Pour qui s’intéresse à l’histoire régionale, la visite du Parc Soubise à Mouchamps revêt un grand intérêt. C’est d’ici que s’étend le protestantisme en Bas-Poitou, sous l’influence de Michèle de Saubonne (1485-1549), grande figure de l’époque qui brille alors au Parc Soubise. La famille de Chabot rachète la propriété en 1784. Avec son mari, Pierre Darcy de Moltke, Françoise de Chabot déploie aujourd’hui une grande énergie pour ouvrir et faire connaître ce joyau. Sa fougue, la précision du propos, sa carrière dans les relations institutionnelles, ajoutent au charme de la visite.

Revisiter ses connaissances historiques en balayant l’histoire du Parc Soubise est un exercice agréable. Le mieux est de se laisser embarquer dans les visites guidées que propose Françoise de Chabot Darcy en saison estivale. « L’histoire du Parc Soubise est l’histoire de tout le monde. C’est pour cela que je tiens à l’ouvrir ». Des noms prestigieux de grandes familles dépoussiéreront quelques souvenirs : les Lusignan avec le dernier roi chrétien de Jérusalem ou la fée Mélusine, Les Rohan… « Henri de Navarre, le futur Henri IV viendra au moins à deux reprises ici. Le lit dans lequel il a dormi est toujours ici ». Les guerres hugenotes du début XVIIème, l’activisme des protestants à l’encontre de Louis XIII ou de Richelieu. « Sans oublier la période tragique des guerres de Vendée avec 200 personnes exécutées par la colonne Lachenay ». Le château sera brulé. « Il reste seulement la douve de cette époque ».

La famille de Chabot, vieille famille chevaleresque, arrive à Soubise avant le période révolutionnaire. « J’ai un aïeul qui était très proche de François 1er. Notre famille a toujours été ancrée ici, terriblement terrienne. Nous allions à la Cour, un devoir pour toute famille noble, seulement une fois par génération ». L’autre fait historique qu’elle met en avant est plus contemporain. « Le parc sera un refuge pour des enfants juifs cachés par la famille. Pierre et Zoé de Chabot, mes grands-parents, sont reconnus « Justes parmi les Nations » sur le mémorial de Yad Vaschem en Israël. Ils n’en avaient jamais parlé tant ils considéraient faire simplement leur devoir ».

Le parcours professionnel de François de Chabot Darcy tourne autour de la communication institutionnelle. « J’ai fait deux masters : communication politique et communication audiovisuelle ». Elle entend parler du projet de film ‘Vent de Galerne’. « J’ai été recrutée par Claude Nedjar le producteur du film, et j’ai rencontré Marcel Jullian. C’était un tournage sur lequel je me suis beaucoup amusée et sur lequel j’ai beaucoup appris ». Jullian la présente à Philippe Guillaume, alors président de la SFP puis de France Télévision. « Je travaillais à son cabinet pour m’occuper des relations avec les ministères de tutelle, les parlementaires ». L’alternance politique l’emmène vers de nouvelles expériences. « J’ai d’abord travaillé à Télématin avec William Leymergie, puis pour Jacqueline Joubert la maman d’Antoine de Caunes, jusqu’à sa retraite ».

Une amie lui propose alors un nouveau challenge. « Elle me parle d’un député qui a un caractère épouvantable ; personne ne veut travailler avec lui. Alain Griotteray m’a finalement beaucoup appris. Il m’a fait trier sa correspondance avec de Gaulle au moment de la guerre d’Algérie. J’ai travaillé 5 ans pour lui ». Elle rejoindra le club de grands patrons sociaux ‘Entreprises et Progrès’, toujours en contact avec le milieu parlementaire, avant d’intégrer une grande entreprise qui faisait du verre. Elle participera enfin aux fondations de l’Institut pour la Justice. « Notre action visait à protéger les victimes dans leurs droits ».

François de Chabot Darcy se marie à 37 ans, et donnera naissance au premier de ses deux enfants trois ans plus tard. « J’ai créé une petite entreprise de communication. Avec les deux enfants qui grandissaient, j’ai ralenti ».  Difficile de l’imaginer pour autant inactive quand on voit l’énergie qu’elle dépense aujourd’hui pour le Parc. « Mon mari et moi avons racheté les bâtiments à mes frères et sœurs. On a fait beaucoup de travaux, aménager des gîtes pour tenter de trouver un équilibre économique. La vie de château n’est pas de tout repos ! Nous y consacrons beaucoup de notre temps ». Tant pour la restauration que pour l’animation. « Nous avons créé une biennale de théâtre qui je l’espère connaîtra sa quatrième édition l’été prochain si le contexte sanitaire le permet. Nous réfléchissons à la possibilité d’ouvrir un restaurant éphémère, avec un chef étoilé. On aimerait beaucoup refaire le vieux château qui a brulé durant les guerres de Vendée ».

Avec le peu de temps que tout ça lui laisse (il ne faut pas oublier les gîtes et les réceptions), Françoise de Chabot Darcy arrive à trouver quelques heures pour apprendre le russe. « J’ai un projet dont il est trop tôt pour parler. Apprendre une langue, c’est bon pour entretenir la mémoire ». Elle aime écrire. « J’ai commencé un livre il y a dix ans, que je finirai un jour ».  

L’accélération du temps la préoccupe. « L’homme a toujours les mêmes passions qui l’animent, que ce soit l’amour, la haine, la vengeance, l’envie… Les moyens qu’on a de les exprimer sont décuplés par la technologie, ce qui provoque un état d’énervement et de tensions ». Elle n’hésite pas à faire la parallèle avec 1789. « On a une élite qui ne comprend pas ce qui se passe à la base. Les gilets jaunes en sont l’illustration. Il ne se passera pas la même chose qu’en 1789 car l’histoire ne se répète jamais à l’identique, mais on va vers quelque chose d’assez musclé ». Inquiète alors ? « À court terme je suis assez pessimiste. Je reste optimiste sur le long terme ».   

Elle apprécie la pensée de Raymond Aron ou la culture d’Alain Finkielkraut. « La technologie va aujourd’hui plus vite que la pensée. Les grands penseurs manquent ». Les conséquences la questionnent, d’où son intérêt pour les films d’anticipation, comme le roman de Georges Orwell ‘1984’ par exemple. Elle conclut sur la nécessité de conserver ses racines. « Plus le monde s’ouvre, plus il faut savoir d’où on vient. Il faut garder ses racines ».

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