Le nom de la ferme parentale, la ‘Rivière’ de Saint Pierre du Chemin y serait-il pour quelque chose dans le cheminement bucolique de Jean-Marie, avec la Sèvre au cœur de ses attentions ? Ce n’est peut-être pas un hasard s’il s’installe à Mortagne sur Sèvre dans les années 80, non loin de ‘sa’ rivière qu’il photographie sous toutes les coutures ? Retraité depuis 6 ans, il vient d’éditer un livre consacré à la Sèvre Nantaise, le condensé de ses recherches et de ses clichés.  

Epris de la nature dès son plus jeune âge, Jean-Marie se laisse aller à ses rêveries. « Près de chez moi, il y avait un petit affluent qui se jetait dans la Sèvre à Saint-Jouin-de-Milly. Quand les prés étaient inondés, je m’imaginais sur un bateau, me laissant porter pour rejoindre la Sèvre ». Il la rejoindra en 1980 à Mortagne, son employeur, un cabinet comptable, étant basé aux Herbiers. Son épouse Annie vient d’être mutée à Cholet. Auparavant, il avait été pendant deux ans, moniteur en maison familiale. « Le milieu agricole a toujours été mon élément ».

Il restera 35 ans en cabinet d’expertise comptable, une période de mutation agricole. « J’ai connu la période faste des installations, où le canton battait des records. C’est également la période des regroupements agricoles, au sein d’une même famille, entre voisins. Il y a eu enfin les évolutions technologiques, les robots de traite… ». Le comptable est consulté pour le moindre investissement. « Lorsque la confiance est établie, la relation relève d’un vrai travail d’équipe ».

A 20 ans, il se voit offrir un appareil photo par celle qui deviendra plus tard son épouse. « J’ai sauté de joie. C’était un argentique avec une cellule automatique ; je pouvais faire de la pose longue ». La Sèvre Nantaise sera son studio naturel aux ambiances variées. « La vie de famille avec les enfants ne permettait pas les grandes envolées. Mais chaque sortie ou presque trouvait sa destination en bord de Sèvre. J’ai fait des centaines de fois le même chemin sans jamais me lasser de ce paysage ». Plus tard, il se pique pour la photo animalière, toujours à proximité de la rivière. « J’ai acheté des téléobjectifs 400 mm. Je me suis rapproché d’une association de photographes animaliers en Bretagne, mais le niveau était trop sélectif pour l’amateur que j’étais. J’assistais à leurs projections, chipant ici où là des petites techniques ».

Jean-Marie met au point un système d’affût flottant. « Je ne suis pas bricoleur, mais quand tu es très motivé pour quelque chose, tu trouves les astuces ». Il le sort principalement à la belle saison. « Je m’y enfonce vers 6h30 pour en sortir vers 11 heures ». Il observe, contemple. « Je ne vais pas dire que c’est un moment religieux ou spirituel, mais ça y ressemble. Seul dans la nature avec comme ambiance sonore le bruit des feuillages, le clapotis de l’eau, le chant des oiseaux… Quand je reviens à la civilisation, il y a une porte de déconnexion à franchir. Je vis la nature de façon intense ; cela transpire dans mon livre ». Un ouvrage qui décrit le cours de la rivière, savamment renseigné, illustré de 200 photos remarquables sur 220 pages. « Le premier tiers de la Sèvre n’est pas aménagé pour les promeneurs. Il faut franchir les barrières, contourner les ruisseaux et les espaces marécageux. Elle se mérite ! ».

La genèse du projet s’appuie sur son énorme collection de photos. « Je me souviens des pellicules diapos où quelques fois, sur 36 diapos animalières, je n’en gardais qu’une seule, la moins mauvaise. C’était assez onéreux. Puis le numérique est arrivé, avec le mode rafale. C’est du bonheur ». Il compile les notes prises ici où là, va de bibliothèques locales en centres de documentations pour que rien n’échappe à son épuisette. « J’ai soumis le projet à Jean-Christophe Menard des éditions Pays et Terroirs de Cholet qui m’a conseillé pour ressortir l’essentiel du matériau brut que j’avais rassemblé. Il fallait l’affiner ». Le résultat le ravit. « J’aurais pu en mettre davantage, mais le ‘toujours plus’ est parfois l’ennemi du bien ». Un autre projet pour demain ? « Je peux reproduire l’idée sur une autre rivière ou approfondir d’autres histoires sur la Sèvre Nantaise ». La source de son inspiration est intarissable.

Proche de la nature, il en ressent la fragilité. « On ne va pas dans le mur ; on y est déjà ! Je ne vois pas de quelle manière on peut s’en sortir sans changement radical de société. Les actions entreprises restent superficielles. Il faudra une main providentielle pour remettre les choses à l’ordre ! ».

Si le niveau de conscience environnemental s’est élevé, à ses yeux il n’est pas suffisant. « Pour élever cette conscience, il faut se rapprocher de la nature, l’observer à la fois pour s’émerveiller et pour mieux la respecter ».

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