Ancrage familial, ancrage local…David Soulard, directeur général des Meubles Gautier, sait d’où il vient. Il a aujourd’hui la chance d’avoir des connexions dans le monde entier, grâce à l’implantation de boutiques dans pas moins de 60 pays. Il dispose d’un carnet d’adresses étoffé, à la mesure des réseaux dans lesquels il est investi, son téléphone toujours à portée de main. Autant de ressources humaines qu’il savoure lui qui puise son énergie dans la rencontre, la découverte de l’autre.

Le meuble n’est pas sa première option professionnelle. « Il y a deux branches dans la famille : le canard Soulard et le meuble Gautier. Je me suis formé à Angers pour devenir ingénieur agricole. Ma carrière a commencé chez Sodebo où je suis resté sept ans, une expérience qui m’a permis de monter en puissance ». L’incroyable épisode de 1999 où les salariés Gautier font grève pour que leur patron Dominique Soulard, père de David, soit réintégré, marque l’ADN de l’entreprise. « Mon père nous a proposé, à moi, mes frères et ma sœur, de le rejoindre pour faire un bout de chemin ensemble. Nous y travaillons tous les quatre aujourd’hui ».

David succédera à son père dans les années 2010. « On ne fait pas de formation pour devenir directeur général, hormis quelques modules sur les finances par exemple ». Les valeurs fondamentales ne sont pas négociables : humilité, travail, honnêteté. Par contre, les sphères de compétences diffèrent. « Lui était très tourné vers le produit ; moi je travaille sur l’organisation, le développement, la communication ».

On évoque parfois la solitude du chef d’entreprise. « C’est une réalité lorsqu’il faut prendre des décisions douloureuses ». Le socle familial joue l’effet d’amortisseur. « J’ai conservé des liens très forts avec mes anciens collègues de chez Sodebo. Je peux partager mes problématiques ; l’effet miroir est souvent nécessaire. On dit que le chef d’entreprise a toujours besoin de se confier au fou du roi ». Les cercles de dirigeants permettent aussi de prendre un peu de recul. « J’ai toujours fait le choix de la rupture en choisissant des clubs CJD ou APM extérieurs à mon secteur. Il n’y a pas d’a priori et la remise en cause est plus forte ». Des engagements qu’il a cessé au profit de nouveaux. « Je suis administrateur d’Ecomobilier (société de recyclage), président des exportateurs du meuble français, président du cluster Novachild à Cholet, ambassadeur à la French Fab auprès de BPI, etc… ».

Autant d’occasions de rencontres et d’aventures partagées. « L’aventure Gautier est belle, comme beaucoup d’autres chez des entrepreneurs qui ont des histoires incroyables autour des prises de risques ». Des rencontres variées qu’il entretient. « Le danger c’est de butiner, puis d’oublier ». John Thackwray, photographe sud-africain fait partie de ses rencontres qu’il n’est pas prêt d’oublier. « Il a réalisé des photos de chambres d’enfants dans 16 pays avec l’appareil photo au plafond, l’enfant sur le lit avec ses objets fétiches du pays ». Rencontrer des habitants de Nairobi, transis par l’insécurité, comme ceux de Johannesburg, ça offre un regard différent sur le monde.

Ce décalage dans les modes de vie n’est pourtant pas pour lui déplaire, lui qui est souvent entre deux avions. « Quand tu es en voyage, tu perds pied en étant à l’hôtel. La réalité te rattrape dans la rue. J’adore observer les gens dans leur comportement, leur mode de vie. Il y a des histoires de dingues. Pour moi c’est une vraie force d’avoir aujourd’hui un pied au Boupère -c’est mon côté terrien, enraciné- et en même temps en différents coins du monde ». En vol, lorsqu’il a besoin de se reposer, il écoute de la musique. « J’aime l’électro ». Les films de science-fiction nourrissent sa créativité. « C’est souvent très prospectiviste ». Le jardin, la nature, la mer, autant de havre de paix salutaires pour lui qui est souvent accaparé. « J’adore être dans les vagues ».

Sa véritable évasion réside dans les moments partagés entre amis. « C’est peut-être le côté épicurien de la famille ? C’est surtout que j’apprécie réunir des personnes pour partager des lieux et des moments de vie. Pour moi, la mise en relation, l’amitié, le plaisir à être ensemble constituent une vraie richesse ». Tout comme la fratrie investie dans l’entreprise. « Il faut que chacun trouve sa place. Il faut embarquer 800 salariés ; ce n’est pas une mince affaire. Nos parents peuvent en retirer une légitime fierté de nous voir côte à côte ».

Lui qui n’est pas pessimiste constate qu’à propos du réchauffement, les avis sont très convergents. « Je ne crois pas qu’on aille dans le mur pour autant sur le plan sociétal. Il y a encore des belles choses à faire, de beaux chantiers à réaliser ensemble ». Un autre enjeu est celui du téléphone, omniprésent chez lui comme chez d’autres. « À la fois, il ne faut pas perdre pied, et en même temps il faut savoir se détacher ». La difficulté d’un dirigeant, c’est justement d’être sollicité en permanence. « On est partagé entre l’envie de faire confiance et la volonté de tout comprendre. J’admire ceux qui ont un ‘double cerveau’ : une partie de leur cerveau se repose pendant que l’autre turbine…Ils ont des synapses, des connectiques impressionnantes ».

Rudy Gobert, le basketteur qui évolue aujourd’hui en NBA fait partie de ces gens qu’il admire. « Je le connais depuis 10 ans. Il a une volonté de réussir, une niaque complètement dingue. Il se donne les moyens ». Il a été amené à rencontrer à plusieurs reprises Régis Schultz, un autre grand dirigeant connu dans le monde de la distribution. « Il s’arrête à minuit et à 5 heures du matin, ça commence déjà à trottiner… ». Des exemples parmi de nombreux autres.

Lui qui est confronté à un rythme effréné de problématiques si diverses garde la tête sur les épaules. « La réussite c’est de garder les pieds dans le quotidien et d’avoir la tête dans les étoiles ». Conjuguer le pragmatisme et la vision.