Le savoir-faire du forgeron semble traverser les époques. Un atelier parfois sombre et une flamme qui captive le regard ; une matière froide, le fer, qui finit par prendre une forme esthétique, artistique, sous les coups de marteaux. Le regard concentré sur le fer rougi, Tristan a les yeux qui brillent lorsqu’il évoque sa passion pour la forge et la coutellerie.
Sa voie n’était pas tracée. Lui avait envie de créer de ses mains. Il a dû batailler auprès de certains de ses profs qui considéraient comme un gâchis un métier manuel. « Mes parents qui évoluaient dans l’immobilier et l’assurance m’ont compris, d’autant que mon père avait son petit atelier de métallerie ferronnerie à la maison ; c’était une véritable distraction pour lui ». Le bricolage est dans les gènes familiaux. Quand en plus la passion pour les armes s’en mêle, Tristan n’a plus qu’une obsession : en créer. Il fait son apprentissage chez un armurier à Cholet, durant 3 ans. « La fabrication des couteaux, des épées, me plaisait plus que tout. A l’issue de mon apprentissage, je n’ai pas trouvé le travail qui me plaisait, alors j’ai pris mon bâton de pèlerin pour parfaire ce savoir-faire ». Il va de forge en forge, notamment dans le Thiernois dont la réputation n’est plus à faire. « C’est l’époque où on tapait à la porte du forgeron sans savoir s’il allait ouvrir ou pas. C’était vraiment l’apprentissage sur l’enclume ». Ne dit-on que c’est en forgeant qu’on devient forgeron ?
Son expérience s’affûte au fil de ses rencontres. « L’armurier André Guilleux, mon premier maître d’apprentissage m’a transmis non seulement un métier mais surtout l’amour du travail ». Louis Charpentier le sensibilise à l’affûtage. « Il me disait qu’ils n’étaient pas plus de dix à maîtriser la technique à l’époque en France. Bernard Lucas m’a appris le damas, une technique de forge avec différentes couches. Aujourd’hui on peut apprendre avec des vidéos sur la toile ; à l’époque c’était un savoir-faire assez secret ». En 1998 il intègre le Puy du Fou. « Serge Laborieux, à l’image de beaucoup de forgerons, était habitué à travailler seul, un peu bourru à l’idée d’accueillir un jeune forgeron. J’ai très vite découvert quelqu’un de beaucoup plus tendre sous la carapace du barbu imposant ». Tristan prendra la responsabilité des forges du Puy du Fou au départ en retraite de Serge Laborieux, tout en continuant à se former chez Bernard Lucas ou les frères Alary. Autant de rencontres qui scellent son parcours. « Sans ces passionnés, je ne serais pas aller chercher si loin la précision et la finesse de la forge. Je me serais contenté de moins ».
En 2006 Tristan créé son entreprise avec Anne-Sophie, sa femme, bijoutière joaillière. « Sans elle, je n’aurais jamais été capable de conduire une entreprise. Elle est là pour structurer mes envies, donner de la lisibilité à mes projets ». Il développe la ferronnerie d’art, travaille en lien avec les monuments historiques. « Aujourd’hui je me concentre sur la coutellerie. Depuis 2013 nous avons le label Entreprise du Patrimoine Vivant, qui met en lumière les savoir-faire rares ». Une boutique en ligne complète un joli magasin à la Gaubretière. « Le virtuel ne m’intéressait que s’il était accroché à une boutique physique ». L’aventure du Puy du Fou cesse en 2020, l’occasion de repenser l’entreprise qui compte aujourd’hui deux salariés. L’été, il expose à Sallertaine en journée ou dans le cadre des nocturnes dédiées aux métiers d’art.
Comme lui 20 ans plus tôt, des jeunes attirés par le métier viennent frapper à sa porte. « J’ai accueilli 7 apprentis, deux années pour chacun d’eux. Plus des stagiaires, dont certains sur des conversions longues de sept ou huit mois ». Il participe au conseil d’administration de l’institut de formation IFRAM et participe au lancement d’une formation sur la coutellerie. « J’ai aussi donné des cours dans le cadre de l’Académie Junior du Puy du Fou. Il y a cinq élèves qui sont devenus des professionnels des métaux d’art ». La pédagogie l’anime depuis longtemps. « Tous les vendredis sur le Parc, on cherchait du minerai dans le sol, puis on fabriquait le fer ». Il reconnaît qu’il n’est pas si simple de vouloir se former au métier de forgeron. « Le parcours idéal serait de lier la mécanique de précision avec le tournage fraisage à la technique de la forge. Ça reste un secteur qui recrute peu de salariés ». Réservé jadis à une élite, le couteau de qualité est aujourd’hui recherché par un plus grand nombre d’utilisateurs. « La pièce unique répond à ceux qui ne veulent plus de l’uniformité ».
Il parie plus sur le local que sur le mondial. « Je pense qu’il y aura un changement de paradigme qui s’obtiendra peut-être dans la douleur. Je vois apparaître de plus en plus une prise de conscience sur une consommation raisonnée, pour l’alimentaire comme pour les objets. Il y a un véritable sursaut depuis la crise sanitaire ». Il défend l’idée des monnaies locales comme Vendéo. « C’est le contre-exemple de la mondialisation devenue perverse pour l’humain ».
Il y a comme une petite braise qui scintille lorsque Tristan évoque la philosophie grecque ou celle, contemporaine, d’un Fabrice Hadjadj. « C’est ce que je lis en ce moment. L’humain en général, les aventures humaines, associatives, coopératives me passionnent ». Ses deux enfants ne sont pas partis pour être forgerons. « Le plus grand s’oriente plutôt vers le médical ». Lui se défoule en pratiquant le tir sportif. « Ça permet de se changer les idées ». Ses chiens et ses ânes font aussi partie du quotidien. « Le contact avec le vivant permet d’avoir une forme de transcendance. La religion catholique fait partie des choses qui m’animent, notamment dans ma relation aux autres ». Il livre en guise de conclusion cette citation attribuée à Socrate : « Ce que je sais, c’est que je ne sais rien ; en revanche, je pense avoir un peu plus de sagesse que celui qui croit savoir ce qu’il ne sait pas ».
maison-esnault.com
Bonjour Monsieur,
Ayant regardé météo à la carte, j’ai découvert votre savoir-faire extraordinaire. Mon frère est un passionné de couteaux et je souhaiterai lui en offrir un à Noel.
Pouvez-vous me dire si vous les vendez en ligne.
Merci.
Bien cordialement
Mme Ringenbach Estelle