avions ni eau ni électricité à la maison. Juste la lampe à pétrole. Je posais des pièges pour attraper les oiseaux. J’ai le souvenir d’une enfance heureuse ». Il fréquentera un peu l’école coranique. « Pour moi ce n’était pas concluant. Je préférais être dehors ».

Son grand-père s’exilera en premier. « Il a rejoint la Hollande pour travailler dans la sidérurgie. Quelques années plus tard, mon père est parti en France ; il n’avait pas encore 20 ans. Je suis resté avec ma mère ; j’étais l’aîné d’une fratrie de six enfants. Quand je suis arrivé en France, j’avais 8 ans révolus. Nous avons quitté progressivement le pays, car c’était la misère. La vie était rude. Ça reste des bons souvenirs et pourtant cela ne me manque pas. Cette enfance m’a apporté peut-être un peu plus d’optimisme ; je sais d’où je viens. Je ne suis pas du genre à me plaindre ».

Najim arrive dans un petit village du Vaucluse : Lagarde-Paréol. « L’institutrice était assez âgée mais elle était motivée. Elle nous donnait des cours du soir à toute la famille ». Il entre au collège avec seulement une année de retard. « J’ai rencontré de nombreux enseignants vraiment super qui m’ont encouragé, les profs de maths notamment ». Il songe à des études courtes, après avoir obtenu son bac E, déjà content de ce parcours. On le pousse à poursuivre. « J’enchaîne avec un DUT génie électronique et informatique industrielle ; ça ne me plait pas vraiment ». Il opte pour des études universitaires à Marseille pour passer un DEUG Technologie industrielle qui ouvre la porte aux écoles d’ingénieur. « J’étais dans le premier quart de la promo, et pourtant je me demandais si c’était bien ce que je voulais faire ? ».

Il choisira finalement le milieu de l’enseignement. « J’avais une sincère reconnaissance pour les enseignants vis-à-vis de ce qu’ils m’avaient apporté. En Berbère, un enseignant se dit ‘usted’, la marque de reconnaissance suprême ». Il privilégie la licence de physique, clé d’entrée pour l’IUFM, discipline où il est à l’aise. « Il y avait à côté un entretien oral pour la Technologie. Ça m’a tenté aussi. J’étais pris dans les deux disciplines. La Techno, ça me semblait plus rigolo ». Sa carte de séjour n’est pas suffisante pour prétendre à cette école. « J’ai été naturalisé en 1998, à quelques jours seulement du concours ».

Il sera professeur stagiaire pendant une année sur Marseille. « Puis arrive le temps des mutations. J’ai demandé Marseille puis Lyon, sachant que jeune prof je ne les aurais pas. Puis j’ai demandé Créteil, en me disant que c’était un passage incontournable de 2 ou 3 ans avant de rejoindre la province. Finalement ça m’a plu. Je suis resté 10 ans. J’arrivais avec le cliché bien marseillais ‘Parigots, têtes de veaux’. Je me suis vite rendu compte que Paris était une ville magnifique avec une vie culturelle riche. Je m’entendais très bien avec les collègues. C’était les premières payes, les sorties ; j’en ai profité ».

Le futur jeune papa ne se voit pas élever son enfant dans cet environnement. « Les crèches, c’est compliqué ; déjà que pour faire 16 kilomètres, du boulot au domicile, il faut de 30 minutes à deux heures… J’avais cumulé assez de points pour muter. Je ne me voyais pas retourner à Marseille. Nous sommes arrivés à Fontenay le Comte en Août 2008 avec ma compagne qui est infirmière. Notre fille est née en avril à Paris. Nous sommes partis après sa naissance en fin d’année scolaire pour nous établir ici, pas très loin de l’océan ».

Najim est un enfant de l’immigration. « J’ai été croyant durant mon enfance, à l’époque où je ne posais pas de questions. A l’âge de 13 ans, la religion ne collait pas avec mon esprit scientifique. J’ai dit à mes parents que je n’avais pas la Foi ». Accueillir un étranger, c’est aussi lui donner les clés pour vivre correctement au pays. Dire que certains profitent ? J’en doute. Quand tu quittes ton pays, ce n’est pas pour profiter ».  Il déplore les tensions depuis ces dernières années avec les attentats. « L’Islam est stigmatisé. Je ne suis pas croyant, mais je me sens concerné. Je déplore et je condamne toutes les formes de dérives. Ce n’est pas être musulman avoir de tels comportements ».

Il demeure confiant dans l’avenir. « Même si on va probablement connaître des difficultés. Je reste optimiste ». Najim se distrait avec un bon film, une bonne musique. « J’écoute tout, le rock, le jazz et la musique classique, peut-être un peu moins le hard rock ? J’aime surtout les musiques multiculturelles ( Ibrahim Maalouf,  l’Orchestre National de Barbès (ONB) et bien d’autres ». Durant 3 ans, il a pris sa licence au club de foot de Ste Gemme. « Maintenant c’est plutôt bodyboard. À Marseille j’ai fait de la plongée, de l’escalade. A Paris, c’était du parachutisme. J’aime bien les sensations ».

Ce papa d’une fille de 13 ans et d’un garçon de 12 ans revient sur sa conception de l’éducation. « J’ai envie de les emmener plus loin que là où j’ai été. J’essaie d’être dans cette même logique en tant que professeur ». Il a emmené ses enfants découvrir le berceau de sa propre enfance. « J’ai encore beaucoup de famille là-bas. Ils ont laissé l’Atlas pour vivre au bord de la Méditerranée. Dans la montagne, la maison familiale est en ruine. Mes proches sont tous en France ».