Côtoyer Roger Morisseau, c’est approcher d’une certaine façon des personnages épiques : Roméo, Gargantua, Richelieu, Clémenceau… le général de Gaulle. Ce dernier, il l’a rencontré à plusieurs reprises. Son père faisait partie de la garde rapprochée du Général. Non seulement il a sa taille mais il l’imite à la perfection. Comédien multi-facettes, il offre sur scène ce supplément d’âme réservé aux meilleurs amateurs.
Roger est né à Paris. « Nous habitions près de chez Georges Marchais, mais à la maison, il n’y en avait que pour le Général. Mon père était barbouze ; il valait mieux ne pas l’embêter avec son mètre quatre-vingt-quinze ». Il fait sa première apparition sur scène à l’âge de 6 ans, lors d’une remise des prix d’excellence de fin d’année. « J’ai 8 ans lorsque mon père arrête sa carrière. Il doit libérer son logement de fonction. C’est ainsi que nous débarquons à Challans, dans la petite ferme du grand-père ». Le petit drôle amusait toute la famille par ses imitations. « J’ai vite été repéré à l’école. En sixième, j’avais 10 ans et je faisais déjà 1,87 m… On me demande d’imiter le Général à la kermesse. Des passants croient que De Gaulle est dans le coin… ». Il a revu De Gaulle en 65 lorsqu’il est passé en coup de vent à Challans. « J’ai essayé de l’approcher ; il ne m’a pas reconnu »
Son père l’emmène un jour au théâtre du Marais voir les ‘Trois coups de Minuit’. « Je découvre M. Piveteau, un acteur exceptionnel, commerçant à Challans. Je dis à mon père : je veux faire ça ». Il débute à 14 ans avec fougue dans un rôle de jeune premier américain amoureux de la fille du château. « J’y suis resté 47 ans ! La troupe avait été championne d’Europe du théâtre amateur. Au début, j’étais le petit jeune, mais j’avais ma place. Par la suite on a décroché 3 titres de champion de France de théâtre amateur (Vichy, Sarlat, Duras) où j’ai reçu des mains d’Eugène Ionesco le brigadier d’honneur pour mon double rôle d’apache et de cowboy à cheval. C’était la fameuse pièce qui fît découvrir Michel Simon (1950) : ‘Du vent dans les branches de Sassafras’ ».
Roger ne sait plus où donner de la tête. « Ma sœur m’a appris la guitare ; j’ai intégré le groupe les ‘optimistes’ pour chanter ‘The Shadows’. Je suis fou de rock ‘n roll. Je goûte au cinéma national par des figurations où je croise les acteurs célèbres (J Demy, Steeve Mac Queen, Eddy Mitchell, Karine Viard, Cantona…) puis des rôles principaux dans des courts métrages d’auteur (Sigmund Freud Châtelain, Amiral Mayo US guerre de 14/18). J’avais été entraîné par ce monsieur Piveteau qui m’avait ébloui au théâtre, dans 5 films sur les mœurs vendéennes. Nous jouions 2 gendarmes à vélo des années 30. Puis il y a eu l’aventure des ‘Brimbalures’, autre troupe théâtrale où nous prenions plaisir à mettre en boîte les élus présents ». Tout ça en complément de son métier de commercial. « 600 bornes par jour pour vendre des pièces Bosch pour les camions. Je pars à 6 heures le matin, rentre à 20 heures pour filer aux répets. Je n’ai pas vu grandir mes trois premiers enfants ». Son premier employeur se tue en avion avec son fils. « J’aurais dû être avec eux… Le destin m’avait épargné. La boîte a coulé. J’ai été demandé par la société concurrente où je suis resté 20 ans. J’étais passionné par les pièces détachées en automobile ».
Lorsqu’on mesure 1,87 m et qu’on habite Challans, on est vite repéré par le club de basket. « Félix Valdes m’entraînait chaque dimanche après la messe. J’ai joué pendant 10 ans ». Il devance son service militaire et rejoint les chasseurs alpins. « J’en ai bavé avec des -40 °, mais ça m’a donné la pêche. Plus tard, à 42 ans, après une fatigue liée à mon rythme de vie effréné, je me lance le défi de connaître ma résistance physique par la course de fond (100 kms par semaine) ».
Roger est gourmand de tout. « Mon métier m’emmène au salon de l’auto. J’en profite pour faire celui de la photo. J’ai la chance incroyable de gagner un concours international doté d’un Contax RTS. Je deviens photographe tout en poursuivant mon travail ». La réalité le rattrape. « Je touche mes limites. Je dois revenir à une vie plus équilibrée ». Il poursuit cependant les stages photos. « Cela m’a permis d’évoluer dans la mode, faire des shoots avec Francesca ROFFO. J’ai fait des reportages sur le Tour de France. J’ai aussi la chance d’avoir un beau-frère amiral qui m’a permis d’approcher la ‘Transat en double’. Je me suis trouvé seul à seul sur les pontons avec Tabarly, Florence Arthaud ».
Christian Piveteau, Claude Riand, Clément Gauvrit, Roger Roilland, Dominique Baud, Jacques Raveleau-Duparc, Laurent Tixier, Claude Mercier… Des rencontres qui résonnent comme autant de projets scéniques de Luçon à l’Ile Chauvet, de Challans à la Chabotterie. « J’étais l’ordonnant de Claude Mercier lorsqu’il jouait Clémenceau… Quel acteur ! Il était doté d’une belle intelligence tout en étant simple et très drôle ». Sa rencontre avec Jean-Laurent Cochet, sociétaire de la Comédie Française n’est pas des moindres. « J’ai eu la chance de faire partie des 35 apprenants, sélectionnés parmi 1500 candidats. Nous répétions tous lundis à l’ICES, des cours de 4h d’une grande rigueur. Il était capable de nous humilier au moindre faux-pas. Ça reste une immense école de théâtre. J’ai toujours en tête les 45 textes d’auteurs, pièces apprises durant ces cinq années ». Le rassemblement des Meules bleues où il officie en Général demeure une grande émotion.
Roger a une sensibilité à fleur de peau. « Je n’évoque même pas les tremblements, le stress immense qui me paralysent avant de monter sur scène. Je suis ultrasensible, c’est presque maladif. Je pleure pour une médaille d’or, pour une cérémonie militaire empreinte d’émotion, pour Clint Eastwood que j’ai vu hier soir à la télé. Ça me fout en l’air ! ». Anxieux aussi. « Je suis souvent voué à la panique ».
La famille est son réconfort. « Mes enfants pourraient me reprocher d’être gourmand de trop de choses. Je sais pourtant l’amour qu’ils nous portent à nous deux ». Il fait plus confiance à la médecine en ces temps de pandémie qu’à la politique. « Ces nouvelles têtes qui arrivent me font peur ». Son beau-frère amiral lui rapporte le désastre du sixième continent. « Ça me bouffe ». Il est croyant. « Mathieu Ricard me marque aussi. C’est un sage qui est aussi un très bon photographe ». L’écouter l’apaise. Comme la montagne (20 sommets de plus de 3000m) devant laquelle il s’émerveille, lui l’hyperactif.
Avant de se replonger dans son futur rôle de Louis XIII, il cite Clémenceau : « Qui sommes-nous ? Un instant du cosmos ? Cet instant, nous devons lui donner de la noblesse. La vie, c’est ‘Oser’ »
merci pour cette fougue et cette vie à 100 à l’heure qui dégage tellement d’énergie et de passion ! Bon vent pour la suite …